« Nous faisons pâturer nos taries et génisses dans un mètre d'herbe avec le report sur pied dans les Monts du Lyonnais »
Dans les Monts du Lyonnais, à l’est de Lyon, Lionel Morel et Clément Rivoire font pâturer les génisses et les taries dans un mètre d’herbe. Ils utilisent le report sur pied pour limiter l’affouragement l’été, protéger le sol du rayonnement solaire et régénérer leurs prairies naturelles.
Dans les Monts du Lyonnais, à l’est de Lyon, Lionel Morel et Clément Rivoire font pâturer les génisses et les taries dans un mètre d’herbe. Ils utilisent le report sur pied pour limiter l’affouragement l’été, protéger le sol du rayonnement solaire et régénérer leurs prairies naturelles.
« Je mesure 1,96 mètre. L’année dernière, j’ai mis les génisses dans la parcelle quand l’herbe m’arrivait à la taille, c’est-à-dire à un mètre de haut. Et elles ont mangé ! », décrit Lionel Morel, éleveur dans les Monts du Lyonnais. Cette année, il réitère l’opération : le report d’herbe sur pied.
À quelques kilomètres de chez lui, Clément Rivoire se lance, lui, pour la première fois. « Il faut s’affranchir du regard des voisins et des parents, qui ne comprennent pas pourquoi je ne mets pas les vaches quand l’herbe est prête », sourit-il.
Les deux éleveurs sont membres du groupe pâturage de La Chapelle-sur-Coise, au sein duquel ils cherchent des solutions pour adapter la conduite des prairies au dérèglement climatique. « Dans le groupe, nous cherchons à mettre le doigt sur les incohérences. Comme le fait que les prairies crament, car elles sont pâturées et se retrouvent à poil l’été », décrit Lionel Morel.
Dans cette zone de la France, à l’est de Lyon, où les prairies naturelles représentent plus de la moitié de la SAU, les éleveurs laitiers doivent composer avec de l’herbe grillée l’été. Parmi les pistes étudiées, celle du report sur pied dans les prairies naturelles, présente des avantages : de l’herbe disponible en été, un effet parasol qui protège le sol lors des fortes chaleurs et un moyen de laisser le temps aux espèces qui la composent de monter en graine pour qu’elles se renouvellent.
Donner du foin coupé quinze jours avant : « c’est aberrant »
« Je trouvais aberrant de donner du foin qui aurait été coupé quinze jours plus tôt à mes génisses pleines ou aux taries, alors qu’elles auraient pu manger l’herbe sur pied », retrace Lionel Morel. Alors, en 2023, il consacre 5 hectares, sur les 65 hectares de prairies permanentes qui composent son parcellaire, à la constitution de stocks sur pied. « Je sors la parcelle de l’assolement », précise l’éleveur.
Il commence par réaliser un tour de déprimage précoce en mars, puis il n’y touche plus jusqu’à la montée en graine. L’année dernière, il y a mis les animaux début juillet. « Je les fais avancer dans la parcelle de 5 hectares au fil avant et au fil arrière. Je vais voir ce qu’elles ont mangé d’herbe tous les jours. Je déplace le fil avant tous les trois jours et le fil arrière tous les six jours, quand il reste 5 centimètres d’herbe. C’est important que les animaux ne reviennent pas sur la partie consommée pour ne pas abîmer le sol. »
Les génisses pleines et les taries ont passé 45 jours dans la parcelle, l’an passé. « Elles ont valorisé 90 % des 4,5 tonnes de matière sèche à l’hectare. Je n’ai pas constaté de perte d’état, ni de dégradation des animaux. C’est surprenant, elles ne boudent pas l’herbe. »
Ensuite, la parcelle revient dans le tour de pâturage classique des laitières, si l’automne est poussant. « La dernière utilisation était en novembre-décembre. Je laisse toujours un peu de biomasse, autour de 6 cm d’herbe, car la pousse hivernale est faible. »
Laisser égrainer pour renouveler la prairie
« Je n’ai pas démarré le tracteur, c’est aussi un gain économique. Les animaux ont travaillé à ma place », apprécie Lionel Morel. Clément Rivoire a mené la même réflexion : « au lieu de faucher l’herbe pour ensuite la distribuer, autant la laisser sur pied pour la faire pâturer ».
L’autre intérêt du report sur pied est de renouveler les prairies naturelles. « Nous avons constaté, dans le groupe, que l’herbe a tendance à ne pas grainer à cause des fauches précoces et qu’elle s’épuise », décrit Clément Rivoire.
Deux options pour y remédier : faucher plus tard ou faire pâturer après la montée en graine. « Cette année, j’ai choisi la deuxième pour une parcelle de 10 hectares, en pente, peu facile d’accès et où seulement 3 hectares sont mécanisables. J’ai mis les génisses et les taries le 25 juin. Tous les jours, je déplace le fil avant. Cela me prend une vingtaine de minutes. D’habitude, je fauche le fond de la parcelle, plus précoce et fertile. »
Mickaël Coquard, de Rhône conseil élevage, animateur du groupe, complète : « 90 % des graminées se renouvellent par la graine. Si elles ne montent pas en graine, les dicotylédones prennent le dessus. Les dates de foin ont tendance à se précocifier. Les variétés précoces se ressèment, mais pas les tardives alors que ce sont les plus résilientes. Depuis vingt ans, les prairies perdent de leur aptitude à se renouveler. L’idée, avec le report sur pied, c’est de refaire de la graine. Depuis que les éleveurs testent le report sur pied, nous constatons plus de diversité de graminées dans les parcelles ».
D’autant plus que suivant les espèces, les valeurs nutritives évoluent. « Les espèces précoces, récoltées au bon stade et tant que le climat ne les pénalise pas, sont meilleures que les tardives. Mais quand la température monte, les espèces tardives sont plus résilientes et conservent mieux leurs valeurs alimentaires », précise Mickaël Coquard.
Important : doser le report sur pied
« Le plus important est de bien dimensionner sa surface consacrée au report sur pied, poursuit Mickaël Coquard. Il vaut mieux en mettre un peu moins que trop, surtout en année poussante comme celle-ci, pour éviter les pertes si tout n’est pas pâturé. L’idée, c’est de gagner entre quinze jours et un mois de fourrage. Si nous comptons 3 hectares à 4 tonnes de matière sèche, pour 25 génisses qui mangent 300 kilos de matière sèche par jour, cela donne 40 jours de fourrage. C’est bien assez. »
Cette année, Lionel Morel a restreint le report sur pied à 2,5 hectares, car l’an passé il a dû en broyer une partie : « c’est plus adapté à mes besoins », justifie l’éleveur. Mickaël Coquard préconise de « ne pas répéter le report sur pied tous les ans, sinon il y a un risque d’embroussaillement. Pour les parcelles initialement destinées au pâturage, la décision de faire du report sur pied peut être prise courant avril si un déprimage a pu être réalisé autour du 20 mars. Ensuite, la parcelle est débrayée pour un retour des animaux entre le 20 juin et début juillet. Pour celles destinées au foin, la décision se prend juste avant la fauche ». Et de conclure : « c’est un autre regard sur l’utilisation de l’herbe ».
Chiffres clés
Le report sur pied chez Lionel Morel, au Gaec des 2 chapelles
Les + et les – du report sur pied
+
Couverture du sol
Montée à graine des prairies naturelles
Baisse des charges de mécanisation
Baisse du temps de travail
-
Déplacement du fil tous les jours