De l’herbe contre les algues vertes
Le projet Acassya confirme la difficulté de résoudre le problème
des algues vertes sur les bassins versants côtiers bretons.
On s’en doutait, mais la récente présentation des résultats du projet Acassya(1) l’a confirmé : la résolution du problème des « marées vertes » dans les bassins versants côtiers sensibles ne sera pas simple. Démarré en 2009, le projet Acassya (Accompagner l’évolution agro-écologique des systèmes d’élevage dans les bassins versants côtiers) avait pour objectif de modéliser les conséquences sur la qualité de l’eau du passage d’un système « conventionnel » à un système beaucoup plus herbager, avec des entrées d’azote réduites. « Sous réserve que le chargement ne soit pas trop élevé, la prairie en tant que couvert pérenne capable de valoriser l’azote une bonne partie de l’année, est la culture la moins à risque vis-à-vis des fuites de nitrates », rappelle Laurent Ruiz, chercheur à l’Inra.
La modélisation portait sur le bassin versant côtier emblématique et vulnérable de la Lieue de Grève, dans les Côtes-d’Armor. Et, grâce à un panel de dix fermes pilotes parmi lesquelles neuf producteurs laitiers, les orientations proposées ont pu être jaugées « grandeur nature ».
« Pour la première fois, on a un scénario système qui va dans le bon sens », explique Laurent Ruiz. En adoptant un chargement de 1,4 UGB/ha d’herbe (et non pas par hactare de SFP) et en limitant la quantité d’azote entrant à 100 kg d’azote/ha SAU, le taux de nitrates de l’eau du bassin versant, actuellement voisin de 30 mg/l, diminue sensiblement. « Mais, même dans ces conditions, l’objectif des 10 mg/l présenté comme incontournable pour régler le problème des algues vertes, paraît difficile à atteindre », reconnaît le chercheur.
Difficile de faire évoluer les systèmes de production
De plus, sur le terrain, la transition vers ce type de système n’est pas forcément facile à mettre en œuvre. Elle nécessite des structures d’exploitation adaptées — avec une surface accessible non limitante — et pose un certain nombre de questions, notamment en termes de sécurisation du système fourrager. Toutes les exploitations ne vont pas au même rythme.
« Tout ne dépend pas non plus des agriculteurs », souligne Patrick Durand, autre chercheur de l’Inra. Certaines réglementations — comme l’évolution des normes Corpen ou l’impossibilité d’augmenter les effectifs dans les zones vulnérables — bloquent les possibilités d’évolution.
L’équation est donc complexe. Et pour les chercheurs, elle ne pourra être résolue que si « l’ensemble des intervenants- filières, organisations professionnelles agricoles, autorités régionales, nationales, européennes- parviennent à mettre en cohérence les politiques et règles en vigueur avec les enjeux déclinés localement, en assurant un soutien effectif et durable aux agriculteurs du territoire pour faire évoluer les systèmes de production ».
(1) Colloque du 14 juin 2013, à Plomeur-Bodou (22).