« L’autonomie protéique est notre cheval de bataille »
Le Gaec de l’Ouchette, dans les Deux-Sèvres, travaille depuis longtemps sur l’autonomie protéique, tout en cherchant à maintenir un niveau de production élevé du troupeau de 150 laitières. Un défi relevé grâce au pâturage et la culture de légumineuses.
Le Gaec de l’Ouchette, dans les Deux-Sèvres, travaille depuis longtemps sur l’autonomie protéique, tout en cherchant à maintenir un niveau de production élevé du troupeau de 150 laitières. Un défi relevé grâce au pâturage et la culture de légumineuses.
Le lait est une passion qui se partage entre frères au Gaec de l’Ouchette. À 30 ans, Émilien Renaud s’est installé en janvier dernier sur l’exploitation en reprenant les parts sociales de son père. Il rejoint son frère Mathieu, installé quatre ans plus tôt, et ses deux oncles Lionel et Francis sur une exploitation de 224 hectares de SAU et un troupeau de 150 prim’Holstein à 9 600 kilos. Un renouvellement de génération bienvenu dans cette zone de déprise laitière où le nombre d’élevages laitiers à quinze kilomètres à la ronde se compte sur les doigts de la main.
La motivation pour l’élevage et l’envie d’aller de l’avant ont toujours été le leitmotiv ici, depuis déjà trois générations. Aujourd’hui encore, les associés ont à cœur d’évoluer et de s’adapter aux nouvelles contraintes et aux enjeux de demain. À commencer par la quête d’autonomie protéique. « Nous voulons allier performances technique et économique en recherchant le plus d’autonomie possible », dépeignent de concert les quatre associés.
Les vaches passent le plus de temps possible dehors
Pour cela, l’un des leviers a été de maximiser le pâturage dont la surface a doublé en 2020 pour atteindre 29 hectares pour les laitières. « Le pâturage offre beaucoup d’avantages. Il a toujours été pratiqué sur la ferme mais nous sommes passés à la vitesse supérieure ces trois dernières années », avance Lionel. Il débute en février dès que l’herbe pousse, stoppe quasiment de mi-juin à fin août et reprend jusqu’à début décembre. « Tout ce que les vaches prennent au pâturage, ce sont des coûts de production gagnés par rapport à des fourrages distribués à l’auge et du travail en moins », poursuit Émilien. Fort de son expérience du pâturage tournant dynamique, découvert lors d’un stage dans une exploitation de 700 vaches en Nouvelle-Zélande, le jeune éleveur était confiant pour le mettre en pratique à Melleran avec 150 vaches.
De nouvelles prairies multi-espèces ont été implantées et la gestion du pâturage a été repensée avec un découpage en 36 paddocks de 75 ares, tous équipés au minimum d’un bassin à eau. Pour simplifier le travail, un système d’abreuvement automatique a été installé grâce à une cuve tampon et un surpresseur permettant un débit adapté aux besoins du troupeau, pour un coût d’aménagement de 15 000 euros.
Diversifier et sécuriser la production fourragère
En général, les vaches sortent après la traite du matin, reviennent dans le bâtiment en tout début d’après-midi et ressortent la nuit. « Elles courent vers les prairies le matin et courent vers l’auge à midi ! », plaisante Lionel. Les vaches reviennent sur les parcelles toutes les trois semaines (tous les 15 jours en mai). « Lorsqu’il y a beaucoup d’herbe, nous pratiquons le topping notamment sur les parcelles où le dactyle est plus présent, pour mieux gérer les refus », précise Émilien.
La valorisation de l’herbe s’est bien améliorée. Le pâturage constitue 50 à 60 % du régime à la belle saison. La quantité de tourteau de colza se limite alors à 1,5 kg, contre 2,7 kg en hiver. « Nous ne voulons pas le réduire davantage à l’herbe car nous ne sommes pas prêts à voir baisser la production. Surtout qu’une fois que le lait est descendu, c’est compliqué de le faire remonter », considèrent les associés.
Remplacement d’une partie du RGI par des méteils
« Ce qui coûte le plus cher dans l’alimentation, ce sont les protéines. C’est pourquoi nous essayons également de cultiver le plus de légumineuses possible », expose Mathieu. La luzerne occupe une quinzaine d’hectares, en veillant à apporter des amendements calciques suffisants. La priorité va à la qualité de la première coupe ensilée et les suivantes sont récoltées en foin.
Depuis une dizaine d’années, des méteils remplacent aussi une partie du ray-grass italien en dérobée pour obtenir un ensilage de qualité (0,8-0,9 UFL/kg MS et 14 à 18 % MAT). Le rendement atteint 6 t MS/ha avec 15 tonnes de fumier par hectare, sans autre fertilisation. « Comme les semences coûtent cher, nous essayons de produire nous-mêmes la féverole, le pois et l’avoine blanche. » Les achats se cantonnent au trèfle squarrosum et à la vesce. La féverole fournit l’azote à l’avoine et apporte de la MAT et de la fibre au mélange. « Elle ne pose pas de problème d’appétence bien qu’elle noircisse », observe Mathieu.
Le méteil est semé mi-octobre après un travail simplifié avec un outil à disques ou à dents. « Nous semons d’abord les féveroles au semoir monograine, à 8 cm de profondeur, puis nous semons les autres graines au combiné à 2 cm. » Le trèfle, quant à lui, est semé à la volée en surface au quad, avant le passage du rouleau. La récolte intervient fin avril avec un conservateur. « L’objectif est de récolter au début de la floraison du pois et de la féverole pour avoir le meilleur compromis qualité-rendement. Or, si tout est semé ensemble, la féverole arrive à un stade trop avancé lorsque le pois fleurit », poursuit Mathieu. Le méteil est moins gourmand en eau que le ray-grass italien, par contre il libère la parcelle plus tard pour les semis de maïs ou de sorgho. « Mais comme le terrain se montre bien plus souple à la reprise, cela compense. »
Le lupin se substitue à une partie du correcteur
Le lupin d’automne a aussi été réintroduit dans l’assolement. « Nous avions déjà cultivé du lupin blanc doux dans les années 2000 mais les rendements se montraient décevants, se souvient Francis. L’aide PAC pour les protéagineux nous a motivés à reprendre cette culture que nous avions abandonnée. » Le Gaec dispose de terres bien adaptées, argileuses, profondes, pas trop calcaires : un atout pour le lupin, qui atteint aujourd’hui 25 q/ha de moyenne. « L’autoproduction d’une partie des semences, l’aide aux protéagineux perçue et l’aplatissage à la ferme rendent le lupin intéressant économiquement », considèrent les éleveurs.
Ils ont opté pour la variété Orus, riche en acides aminés essentiels et en oméga 3, qu’ils sèment au semoir à céréales en plein (40 g/m2) fin septembre, suivi d’un traitement de prélevée. « La difficulté de la culture tient au désherbage car le lupin s’implante lentement et il y a peu de produits homologués », souligne Mathieu. Stockées dans une cellule de stockage, les graines sont aplaties à la ferme. « Il ne faut pas en aplatir trop d’un coup, car elles deviennent assez vite rances. » Les associés veulent continuer le lupin avec un objectif de 30 quintaux par hectare. « Potentiellement, nous pourrions en distribuer davantage aux vaches. » Aujourd’hui, ils en introduisent 1 kilo dans la ration en hiver, ce qui limite un peu la quantité de tourteau. « Mais au-delà des quantités, ce qui est intéressant, c’est aussi de varier les sources de protéines dans la ration pour avoir de bons résultats techniques », estime Émilien.
Une autonomie protéique de 59 % sur l’exploitation
La ration complète mélangée est diversifiée. La quantité d’ensilages de maïs et de sorgho varie entre 6,5 et 8,5 kg MS/VL selon la saison, et le méteil est distribué à hauteur de 4,5 kg MS en hiver et 2 kg au printemps. « En été, nous le remplaçons par de l’ensilage de RGI qui chauffe moins. » Le pâturage et la culture des légumineuses permettent d’avoir toute l’année une ration équilibrée autour de 32 kg de lait par vache et par jour. En plus du tourteau de colza, les laitières reçoivent du maïs grain, de l’orge et en hiver des graines de lin extrudées.
Le bilan Devautop affiche une autonomie protéique de l’exploitation de 59 %. Si le pâturage, les méteils, le lupin et la diversification fourragère contribuent à limiter la dépendance protéique, la quantité de concentrés azotés par vache (1 390 kg/VL/an) reste non négligeable en raison du niveau de productivité animale élevé.
Choisir ses priorités et saisir les opportunités
Fiche élevage
SAU : 224 ha dont 66 ha de céréales à paille, 40 ha de maïs, 29 ha de sorgho monocoupe, 13 ha de lupin, 61 ha de prairies, 15 ha de luzerne, 30 ha de méteil et 22 ha de RGI en dérobée
Cheptel : 150 prim’Holstein à 9 600 kg
Lait livré : 1 450 000 l
Chargement : 1,45 UGB/ha
Main-d’œuvre : 5,5 UMO dont 4 associés
Avis d’expert : Anne-Laure Gomas, de la chambre d’agriculture Charente Maritime Deux-Sèvres
« Une organisation du travail bien rôdée »