« Grâce à la microméthanisation et au robot, nous pérennisons notre élevage laitier dans la Meuse »
Le Gaec de Veline, dans la Meuse, a opté pour l’installation d’un microméthaniseur et d’un robot de traite. L’objectif ? Renforcer la cohérence du système de production et gagner en confort et souplesse de travail.
Le Gaec de Veline, dans la Meuse, a opté pour l’installation d’un microméthaniseur et d’un robot de traite. L’objectif ? Renforcer la cohérence du système de production et gagner en confort et souplesse de travail.
À Dugny-sur-Meuse, petite bourgade de 1 300 âmes, la stabulation du Gaec de Veline est toute proche du cœur du village. « Au fil des ans, le bourg s’est rapproché de nous. Si bien qu’aujourd’hui, les premières maisons du lotissement se situent à moins de cent mètres de nos bâtiments et jouxtent nos parcelles, constate Rodrigue Jacquot, installé avec son frère Étienne et leur mère Nathalie, sur une exploitation de polyculture-élevage. Les habitants ne se sont jamais plaints mais nous étions conscients des limites de notre système en fumier mou. » Les capacités de stockage des effluents devenaient insuffisantes et des jus coulaient des tas amoncelés en bout de champ.
Fiche élevage
Gaec de Veline
3 associés et 0,5 apprenti
81 prim’Holstein à 9 000 kg
65 vaches limousines
258 ha de SAU dont 61 de blé, 8 de colza, 29 d’orge d’hiver, 9 d’orge de printemps, 11 de pois, 22 de maïs ensilage, 113 de prairies permanentes, 5 de luzerne
727 000 l de lait produits
1,4 UGB/ha
C’est l’une des raisons qui ont poussé les éleveurs à engager une réflexion stratégique en 2021 dans l’objectif de trouver un système cohérent et tourné vers l’avenir. « Si nous voulions être encore là demain, nous n’avions pas le choix, se remémore Etienne. Il nous fallait absolument anticiper les contraintes liées à l’environnement et aux attentes sociétales. »
Se prémunir d’éventuels problèmes avec le voisinage
L’idée de créer une plateforme d’égouttage du fumier a vite été abandonnée car cette solution nécessitait plus de travail avec une double gestion avec du fumier et du lisier. De plus, le bâtiment se montrait peu adapté à l’installation de racleurs automatiques. Le Gaec a donc préféré passer en système tout lisier pour le côté pratique et le gain de temps. Mais encore fallait-il trouver un moyen de gommer les inconvénients du lisier. C’est en surfant sur internet que Rodrigue a découvert la microméthanisation. « Sur le secteur, nous étions les premiers à nous y intéresser. Personne n’avait encore installé d’unité, nous ne connaissions pas vraiment ce procédé. »
Les éleveurs ont vite été séduits par ses nombreux avantages. Le digestat obtenu, plus fluide qu’un lisier, est facile à épandre et surtout inodore. Une unité de 22 kWe, calibrée à la taille de la ferme et de conception belge, a été installée clé en main il y a un an. L’investissement a coûté 195 000 euros(1), sans aides. Le retour sur investissement est estimé à 8 ans pour un taux de saturation minimal de 85 %.
« Nous l’atteignons aujourd’hui », témoigne Rodrigue. « Mais ce n’est pas l’intérêt financier qui nous a motivés, rappelle-t-il. Notre but premier était surtout de financer des capacités de stockage supplémentaires avec un moindre impact environnemental. D’ailleurs, nous ne cherchons pas une rentabilité maximale en ajoutant du fourrage dans la préfosse. » L’unité est alimentée uniquement avec du lisier frais (6 000 à 7 000 l/j). À ce titre, le Gaec bénéficie d’une surprime sur le tarif de vente de l’électricité (+5,625 ct/kWh).
Une surprime liée à l’utilisation exclusive d’effluents
Dans la stabulation, la gestion du lisier est assurée par un robot aspirateur (30 000 €). « Nous avons adapté le calibrage de la paille utilisée pour des logettes pour qu’il marche parfaitement », indique Étienne en précisant que les passages répétés du robot aspirateur contribuent aussi à une meilleure fréquentation du robot de traite. « C’est un bon chien de troupeau en quelque sorte ! »
Seule contrainte, le temps journalier de pâturage doit forcément se limiter à deux heures, pour assurer la récolte d’un volume minimal de lisier dans le bâtiment. « Sans quoi, nous recevons une alerte de défaut d’alimentation du méthaniseur. »
Le choix d’installer un robot de traite a directement découlé du projet de microméthanisation. « Quitte à investir pour l’avenir, il était important de prendre en compte la contrainte de main-d’œuvre et d’anticiper le départ à la retraite de notre mère dans quelques années », relate Rodrigue.
Le Gaec a privilégié une stalle en système guidé. Elle accueille 75 vaches qui produisent 15 kilos en moyenne par passage. « Nous privilégions les traites utiles, il y a très peu de refus de traite. Notre objectif est clairement de saturer le robot. » D’une part pour l’amortir du mieux possible financièrement, et d’autre part, pour garantir le fonctionnement de l’unité de microméthanisation. En deçà de 75 vaches, elle produit difficilement au maximum de sa capacité.
Le robot de traite offre plus de souplesse dans le travail
Le passage de la traite conventionnelle au robot de traite n’a pas posé de difficulté particulière. « Nous n’avons pas eu une seule vache à réformer », se félicitent les éleveurs. La situation sanitaire saine a contribué à ce bon démarrage. « C’est vraiment confortable de ne plus être tributaires des horaires de traite, apprécie Étienne. Auparavant, il fallait toujours que l’un d’entre nous revienne sur la ferme à 17 h 30 ; aujourd’hui, nous pouvons rentrer des champs à 19 h, ce n’est plus un drame ! » Cette souplesse facilite grandement l’organisation du travail, particulièrement avec des chantiers de 50 à 60 hectares à mener dans la journée.
La performance laitière est au rendez-vous, avec 860 000 litres produits sur les douze derniers mois, soit près de 130 000 litres de plus que l’année précédente. La qualité des fourrages de l’année a sans doute contribué à cette amélioration, en plus du robot. Les éleveurs sont enchantés du bilan qu’ils tirent de leurs récents investissements. « Nous sommes parés pour continuer à produire du lait longtemps ! », concluent-ils en souriant. L’idée d’organiser une porte ouverte pour accueillir les habitants de leur commune germe dans leurs têtes. « Nous travaillons bien, alors autant le montrer ! »
Bilan satisfaisant de la microméthanisation au bout d’un an
La microméthanisation s’inscrit dans la continuité du système d’élevage et renforce la complémentarité entre les ateliers de l’exploitation.
« Avec l’hiver pluvieux que nous venons de traverser, nous avons apprécié la souplesse de stockage permise par la nouvelle fosse de 2 000 m3 couverte par une bâche flottante, indique Rodrigue Jacquot. Nous pouvons désormais tenir neuf mois. »
Grâce au digestat, l’objectif est aussi de réduire d’un tiers les achats d’engrais. « L’an dernier, nous avons économisé 60 UN/ha sur le colza et nous n’avons pas réalisé de troisième passage sur le blé, soit l’équivalent d’un camion de solution liquide sur l’année et 9 000 euros économisés », détaille l’éleveur. Un gain qui finance la délégation de l’épandage du digestat réalisé deux fois par an, avec un matériel hyper performant, précis, qui ne salit pas les routes. « L’ETA épand à 30 mètres des maisons. Avec le fumier, je ne l’aurais jamais fait ! »
Agronomiquement, l’avantage est aussi d’intervenir au bon moment pour une valorisation optimale.
250 euros d’économie d’électricité par mois
« Au départ, nous craignions de devoir consacrer beaucoup de temps à la microméthanisation, mais finalement le suivi reste assez limité, à part une vidange moteur une fois par trimestre. Nous suivons tout à partir de l’application sur nos smartphones. Nous sommes parfois une semaine sans y mettre les pieds », confient les deux associés.
L’électricité produite est vendue (18,725 ct/kWh hors prime effluents) et le Gaec bénéficie d’un prix de rachat attractif (5 ct/kWh). « Cela nous rend moins dépendant des hausses du coût de l’électricité. Nous produisons trois à quatre fois notre consommation d’électricité. » L’eau chaude est valorisée pour le chauffe-eau, le robot et le chauffage du local du robot en hiver. L’économie d’électricité se chiffre à 250 euros par mois.
Avis d’expert : Lisa Milan Balizeaux, de la chambre d’agriculture de la Meuse
« Une très bonne productivité du travail »
« La productivité de l’élevage est élevée, avec 425 000 litres produits par UMO lait sur l’exercice avant l’installation du robot. Suite aux investissements réalisés, elle s’avère encore plus importante (575 000 l/UMO lait). La complémentarité entre les ateliers lait, viande et cultures permet une très bonne maîtrise des charges et renforce l’efficacité économique de l’exploitation. Les surfaces en herbe sont très bien valorisées, avec les meilleurs fourrages réservés aux laitières tandis que les bovins viande valorisent le reste des prairies.
D’autre part, les éleveurs se montrent toujours pro-actifs dans la recherche de solutions, ils sont curieux et toujours ouverts à l’échange, ce qui les aide à faire les bons choix. Dans leurs décisions, ils savent faire preuve d’un savant mélange de bon sens paysan, de technicité et de gestion. »