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« Le non-OGM nous a incités à revoir notre système d'alimentation »

Le Gaec des 3M, en Meurthe-et-Moselle, est passé au non-OGM depuis juillet 2018, tout en maîtrisant ses coûts alimentaires.

« Cela faisait un moment que notre conseiller nous incitait à améliorer la ration et à travailler avec des matières premières et des coproduits. Le passage de notre laiterie au non-OGM nous a motivés pour remettre à plat notre système d'alimentation. Au final, nous avons progressé en lait et en taux, à un coût maîtrisé », plantent Alexandre et Danielle Michel, les deux associés du Gaec des 3M, à Barisey-au-Plain, près de Nancy, en Meurthe-et-Moselle.

Tout a commencé quand leur coopérative, Ermitage, a annoncé aux adhérents qu'à partir du 1er janvier 2020 toute la collecte devait être engagée en filière non OGM (en conversion et certifiée). Et qu'il n'y aurait pas de prime. « Heureusement que notre coopérative pratique un bon prix du lait et des compléments de prix, grâce à la valorisation des fromages, ajoutent les éleveurs. De juillet 2018 à novembre 2019, notre prix moyen payé avec la qualité a été de 367 €/1 000 l, hors complément de prix. » Ceci dit, les éleveurs voulaient trouver une nouvelle ration pour que le non-OGM ne se traduise pas par des surcoûts.

Augmenter la part d'herbe et de luzerne

Un changement important a été l'augmentation de la part d'herbe et de luzerne consommées par les vaches. « La ration hivernale de base est passée de 25 % d'enrubannage et 75 % d'ensilage de maïs à 40 % d'enrubannage et 60 % de maïs », résument les éleveurs.

Avant le passage en non-OGM, il y a trois ans, le Gaec a introduit la luzerne, d'abord en mélange puis en pur, et les surfaces ont augmenté progressivement et continuent encore de progresser, au détriment des cultures de vente. « Au départ, la motivation était de diversifier les ressources fourragères pour s'adapter aux contraintes climatiques. La luzerne est confortée par le passage en non-OGM. » Dans le même temps, le Gaec est passé de 10 hectares de pâturage pour les vaches traites à 15 hectares. « Et nous sommes passés en pâturage tournant avec cinq grandes parcelles que nous redécoupons au fil pendant la période de forte pousse de l'herbe. Notre objectif était de réduire les coûts alimentaires. Cette stratégie est confortée par le non-OGM. »

Enfin, le Gaec fauche plus précocement pour chercher un enrubannage de meilleure qualité. Avec l'augmentation des surfaces, le Gaec passera en ensilage de luzerne pour les deux premières coupes.

Matières premières et tourteau tanné

Avant la conversion, le Gaec n'utilisait que des aliments formulés du commerce et occasionnellement des coproduits. Avec le passage au non-OGM, l'objectif était que le coût de complémentation n'augmente pas. Avec l'appui de leur nutritionniste Jérôme Larcelet d'Optival, ils sont passés en 100 % de matières premières pour la correction azotée. « Nous avons la chance d'avoir un éleveur (en non-OGM) à 30 km de notre ferme qui a une société de services, avec des capacités de stockage, un pont à bascule et le matériel qu'il faut pour réaliser un mélange. Les camions de tourteaux arrivent chez lui. Il fait le mélange qu'on souhaite. Et nous venons récupérer notre mélange de tourteaux », détaillent les éleveurs.

La formule est généralement composée de 60 % de tourteau de colza, 20 % de tourteau de colza tanné et 20 % de tourteau de soja tanné. « Les ressources tannées sont très intéressantes pour redensifier une ration en PDIE et PDIA, quand il y a beaucoup de colza (riche en PDIN et pauvre en PDIE, PDIA) et d'azote soluble (herbe, notamment riche en légumineuses) », commente Jérôme Larcelet, d'Optival. Le tourteau de colza amène aussi du phosphore et permet donc de réaliser une petite économie sur le phosphore apporté par le minéral.

 

 
Le mélange de tourteaux est réalisé chez un éleveur voisin en non-OGM qui fait des prestations (CTM services) : commande et stockage des matières premières, et mélanges. © C. Pruilh

 

Un mélange avec des drêches

Pour amener encore des protéines à coût raisonnable, le Gaec utilise des coproduits - essentiellement des drêches de brasserie. Les drêches sont mélangées avec de la farine de maïs et de la farine d'orge autoconsommée. « Du coup, on peut acheter des drêches humides, moins chères, car la farine absorbe les jus », précisent les éleveurs. « Ces deux dernières années, les maïs ensilage étaient de mauvaise qualité (0,89 UFL, 20 % d'amidon et peu digestible) ; il a donc fallu densifier la ration en énergie et acheter de la farine de maïs. Avec un ensilage de maïs de bonne qualité, le Gaec pourrait s'en passer », commente Jérôme Larcelet. 

 

 
Les drêches sont plus lactogènes que d'autres matières premières. Ici, le mélange de drêches et de farine de maïs et orge. © C. Pruilh

 

Les éleveurs veulent à présent se passer du concentré du commerce qu'ils donnent aux vaches en complémentation individuelle, ainsi que de celui distribué aux génisses (330 €/t). « Ce qui nous freine pour l'instant, c'est le stockage et la reprise du concentré "maison" que nous voudrions faire. »

Cette stratégie alimentaire est valable au Gaec des 3 M du fait d'une disponibilité en tourteaux de colza et en coproduits dans la région. Et parce que d'autres agriculteurs ont des capacités de stockage et font de la prestation de services pour des mélanges. Produire du lait en non-OGM avec des coûts et un temps de travail maîtrisés se raisonne à l'échelle du territoire.

Chiffres clés

55 vaches Prim'Holstein à 10 000 kg/VL/an et 20 génisses de renouvellement
180 ha dont 86 ha pour l'alimentation du troupeau : 36 ha de prairies permanentes dont 15 ha de pâturage pour les vaches traites, 22 ha de luzerne, 20 ha de maïs ensilage et maïs grain humide, 8 ha d'orge autoconsommée

Un changement stratégique payant

Comparaison entre la situation avant conversion sur douze mois (juin 2017 - juin 2018), et la situation à partir de la conversion sur douze mois (juillet 2018 - juillet 2019)

« On parvient à améliorer les performances laitières et réduire le coût grâce à une meilleure efficacité alimentaire. La différence s’est surtout faite sur la qualité de la protéine utilisée et sur l’opportunité de bénéficier de matières premières en petite quantité au prix "camion 30 t benné" grâce au prestataire local », explique Jérôme Larcelet. L’efficacité de la protéine se traduit au travers des performances, ainsi que du taux d'urée dans le lait qui est plus faible : 200 mg/kg contre 300 mg auparavant, alors que la densité azotée est la même. Aujourd’hui, la protéine est valorisée et n’est plus gaspillée !

« Différentes solutions pour éviter les surcoûts »

Pour Jérôme Larcelet, nutritionniste chez Optival, le passage en non-OGM est l'occasion de revoir sa stratégie alimentaire et son système fourrager.

« À court terme, la complémentation azotée doit être modifiée dans la majorité des cas. Les éleveurs ont plusieurs solutions. La première est de remplacer le soja OGM par du soja non OGM. La substitution de 1% de soja OGM par du non OGM augmente en moyenne le tarif de 1 euro par tonne. La seconde est de remplacer le soja OGM par d’autres matières premières (tourteau de colza, de tournesol…) ou coproduits : drêche de distillerie, d’amidonnerie, de brasserie... Attention alors aux valeurs énergétiques et surtout à la solubilité de l’azote des produits utilisés, en respectant un bon équilibre entre les PDIN et PDIE ainsi que la densité en PDIA. Si on recherche de la performance laitière, il faudra associer le tourteau de colza ou de tournesol avec une source d’azote « tannée » (tourteau de colza tanné, drêche de brasserie…).

Travailler avec des coproduits et des matières premières demande souvent aux éleveurs d'investir dans des petits silos couloirs bétonnés ou du bâtiment de stockage. Une des difficultés est la quantité livrée, par 30 tonnes. D'où l’intérêt d’avoir des prestataires de services qui stockent, réalisent les mélanges et font la mise en silo. Pour le stockage à la ferme, une solution est de mélanger matières premières et coproduits et de stocker dans un seul silo pour une durée de six mois ou un an. L'éleveur gagne ainsi en praticité et temps de travail. »

Améliorer la qualité de l'herbe récoltée

« À plus long terme, les éleveurs peuvent adapter leur système fourrager pour rechercher plus d’autonomie protéique. Avant d’implanter de nouvelles surfaces en prairie temporaire et en luzerne, il faut chercher à améliorer et valoriser les surfaces d’herbe présentes. Pour cela, on resensibilise les éleveurs à la fauche précoce en travaillant avec des cumuls de somme de température et non plus des dates, pour gagner en qualité et ne pas perdre en rendement.

Passer en non-OGM engendre une augmentation moyenne du coût alimentaire de 3€ à 5 €/1 000 kg de lait pour les vaches laitières et de 1 €/1 000 kg de lait pour le renouvellement. Revoir sa stratégie de complémentation azotée permet souvent de réaliser un gain sur le coût. »

Attention à la qualité des protéines

Jérôme Larcelet rappelle que le choix du correcteur azoté ne doit pas se faire uniquement en fonction de la teneur en matière azotée totale (MAT) ! « Il faut prendre en compte la part de l’azote non protéique (urée) contenu dedans ; 1 % d’urée représente 2,8 % de la MAT. Un correcteur azoté à 42 % de MAT qui contient 3,5 % d’urée est en réalité un correcteur à 32,2 % d’azote protéique et 9,8 % d’azote non protéique. On évite donc de comparer le prix des aliments sur la MAT seule car le coût de l’azote protéique est d'environ 8-10 €/% MAT, et celui de l’azote non protéique environ 2 €/% MAT. »

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