"Le diagnostic bien-être animal nous aide à progresser"
Le Gaec de Barbezieux, en Meurthe-et-Moselle, a fait évoluer l’élevage des veaux suite à une évaluation avec l’outil Boviwell.
Le Gaec de Barbezieux, en Meurthe-et-Moselle, a fait évoluer l’élevage des veaux suite à une évaluation avec l’outil Boviwell.
"Le résultat de notre premier diagnostic bien-être animal Boviwell, réalisé en août 2018, nous a surpris. On ne pensait pas que la mortalité des veaux avait un tel poids. Cela nous a remis en question et nous a permis d’avancer et d’améliorer nos résultats sanitaires", se rappelle Jean-Charles Colin, un des cinq associés du Gaec de Barbezieux, en Meurthe-et-Moselle.
Un deuxième diagnostic a été réalisé en juin 2019. Il a duré quatre heures pour l’atelier de 200 vaches laitières et celui de 200 jeunes bovins issus de l’atelier laitier. La note globale est classée "Supérieur" (entre 55 et 79 points sur 100 points). L’atelier jeune bovin est noté "Excellent" (plus de 80 points). L’atelier vache laitière, de niveau "Supérieur", est très bien noté sur les critères qui concernent les libertés 1, 2, 4 et 5.
L’abreuvement, point fort du Gaec
Parmi les points forts du Gaec, la note d’état corporel est très bonne, ainsi que le bâtiment : bonne ventilation, cinq boxs d’isolement et de vêlage, 192 places à l’auge, pas de vaches restant debout dans les logettes… En cas de forte chaleur, six gros ventilateurs verticaux sont actionnés.
L’abreuvement obtient une note excellente : 6,5 centimètres de linéaire disponible par vache (référence à 6 cm) et des abreuvoirs propres. "Pour l’aménagement intérieur, nous avions fait attention à la bonne circulation des vaches, et donc à l’accessibilité des abreuvoirs et à leur positionnement dans la stabulation", ajoute Jean-Charles Colin.
Les libertés 4 et 5 sont de niveau excellent. La relation homme animal est très bien notée, avec 86 % des animaux observés qui ont pu être approchés par l’évaluateur. Les vaches traites ont accès à l’extérieur avec 8 hectares de prairie et les taries disposent de 20 hectares.
Prise en charge de la douleur à l’écornage
Depuis le premier diagnostic, la note de l’atelier vache laitière est passée de 57 à 80. Le Gaec a principalement travaillé sur la santé des veaux et sur le traitement de la douleur des veaux à l’ébourgeonnage. "Nous ébourgeonnons les veaux avant un mois. L’anesthésie et l’antalgique ne sont pas obligatoires dans ce cas-là. Mais leur absence pénalise notre note", explique Jean-Charles Colin. À présent, le Gaec administre un antalgique. "Nous restons quand même au niveau "progression" mais tant pis. Nous voulons y aller progressivement, car ce sont des produits. Il faut vérifier les éventuels effets secondaires. Faire une anesthésie n’est pas simple ; il faut bien la doser. Pourra t-on la faire nous-même ? Quel coût cela aura t-il ?"
Limiter la perte d’animaux
Suite au premier diagnostic, le Gaec a bien baissé la mortalité des veaux, de 16 % à 9,8 %. Avant, les veaux restaient cinq jours dans les niches à l’extérieur, avant de passer en case collective dans la nurserie. Aujourd’hui, ils restent 20 jours en niche. "Nous avions fait un essai à 15 jours, mais la différence n’était pas significative ; l’immunité des veaux n’était pas encore bien constituée. 20 jours sont donc un bon compromis entre l’acquisition d’une immunité et le besoin du veau de ne pas rester isolé", expose Jean-Charles Colin.
Les mesures de biosécurité dans les niches et la nurserie ont été renforcées. Les niches sont lavées à l’eau chaude et désinfectées après chaque veau, et suit un vide sanitaire minimal de 48 heures. Dans la nurserie, le vide sanitaire est réalisé plus fréquemment, avec un nettoyage à l’eau chaude et une désinfection.
Enfin, le Gaec a fait un plafond à 3 mètres de haut pour réduire le volume de la nurserie. Et des panneaux radiants (l’eau chauffée par la chaleur de la méthanisation passe dedans) ont été installés sous le quai de paillage qui est au-dessus des cases collectives à 2 mètres de haut.
Réduire les gros jarrets
Plus récemment, les bétons des aires d’exercice ont été re-rainurés pour réduire les glissades et blessures des vaches. Le Gaec cherche aussi à améliorer le confort des logettes béton. "Quelques vaches ont de gros jarrets. Nous avons en projet d’installer des tapis et de maintenir le paillage des logettes à 3 kg/VL/j", précise Jean-Charles Colin. Le coût est estimé à 30 000 euros pour 220 logettes.
Améliorer le bien-être n’est pas qu’un surcoût. Les éleveurs en attendent aussi des effets sur la santé du troupeau et donc sur les résultats économiques. "Le bénéfice est aussi en termes d’image de notre métier. Si je me sens reconnu, mon bien-être y gagne. Mais le consommateur doit jouer le jeu en achetant les produits qui respectent ses attentes, et faire attention aux étiquettes parfois trompeuses."
Voir aussi la vidéo Evaluer le bien-être animal avec Boviwell
Les cinq libertés
Du diagnostic Boviwell aux plans d’actions
Près de 85 % des élevages bovins sont de niveau Supérieur à Excellent. Les marges de progrès concernent notamment l’abreuvement.
Boviwell a été développé par Moy Park Beef Orléans – principal fournisseur de steaks hachés de McDonald’s –, en partenariat avec l’Isa de Lille, pour évaluer de façon fiable et rapide des élevages bovins laitiers et allaitants sur le bien-être animal. Il a été déployé par les techniciens de seize organisations agricoles : Agrial, Bovineo, Cecab, Natup, Terrena…
Cet outil sera utilisé par le Cniel, dans le but d’évaluer les seize indicateurs de bien-être animal du plan de filière de l’interprofession laitière.
Plus de 1600 diagnostics ont été réalisés entre 2017 et 2018 : 9,5 % des exploitations sont de niveau "Excellent" (note supérieure à 80/100) sur la note globale, et 77 % sont classées "Supérieur" (55 à 79 sur 100). "Les scores d’alimentation, de confort et de surface disponible ont un très bon niveau. Ces notes ont rassuré les coopératives partenaires et les éleveurs, sur la qualité de leurs pratiques", indique Salomé Rozier, de Moy Park Beef Orléans. Les écarts entre élevages sont importants pour l’abreuvement. "Il y a des marges de progrès, et les coopératives commencent à mettre en place des plans d’actions pour améliorer ce point." Les notes montrent aussi une marge de progrès sur les pratiques d’écornage. "Ceci dit, nous souhaitons faire évoluer le système de notation, pour qu’il intègre le bénéfice d’un ébourgeonnage avant quatre semaines, pratique aujourd’hui recommandée par le RMT bien-être animal." L’outil de diagnostic est amené à évoluer pour prendre en compte l’évolution des connaissances et des pratiques.