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« Je sursème de l'avoine et de la vesce velue dans mes prairies »

Au Gaec bio de la Margeride, dans le Cantal, le sursemis de méteil et d’espèces prairiales sur les prairies naturelles, et le semis direct sous couvert pour les prairies temporaires, sont pratiques courantes. La ligne de conduite ? Prendre soin des sols.

Thierry Teissedre (à droite) avec Vincent Vigier, de la chambre d’agriculture du Cantal, à la mi-juin. « J’essaye de garder toujours un couvert végétal, quel qu’il soit. »
Thierry Teissedre (à droite) avec Vincent Vigier, de la chambre d’agriculture du Cantal, à la mi-juin. « J’essaye de garder toujours un couvert végétal, quel qu’il soit. »
© A. Conté

Un chargement de 1,4 UGB par hectare de surface fourragère en bio et à 1 100 mètres d’altitude, c’est plutôt exceptionnel dans le Cantal. Thierry et Aline Teissedre réussissent ce tour de force à Védrines-Saint-Loup sur le plateau de la Margeride. Un plateau balayé par les vents, avec des hivers froids et des sols superficiels sur schistes sèchant très vite. Avec 62 hectares de prairies et 3 hectares de méteil (blé/pois/triticale), ils produisent 230 000 litres de lait bio à la fromagerie Les Monts du Cantal et parviennent à couvrir une bonne partie des besoins alimentaires d’une cinquantaine de vaches normandes et de leur suite. « Nous achetons seulement dix tonnes de luzerne déshydratée pour compléter la ration à base de foin séché en grange et de céréales aplaties », affirme Thierry Teissedre. Pour tenir ce chargement, l’exploitation a une obligation de résultats malgré les conditions difficiles : « il faut des prairies qui ont du gaz, avec une moyenne de 6-7 tonnes de matière sèche à l’hectare, les meilleures produisant 8-9 tMS et les moins bonnes 4 tMS», souligne Vincent Vigier, conseiller bio à la chambre d’agriculture du Cantal.

Cela fait vingt ans, depuis son passage en bio, que Thierry Teissedre y travaille, expérimentant avec Vincent diverses techniques pour faire du volume et redynamiser ses prairies. Sa ligne de conduite : « protéger et prendre soin des sols ». Pas de sol nu donc : « j’essaye de garder toujours un couvert végétal, quel qu’il soit ». Et du sursemis ou semis direct, sauf pour implanter le méteil derrière prairie artificielle : « je suis obligé, en bio, de les détruire par un petit labour ».

 

 
Un exemple de sursemis à l'automne de vesce avoine et semences prairiales dans une vieille prairie (au 10 novembre) .
Un exemple de sursemis à l'automne de vesce avoine et semences prairiales dans une vieille prairie (au 10 novembre) . © V. Vigier

 

Thierry intervient en moyenne sur dix à douze hectares de prairies chaque année, sur des petites parcelles dégradées voire des morceaux de parcelles. Il utilise des espèces prairiales agressives (trèfles, brome, ray-grass) semées sous couvert d’espèces annuelles (avoine, vesce velue). « Sur les prairies naturelles, je fais du sursemis sur prairies vivantes. » Elles sont sursemées le plus tôt possible au printemps (début mai) ou à l’automne. En revanche, sur les prairies artificielles, Thierry ne fait pas de sursemis « par peur des remontées de cailloux ». Ces prairies sont réimplantées en semis direct sur les chaumes. Il lui arrive aussi d’utiliser les repousses de céréales après moisson comme couvert. « Je me sers au maximum du vivant pour implanter du vivant », souligne cet éleveur expérimentateur.

L’un des gros avantages d’un semis sous couvert, particulièrement intéressant en bio, est d’éviter le salissement. « L’avoine ou la vesce occupent très vite le sol et permettent aux espèces prairiales de s’implanter tout doucement derrière, explique-t-il. En première coupe, je fais une récolte d’annuelles, au lieu de faire une fauche de mauvaises herbes. L’avoine se sèche très bien en grange (contrairement au seigle), elle fait du volume tout en étant relativement appétente. » La différence sur les espèces prairiales se voit vraiment en deuxième année : « le couvert végétal est beaucoup plus dense ». Un autre avantage des couverts mis en avant par Thierry : ils maintiennent une relative fraîcheur à leur pied, ce qui a un effet protecteur temporaire vis-à-vis d’une sécheresse importante.

 

 
Une prairie naturelle un mois après la réalisation du sursemis d’avoine, trèfle blanc en mai .
Une prairie naturelle un mois après la réalisation du sursemis d’avoine, trèfle blanc en mai . © A. Conté

 

Mais pour que l’association annuelles/espèces prairiales fonctionne bien, « il ne faut pas qu’il y ait de compétition entre les plantes pour l’azote », insiste  Vincent Vigier. Thierry Teissedre apporte en février 20 à 25 m3 de lisier dilué par hectare de prairie, et du fumier à l’automne lors de l’implantation de prairies.

Une bonne aération du sol avec le Simtech

 

 
Thierry Teissedre intervient avec son semoir Simtech chaque année sur une douzaine d’hectares de prairies, en sursemis ou semis direct.
Thierry Teissedre intervient avec son semoir Simtech chaque année sur une douzaine d’hectares de prairies, en sursemis ou semis direct. © V. Vigier

 

Pour mettre en œuvre cette implantation sous couvert, le Gaec a investi 45 000 euros dans un semoir Simtech, un outil à dents sous brevet néozélandais Aitchison. Thierry Teissedre a opté pour le Simtech Tsem350, un modèle de 3,50 m de large à distribution pneumatique, avec deux trémies, ce qui lui permet de semer en un seul passage les annuelles (à 2-3 cm) et les espèces prairiales. « Le modèle de base (à distribution mécanique, en 3 mètres) coûte autour de 20 000 euros », précise Vincent Vigier. « Le soc du Simtech explose la motte et fait de la place dans le sol en créant de la terre fine ce qui permet d’assurer une bonne implantation des graines, souligne Thierry Teissedre. Mais il ne faut pas travailler à plus de 4-5 km/h. » 

 

 
La plus-value du Simtech, c’est son soc : « il fait de la place dans le sol, et découpe le feutrage racinaire des vieilles prairies », affirme Thierry Teissedre.
La plus-value du Simtech, c’est son soc : « il fait de la place dans le sol, et découpe le feutrage racinaire des vieilles prairies », affirme Thierry Teissedre. © V. Vigier

 

Le Simtech a un autre atout : son effet scarificateur des prairies. « Il ouvre et aère le sol. Cette scarification est particulièrement intéressante dans les prairies d’altitude qui ont tendance à cumuler du mat racinaire car la matière organique se transforme mal : il n’y a plus l’effet d’étouffement par le feutrage racinaire », affirme Vincent Vigier. Thierry Teissedre est convaincu de l’intérêt de cette aération du sol. Il a même réduit la dose de semences utilisée en sursemis à 10 kilos de ray grass anglais et trèfle blanc contre 15 kilos les premières années : « Je préfère faire un passage à 10 kilos tous les ans, plutôt qu’un passage à 15 kilos tous les deux ans les premières années. »

Une grande souplesse d’utilisation

L’utilisation du semoir fait partie intégrante du système d’exploitation. Thierry intervient sur des bouts de prairie qui ne fonctionnent pas, uniquement si la flore justifie un sursemis, et avec de petites doses de semences… Un comportement que Vincent Vigier constate chez tous les éleveurs équipés en individuel, en copropropriété ou Cuma. « Le fait de posséder son propre semoir permet d’avoir une grande souplesse d’utilisation. L’intervention d’une entreprise implique de plus grands parcelles, pas forcément au bon moment… avec des échecs parce que l’éleveur ne maîtrise pas tout. »

Certes, les conditions d’altitude ne permettent pas toujours d’intervenir au printemps dans les conditions idéales, sur une prairie déprimée par les vaches. « Si vous travaillez dans la durée, cela n’a pas d’importance, il n’y a jamais d’échec en soi, affirme Thierry Teissedre. Car le sol a été aéré et les graines sont là : le travail finira par payer, c’est juste une histoire de patience. »

La première coupe est décisive

 

 
200 tonnes de matière sèche de foin sont récoltées chaque année.
200 tonnes de matière sèche de foin sont récoltées chaque année. © A. Conté
« Nous n’avons pas le choix ici, nous devons faire une bonne première coupe de foin. Car il n’y a en général pas de deuxième coupe, 2021 est une exception. Toutes les prairies sont ensuite pâturées », affirme Thierry Teissedre. C’est le cas cette année, avec une première coupe qui s’est terminée début juin. Les vaches ont pâturé jour et nuit de début mai au 25 juillet puis ont été nourries avec la ration hivernale jusqu’au retour des pluies. « Fin août, nous avons eu 60 mm, les prairies ont redémarré instantanément. Début septembre, les vaches sont retournées dans les prairies la journée, mais il va nous falloir encore de l'eau pour tenir jusqu'en novembre. Avec le changement climatique, nous distribuons du foin huit à dix mois dans l’année ! » Près de 40 hectares, environ 200 tonnes de matière sèche, sont récoltés à l’autochargeuse.

 

Fiche élevage

]]> 230 000 litres de lait bio livré à la coopérative Fromagerie des Monts du Cantal

]]> 67 ha de prairies dont 20 ha prairies naturelles

]]> 3 ha de méteil (blé/pois/triticale)

]]> 50 normandes à 4 800 kg/VL

Le semis sur prairies vivantes intéresse aussi le Grand Ouest

Un recensement des pratiques de sursemis d’annuelles vient d’être réalisé (projet Surseme piloté par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire). La motivation est la même pour les 13 éleveurs audités : rebooster la prairie en produisant du fourrage supplémentaire(1) sur la même surface à faible coût. Le sursemis dans les luzernes montre de bons résultats réguliers. Il est plus aléatoire dans les prairies mais les éleveurs qui ont plus de cinq ans années d’expérience sont très satisfaits ; en revanche, ceux qui l'ont essayé une seule année sont souvent déçus. C’est une pratique complexe qui demande un savoir-faire. Le projet Surseme comprend par ailleurs un suivi en fermes expérimentales sur deux années, qui est en cours.

(1) Méteil le plus souvent mais aussi avoine, sorgho, féverole, colza ou radis fourrager.

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