Génétique bovine : Tordons le cou aux idées reçues
Depuis l’avènement de la sélection génomique, vous êtes nombreux à vous désintéresser de la génétique. Ce désamour s’explique par le turn-over rapide des taureaux génomiques et le sentiment de ne plus rien contrôler. Pourtant, la génétique reste un vecteur de progrès important. Démêlons le vrai du faux avec Xavier Brémondy, responsable du marché génétique et reproduction de Seenovia.
Depuis l’avènement de la sélection génomique, vous êtes nombreux à vous désintéresser de la génétique. Ce désamour s’explique par le turn-over rapide des taureaux génomiques et le sentiment de ne plus rien contrôler. Pourtant, la génétique reste un vecteur de progrès important. Démêlons le vrai du faux avec Xavier Brémondy, responsable du marché génétique et reproduction de Seenovia.
Pas besoin de la génétique, une bonne alimentation suffit à produire du lait
FAUX L’héritabilité du caractère laitier est de 30 %. Cela signifie que 30 % de la différence de production laitière que l’on observe entre deux vaches est d’origine génétique. Le reste résulte du milieu. Imaginons par exemple deux vaches comparables issues d’un même élevage (avec un même stade de lactation, une même alimentation, etc.), l’une produit 8 000 kg et l’autre 9 000 kg. En moyenne, 300 kg des 1 000 kg qui les séparent sont dus aux gènes. La génétique est donc un levier majeur d’amélioration. Chaque éleveur qui génotype peut l’observer chez lui en regardant la corrélation entre les performances observées et les index associés.
La génétique est réservée aux vaches à 12 000 kg
FAUX Pas besoin d’être féru des concours ou en schéma de sélection pour faire de la génétique. Quel que soit le système et le niveau de performance de votre troupeau, tout éleveur a intérêt à travailler ce volet. Peu importe que vous soyez en bio en système pâturant et peu productif, ou bien en système hors sol très intensif. Faire de la génétique, c’est d’abord commencer par définir quelle est la vache idéale pour votre système, puis essayer de la fabriquer. Est-ce une vache qui fait des taux, qui se branche facilement au robot, qui a de bons aplombs pour pâturer…
Le génotypage n‘est pas rentable
VRAI ET FAUX Les éleveurs se concentrent souvent sur la sélection des taureaux et oublient que les mères apportent aussi 50 % des gènes. Le génotypage des mères permet de connaître plus précisément le patrimoine génétique qu’elle pourra transmettre à la génération suivante. Le coût engendré aujourd’hui (30-40 €) doit être amorti. Or, la rentabilité n’est pas au rendez-vous si l’on donne à chaque vache la même chance de faire une génisse de renouvellement en l'inséminant avec des semences conventionnelles. Investir dans le génotypage n’a de sens que si vous allez au bout de la démarche en sélectionnant les meilleures femelles pour assurer le renouvellement et les inséminer en semences sexées. Génotyper pour génotyper, sans modifier sa stratégie de reproduction n’a effectivement aucun intérêt. La valorisation de la voie femelle passe nécessairement par le génotypage et le sexage.
Les taureaux génomiques, cela ne marche pas
FAUX Les jeunes taureaux génomiques sont mis en opposition aux taureaux dit « confirmés » sur descendance. Or, aujourd’hui, les taureaux confirmés sont tous des taureaux génomiques… Cette confirmation par les filles se traduit par une hausse de leur CD, qui reflète la fiabilité de l’index.
En clair, les taureaux génomiques sont plus jeunes et présentent une génétique en moyenne meilleure, mais avec une fiabilité plus faible (70 %)(1) en comparaison des taureaux confirmés, plus vieux, donc en moyenne génétiquement moins bons, mais avec une fiabilité supérieure (95 %). C’est pourquoi, l’utilisation d’un groupe de taureaux est privilégiée pour atténuer le risque de déception. Concrètement, la fiabilité des index d’une équipe de cinq jeunes taureaux génomiques bénéficiant chacun d’un CD de 70 %, est la même que celle d’un taureau confirmé, mais elle transmet un patrimoine génétique supérieur.
Les vaches sont moins bonnes que les génisses
VRAI ET FAUX C’est globalement vrai à l’échelle d’un troupeau en raison du progrès génétique réalisé. Cependant, à l’échelle individuelle cela peut être faux, une proportion non négligeable des meilleures vaches est souvent mieux classée que les moins bonnes génisses. En réservant la semence sexée uniquement aux génisses, vous réduisez donc vos chances d’exploiter le potentiel de certaines vaches. Il faut être attentif et regarder cela d’un œil averti car les index français expriment le potentiel génétique par rapport à une base mobile (population de référence) évoluant tous les ans. Cette évolution reflète le progrès génétique dans une race. La base augmentant chaque année, les index des animaux plus vieux ont tendance à se dégrader et à les pénaliser dans les tris ou les choix génétiques.
Ce qui compte, c’est ce qu’une vache produit réellement, pas son index.
FAUX Ce qu’une vache produit réellement, c’est ce que l’on appelle le phénotype, c’est ce que l’on voit, ce que l’on mesure. Le principe de la création d’un index, c’est justement d’extraire les effets du milieu de ce phénotype, pour en isoler la partie génétique, seule partie qui pourra se transmettre à la génération suivante. Le phénotype ne se transmet pas. Un animal peut avoir de bons gènes à transmettre et pour autant ne pas les exprimer à cause des effets de milieu, et inversement. En décidant de sélectionner les femelles uniquement sur le phénotype plutôt que sur les index, vous vous privez d’un levier de progrès génétique.
Le saviez-vous ?
Aujourd’hui, en région Pays de la Loire, moins de 30 % des femelles laitières sont génotypées, alors que la sélection génomique est effective sur les grandes races de vaches laitières depuis 2009.