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LA MÉTHANISATION EST-ELLE POUR VOUS?

Les unités de méthanisation peuvent être rentables en France, si elles traitent les déjections animales et des déchets agricoles et autres, et si elles valorisent au maximum la chaleur produite.

Hors subvention, les bons projets demandent
un investissement de 5 000 à 6 000 euros par kilowatt.
Il faut compter huit à dix ans de retour sur investissement.
Hors subvention, les bons projets demandent
un investissement de 5 000 à 6 000 euros par kilowatt.
Il faut compter huit à dix ans de retour sur investissement.
© D.R.

Produire de l’électricité et de la chaleur à partir de lisier et de déchets organiques: de quel cycle plus parfait pourrait rêver un écolo- citoyen ? C’est ce que permet de faire la méthanisation, qui est la digestion de matières organiques par des micro-organismes, et qui émet un biogaz riche en méthane. Ce biogaz peut ensuite servir à faire tourner un moteur - ou cogénérateur - qui produit électricité et chaleur, mais il peut aussi, après purification, servir de carburant ou de gaz de ville.
Jusqu’à présent, la méthanisation s’est surtout développée dans les décharges, les stations d’épuration et certaines industries. La méthanisation à la ferme, à partir d’effluents d’élevage, a surtout gagné du terrain en Allemagne, où les unités de méthanisation consomment aussi beaucoup de cultures énergétiques. Du coup, on a trop souvent entendu que cette méthanisation ne serait pas intéressante en France, où il n’y a ni les surfaces, ni l’incitation politique pour produire du biogaz à partir de ces cultures.
Or le biogaz peut être produit lors de la digestion d’une multitude de matières organiques différentes : déjections animales, résidus de culture, déchets de l’industrie agroalimentaire (IAA), déchets de collectivité… qui peuvent être utilisées dans des unités de méthanisation à la ferme. Et le retour au sol se fait comme avec des déjections classiques, pour un grand nombre de matières premières.
Certes, le tourteau de colza et l’ensilage de maïs sont parmi les meilleurs producteurs de méthane (CH4) : plus de 350 m3 de CH4 par tonne de tourteaux digérée, contre 20 m3 de CH4 par tonne de lisier de bovin. Pourtant, en France, il peut être rentable de faire de la méthanisation à partir d’effluents d’élevages et autres déchets, alors que ce n’est pas le cas à partir de cultures énergétiques.
D’une part, la France n’incite pas à produire du biogaz à partir de cultures, contrairement à l’Allemagne. D’autre part, leur utilisation constitue une charge, alors que l’utilisation de déchets amène des recettes à l’unité de méthanisation.
Pour être rentable en France, une unité de méthanisation à la ferme doit traiter des effluents d’élevage, mais aussi d’industries agroalimentaires et/ou de collectivités, pour améliorer le rendement énergétique de l’installation, amener des recettes et intéresser des partenaires qui appuieront le projet. L’unité de méthanisation devra également valoriser non seulement l’électricité produite à partir du méthane, mais aussi un maximum de la chaleur. Des subventions sont accordées à de telles installations, et le tarif d’achat de l’électricité par EDF est d’autant plus élevé que la chaleur produite est valorisée.
« En octobre 2007, on comptait en France environ 130 projets plus ou moins avancés de méthanisation à la ferme, dont cinq déjà aboutis et trois en construction », chiffre Guillaume Bastide, de l’Ademe(1). Ces projets sont motivés par l’envie de développer une nouvelle activité, rémunératrice et tournée vers l’avenir: la production d’énergie renouvelable. L’intérêt pour la méthanisation est vraiment né quand la France a rehaussé en juillet 2006 ses tarifs de rachat par EDF de l’électricité produite à partir de biogaz.
Mais la méthanisation a d’autres avantages motivants : elle permet à l’éleveur d’être autonome en chaleur, pour son exploitation et sa maison d’habitation, dans un contexte d’accroissement du coût des énergies fossiles. La digestion désodorise les effluents d’élevage, et tue une partie des pathogènes et adventices qu’ils contiennent. Au cours de la « digestion », une partie de l’azote est minéralisé, ce qui permet de réduire les apports d’engrais minéraux. Le potentiel humique est conservé.

RÉDUCTION DES GAZ À EFFET DE SERRE
La méthanisation a également des impacts positifs sur l’environnement. Ainsi, en récupérant le méthane qui se dégage spontanément des effluents, et en l’utilisant pour en faire de l’énergie, l’éleveur participe à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La méthanisation de 1000 m3 de lisier bovin permet d’éviter l’émission de 16 tonnes de CH4, soit environ 330 tonnes-équivalent CO2(2). Ces éléments — réduction des émissions de gaz à effet de serre, production d’énergie renouvelable et traitement de déchets — forment un ensemble qui valorise l’image de l’agriculteur.
« L’élevage bovin n’est pas le coeur de cible pour développer la méthanisation à la ferme. Les élevages de porcs, de volailles ou de lapins, sont plus favorables », entendon souvent. Les élevages hors-sol présentent l’avantage d’avoir un apport d’effluents constant sur l’année, contrairement à l’élevage bovin, où la période de pâturage est creuse. En outre, « la technique de méthanisation à la ferme couramment utilisée en Allemagne, et que les constructeurs transposent en France, fonctionne très bien avec leurs systèmes lisier. Mais en France, il y a beaucoup d’élevages bovins en système fumier. C’est pour cela que l’on teste en Vendée un digesteur alimenté par du fumier (voir page 34) », ajoute Armelle Damiano, animatrice de l’association Aile(3) en Bretagne. L’élevage bovin a par contre un intérêt par rapport à l’élevage porcin : il peut amener lisier et fumier, un mélange plus intéressant que du lisier pur pour la production de biogaz.
Enfin, le gros point faible des élevages bovins est la valorisation de la chaleur car, contrairement aux élevages de porcs, volailles et lapins, ils ont des besoins de chaleur irréguliers et/ou insuffisants sur l’année : chauffer l’eau nécessaire à l’élevage, sécher les fourrages et grains. « L’éleveur doit alors chercher des partenariats avec des voisins ayant des besoins en chaleur ou développer une autre activité consommatrice de chaleur », souligne Armelle Damiano.

L’INTÉRÊT DES PROJETS COLLECTIFS
Mener à bien un projet de méthanisation à la ferme est plus compliqué en France qu’en Allemagne : l’investissement est plus coûteux car le marché et la concurrence naissent à peine, les projets sont plus longs et difficiles à mettre en place du fait des freins administratifs (voir article page 38), et les unités doivent valoriser au maximum la chaleur pour être subventionnées et être rentables. « Je crois au développement de la méthanisation à la ferme, souligne Guillaume Bastide. Et en France, on fera des installations bien raisonnées. L’Allemagne compte peut-être beaucoup d’installations, mais comme la valorisation de la chaleur n’est pas primordiale pour rentabiliser les installations, beaucoup gaspillent cette énergie. En outre, leurs unités utilisent beaucoup de cultures énergétiques. Ils peuvent certes substituer les céréales devenues trop chères par d’autres sources végétales, mais ils recréeront des tensions sur ces autres marchés. Je crois beaucoup plus à des installations comme celles que j’ai vues en Belgique et au Luxembourg, où des agriculteurs s’associent dans un projet collectif, et où la chaleur sert un réseau de chauffage pour des bâtiments dans le village voisin. » Les projets en cours en France sont pour la plupart individuels, mais on voit aussi quelques projets collectifs, impliquant des communes, des industriels, des agriculteurs et des particuliers. L’intérêt de ces projets « territoriaux » est qu’ils mettent en valeur l’agriculture comme un acteur du développement durable d’une région. Ils participent à l’amélioration de l’image de l’agriculture, de son rôle social et environnemental. En outre, de tels projets sont souvent aidés par l’État et/ou l’Union européenne. ■ Costie Pruilh

(1) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
(2) Source : Citepa, centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique.
(3) Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement.

SOMMAIRE DU DOSSIER 

P30 : « Le tarif de rachat de l’électricité est le principal soutien financier » : Marc Gillmann, ministère de l’Agriculture

P32 : Les quatre principes de la méthanisation

p34 : Le Gaec Bois-Joly en Vendée teste le tout fumier 

P36 : Chaleur et déchets sont les points clés de la rentabilité en France

P40 : Cinq projets de méthanisation, individuels et collectifs

p44 : Chez André Buschhaus, en Allemagne : "Nous utilisons une grande diversité de déchets" 

Tarifs de vente de l'électricité : Entre 10,4 et 14 centimes d’euro le kilowatt heure

La méthanisation bénéficie d’une obligation d’achat de l’électricité produite à partir du biogaz, et d’une tarification spécifique avec un contrat de quinze ans.
Avant juillet 2006, EDF achetait l’électricité issue du biogaz à 5,8 c/kWh. Depuis juillet 2006, les tarifs EDF vont de 7,50 à 9 c/kWh pour le tarif de base, en fonction de la puissance de l’installation de méthanisation. À ce tarif s’ajoute une prime à la méthanisation de 2 c/kWh. Peut s’ajouter aussi une prime à l’efficacité énergétique. Si l’unité valorise au moins 75 % de l’énergie contenue dans le biogaz (énergie primaire), la prime est de 3 c/kWh. En deçà de 40 %, la prime est de zéro. Entre les 40 et 75 %, elle est comprise entre 0 et 3 c.
Ainsi, une unité de 150 kW qui parvient à bien valoriser la chaleur vendra son électricité 14 c/kWh. À l’inverse, une unité de 2 mégawatt (MW) qui ne valorise que l’électricité et qui n’utilise la chaleur que pour chauffer le digesteur obtiendra un tarif de 10,4 c/kWh.
En Allemagne, le tarif de base est de l’ordre de 9 c/kWh. Si l’installation n’utilise que des matières premières issues de l’exploitation, le tarif peut monter jusqu’à 18 c. Avec la hausse du prix des matières premières, le modèle allemand, gros consommateur de cultures énergétiques, prend un coup dans l’aile. L’Allemagne va réviser ses tarifs à la hausse.

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