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Garder la maîtrise de ses données et en tirer de la valeur

La question de la propriété des données semble dépassée. La vraie question est plutôt celle de leur usage et de la captation de la valeur ajoutée. Les agriculteurs ont une place à prendre.

Les agriculteurs produisent des données, mais les fabricants de matériel ou les organismes de conseil aussi. La question de la maîtrise des données des agriculteurs se pose, en garantie de leur indépendance.

"Pour qu’il y ait de la confiance, il faut de la transparence. Il faut clarifier le statut juridique de la donnée. Un projet de réglementation européenne est en cours. Mais en attendant, on peut s’inspirer de l’exemple américain. Face aux abus concernant l’exploitation des données des agriculteurs, le Farm bureau (syndicat américain) a négocié avec des collecteurs de données une charte. Elle vise à encadrer le business des données", expose Théo-Paul Haezebrouck, chargé de mission projets numériques à l’Acta.

Une charte et l’expertise des CGU aux États-Unis

"Sortie en novembre 2014, la charte dicte les principes de rédaction des conditions générales d’utilisation (CGU) des logiciels des collecteurs de données. Les CGU doivent reconnaître la propriété des données aux agriculteurs et préciser les utilisations des données. Ainsi, l’agriculteur donne son consentement sur l’utilisation de ses données en connaissance de cause (le cahier des charges doit être précis). À tout moment, l’agriculteur peut se désengager de son contrat passé avec l’entreprise qui récupère ses données. Le Farm bureau a créé en octobre 2015 un site pour expertiser les contrats de signataires et constater le respect ou non de la charte", détaille Théo-Paul Haezebrouck.

Les contrats doivent être plus précis sur l’usage des données

La relation est contractuelle entre le producteur de données, le collecteur, l’agrégateur et analyste des données, et le créateur d’outils valorisant ces données. "Aujourd’hui, les contrats sont imprécis. Pour assurer la transparence sur l’utilisation des données et pouvoir évaluer un rapport gagnant gagnant, il faudra des contrats plus précis, où l’usage des données est bien détaillé", conseille Théo-Paul Haezebrouck.

Marie-Cécile Damave, responsable innovation et marchés à SAF Agr’iDées, va dans le même sens : "il faut que les éleveurs aient accès à leurs données, et que ce soit eux qui donnent leur accord avant toute utilisation de leurs données. L’éleveur est prêt à payer un service si ça lui rapporte. Il faut que le contrat soit clair, que les missions de service soient très précises."

Hervé Pillaud, agriculteur expert en numérique (1), enfonce le clou : "les agriculteurs doivent défendre leur volonté de garder leur autonomie de décision. Ils doivent défendre leur complète maîtrise de libérer ou non l’utilisation de leurs données. Ils le feront individuellement ou collectivement."

Les agriculteurs sont-ils assis sur un tas d’or ?

"Une donnée brute n’a pas de valeur. Des données agrégées, traitées et analysées prennent de la valeur. Enfin, de la valeur ajoutée est créée quand ces données sont valorisées à travers des outils d’aide à la gestion et à la décision, et avec du conseil au service de l’éleveur", résume Marie-Cécile Damave.

"Le donneur et le receveur de données vont créer ensemble une troisième valeur, ajoute Hervé Pillaud. Je ne crois pas à la valeur intrinsèque des données. Elles ont plutôt une valeur d’échange, contre d’autres données ou contre un service. Par exemple, les organismes de conseil qui collectent des données pourraient trouver des systèmes d’échange des données dont ils disposent contre leur expertise. À chacun son métier : les développeurs s’occupent des données et les organismes de conseil d’un service à la hauteur des attentes des agriculteurs !"

Le livre blanc de l’Acta défend que "l’usage de données et les services connexes qui en découlent doivent répondre au principe de réciprocité et être gagnant gagnant. Ils doivent créer de la valeur pour l’agriculteur. Les différents niveaux de service et de coût doivent envisager un retour vers l’agriculteur."

(1) Auteur de Agronumericus, Internet est dans le pré, et de Agronumericus manifeste d’agriculture collabor’active qui vient de sortir.

"Les structures au service des éleveurs doivent jouer plus collectif"

"Sur mon exploitation, j’ai des données dont je me sers directement, et il y en a plein d’autres qui ne sont pas exploitables, prises individuellement. Ça ne me coûte pas plus cher de les collecter et de les mettre à disposition. Pourquoi chercher à les vendre ? Il est plus pertinent et intéressant de pouvoir en tirer un intérêt bien supérieur, en les mutualisant, dans l’optique d’une amélioration des outils d’aide à la décision et du conseil. Le vrai enjeu pour un éleveur, c’est bien de chercher à améliorer sa performance économique et celle de ses voisins pour conserver de bonnes dynamiques de territoire ! Je suis donc pour les faire remonter gratuitement, dès lors qu’elles sont agrégées par des organisations d’éleveurs pour développer des services à destination de ces derniers.

Ces organisations existent, elles ont bien souvent été créées par nos aînés : coopératives, contrôle laitier, GDS, centre d’insémination… Ceci étant, il y a souvent beaucoup de défiance entre elles, ce qui les empêche souvent de jouer collectif au service des éleveurs. Or les besoins d’investissement pour analyser et valoriser les données sont importants et les organismes ne pourront pas le faire chacun dans leur coin. Pour un big data et des outils et services de qualité, il y a intérêt à mutualiser les données. Si la défiance perdure et que les organismes traînent trop, le risque est important de voir des start-up liées à des constructeurs de matériel les privatiser à leur seul profit."

Philippe Faucon, administrateur de SAF agr’iDées.
(1) Administrateur à la FDSEA de la Manche, vice-président de la chambre d’agriculture de la Manche.

Les éleveurs peuvent-ils capter de la valeur ?

Le big data redonne du poids aux groupes d’échange (Ceta, Geda…). Avec une plateforme de données et un réseau sécurisé, le travail des groupes pourra bénéficer d’un outil performant.

Les éleveurs génèrent des données et les utilisent. Ils ont en main les cartes pour développer ou faire développer les outils dont ils ont besoin. Des groupes peuvent être à l’origine de développement d’applications, comme ce Geda d’Ille-et-Vilaine qui a fait développer un logiciel et une application pour aider à la décision en médecine alternative (lire Réussir Lait, n°309, page 10). Ou des agriculteurs seuls, comme ce céréalier du Pas-de-Calais qui a développé Connect Agri, une plateforme web qui analyse les données collectées par une balise placée sur le tracteur pour calculer le coût de mécanisation.

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