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Le croisement de races bovines laitières : bon ou mauvais plan ?

Le croisement apporte des solutions. Mais, pour éviter les désillusions, il faut avoir des objectifs clairs, choisir ses races en conséquence et s’engager sur du long terme.

Les croisées sont des vaches robustes et résilientes parce qu’elles ont un pool de gènes large.
Les croisées sont des vaches robustes et résilientes parce qu’elles ont un pool de gènes large.
© I. Pailler

« Le croisement laitier est un outil performant pour sélectionner le troupeau, mais il en existe d’autres. Je ne le préconiserais pas systématiquement dans tous les élevages », expose Isabelle Pailler, de la chambre d’agriculture de Bretagne. En effet, le croisement laitier a des atouts et des limites qu’il faut bien identifier avant de se lancer.

Pour Didier Boichard, directeur de recherche à Inrae, « c’est un système d’avenir pour les producteurs laitiers non sélectionneurs, qui se développera et coexistera avec les races pures ». De son côté, Rémy Vermès de Prim’Holstein France, estime que l’orientation de la race prim’Holstein, avec plus de poids accordé aux fonctionnels (fertilité…) dans l’ISU en 2012 puis 2021, la modification de la table de pointage en 2021, et le large panel de taureaux Holstein proposés dans les catalogues permettent depuis plusieurs années de répondre à la demande des éleveurs, quel que soit leur système de production.

« Si vous voulez croiser des animaux, il faut bien connaître les défauts de votre troupeau par rapport à votre système. S’il n’y en a pas, ce n’est pas utile de croiser. S’il y en a, il faut bien les identifier pour savoir s’ils sont corrigibles par le croisement. Mais vous perdrez d’autres aptitudes du troupeau initial », analyse Isabelle Pailler.

Pour optimiser ses atouts, il faut s’engager sur le long terme et ne pas tirer de conclusions hâtives. « Certains éleveurs sont déçus par le croisement. Mais ils ne l’avaient utilisé que sur des vaches ayant de gros problèmes de reproduction. Le croisement améliore la fertilité, mais il ne résout pas tout. »

Ses atouts : complémentarité des races et hétérosis

 

 
L’effet d’hétérosis, c’est la cerise sur le gâteau. Mais le plus important, c’est de jouer sur la bonne complémentarité de races.
L’effet d’hétérosis, c’est la cerise sur le gâteau. Mais le plus important, c’est de jouer sur la bonne complémentarité de races. © Gaec Sweertvaegher-Merlant

 

« Avec le croisement, vous ne travaillez plus à l’individu, mais avec une population ayant un pourcentage de sang de chaque race et qui répond bien au contexte de l’élevage, explique Isabelle Pailler. Les croisées sont des vaches robustes et résilientes parce qu’elles ont un pool de gènes large. C’est pour cela que le croisement est plutôt utilisé dans des élevages herbagers et bio. Les croisées sont des animaux qui vont bien s’adapter aux manques de fourrages ou aux déficits énergétiques en hiver… »

« Les animaux croisés bénéficient de l’hétérosis et de la complémentarité entre les races, rapporte Didier Boichard. Les vaches croisées produisent moins de lait que des Holstein mais sont plus fertiles. » Et de poursuivre : « c’est le système le plus robuste mais qui demande d’être toujours alimenté par des animaux de race pure ».

Isabelle Pailler relativise l’impact de l’effet d’hétérosis par rapport à deux autres atouts. « L’effet d’hétérosis, c’est la cerise sur le gâteau. Mais le plus important, c’est de jouer sur la bonne complémentarité de races pour répondre au système et de s’affranchir de l’effet délétère de la consanguinité. » Et d’ajouter : « plus vous croisez des races consanguines, plus vous obtiendrez des effets bénéfiques du croisement ».

Les bénéfices attendus dépendent de la manière dont il est utilisé. « Si vous voulez obtenir un effet marqué du croisement, il faut le faire sur au moins la moitié du troupeau, d’autant que le croisement engendre de l’hétérogénéité dans la qualité des animaux, liée à la génétique et à la variabilité de composition raciale des animaux », préconise Charlotte Dezetter, enseignante-chercheuse à l’ESA d’Angers.

… et ses limites

« Croiser, c’est forcément renoncer à certaines choses pour en obtenir d’autres, explique Isabelle Pailler. Si vous croisez des Holstein avec d’autres races, vous savez que vous allez baisser en production laitière mais vous attendez des gains sur d’autres critères tels que la fertilité, les taux, les mammites, moins de perte d’état… Certains animaux ne correspondent pas toujours à vos attentes. »

La conduite du troupeau est un peu plus compliquée « en raison de l’hétérogénéité des animaux », prévient Didier Boichard, pour qui cette limite pèse cependant peu par rapport aux avantages. « L’idéal serait de n’avoir que des F1, comme c’est le cas en production porcine. »

Le croisement nécessite un suivi des accouplements et de l’anticipation pour avoir toujours assez de doses de semences des taureaux de chaque race. « L’appui technique n’est pas toujours au rendez-vous. Par conséquent, l’éleveur doit être partie prenante pour choisir les taureaux, souligne Charlotte Dezetter. L’absence d’index pour les croisés peut également complexifier le choix des taureaux. »

Plus de bénéfices avec le croisement trois voies ?

Globalement, en termes de bénéfices, le croisement trois voies l’emporte sur le deux voies. « Avec le croisement trois voies, vous maximisez l’effet d’hétérosis et la complémentarité entre les races. C’est moins le cas avec un croisement alternatif qui n’implique que deux races. »

 

 
Le croisement de races bovines laitières : bon ou mauvais plan ?

 

Les travaux du chercheur américain Les Hansen ont mis en évidence l’intérêt technico-économique du croisement trois voies de type Procross (Holstein x montbéliarde x viking red) dans des gros élevages à haut niveau de production aux États-Unis.

Mais le deux voies a aussi des atouts. « Le cycle est plus rapide. Si vous êtes pressés, cela peut être une bonne solution. Comme il n’y a que deux races, c’est plus facile à gérer », précise Didier Boichard.

Le saviez-vous ?

Les kiwis sont des animaux issus du croisement entre de la Holstein (ou Holstein-frisonne) et de la jersiaise. En Nouvelle-Zélande, ce croisement a été travaillé depuis de nombreuses années. La kiwi est désormais considérée comme une race, au même titre que l’Inra 95…

L’effet d’hétérosis, un coup de pouce difficile à prédire

Lorsque vous croisez des animaux de deux races différentes, leur descendance ont des performances supérieures à la moyenne de celles des deux parents. Plus les races sont génétiquement éloignées, plus l’effet d’hétérosis est important. Il est également plus marqué pour les caractères à faible héritabilité, tels que les fonctionnels (fertilité, santé…), que pour la production. Il varie aussi selon les générations, le sens du croisement, le rang de lactation…

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