Améliorer l’autonomie et la valeur ajoutée
À Belle-Île-en-Mer, un projet a été engagé pour diminuer la dépendance à l’insularité des exploitations laitières.
À Belle-Île-en-Mer, un projet a été engagé pour diminuer la dépendance à l’insularité des exploitations laitières.
À Belle-Île-en-Mer, dix exploitations produisent du lait. Un élevage transforme la totalité de sa production et un autre en vend une partie à une fromagerie de l’île. Mais pour les huit autres, hormis parfois un peu de vente directe, l’essentiel des volumes est expédié par bateau vers l’usine Lactalis de Pontivy, partenaire historique des éleveurs bellilois. La collecte est organisée par la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer, avec la participation des éleveurs et de Lactalis. Parallèlement, la majeure partie du lait et des produits laitiers consommés sur l’île sont importés du continent. Enfin, du fait notamment du contexte pédo-climatique de l’île (sols médiocres, sécheresse estivale), le besoin en intrants (correcteur azoté, engrais…) est élevé, avec un surcoût lié au transport par bateau.
« Dans un contexte de baisse des prix de rachat du lait, avec de plus l’arrêt fin 2015 du soutien aux filières agricoles du conseil départemental, soutien non intégralement remplacé au niveau régional, les éleveurs se posent beaucoup de questions sur leur avenir, explique Guillaume Février, du CPIE de Belle-Île-en-Mer. Une partie d’entre eux a donc souhaité réfléchir collectivement à une autre organisation permettant de diminuer la dépendance à l’insularité et d’améliorer la valeur ajoutée du lait. »
Transformer une partie du lait sur l’île
Après un premier diagnostic, un projet porté par le Syndicat d’élevage de Belle-Île-en-Mer a été déposé et accepté dans le cadre de l’appel à projets Agriculture écologiquement performante de la région Bretagne, avec un soutien de 52 904 euros. Coanimé par le CPIE et par la chambre d’agriculture, le projet avance sur deux axes : réduire les charges en développant l’autonomie notamment protéique des élevages, et travailler sur un projet de transformation d’une partie du lait sur l’île. L’appui de la chambre d’agriculture et une étude d’Agrocampus ont permis de dégager plusieurs pistes pour améliorer l’autonomie protéique des éleveurs : le soja, la luzerne, le pois, la féverole et les méteils. Xavier Samzun, éleveur à Sauzon, a ainsi testé la production de soja et de luzerne. « En 2016, sur 1,8 hectare de soja, en situation de sécheresse, j’ai obtenu 10 qx/ha, précise-t-il. Cette année, j’en sème 10 ha. L’idée serait de le distribuer aplati en petite quantité ou de le presser sur place. Après un essai non concluant, je vais aussi réessayer la luzerne en la semant sous couvert d’avoine. »
L’autre piste est de transformer sur place au moins une partie du lait. « Du fait notamment de la fréquentation touristique et des résidences secondaires, il y a un marché pour des produits issus de lait local et transformés sur place, rapporte Manuela Voisin, de la chambre d’agriculture de Bretagne. Les restaurants, épiceries, grandes surfaces et le magasin Le Coin des producteurs offrent un potentiel important. » Après une étude de marché, des visites d’ateliers, des essais de transformation, un premier axe a été dégagé autour du beurre, du lait et de l’ultrafrais (yaourts, crèmes glacées…). Une réflexion est menée aussi sur des produits à plus longue durée de conservation, notamment des fromages, nécessaires pour faire face à la saisonnalité de la fréquentation de l’île. Quatre exploitations sont actuellement engagées dans le projet, pour un total de 1,5 M l de lait. « D’ici fin 2017, il faudra élaborer un business plan, préciser les produits, les volumes, qui va investir, qui va transformer, note Guillaume Février. Toutes les solutions doivent être envisagées. Le changement toutefois n’est pas facile. »
Surcoût de l’insularité
Pour les éleveurs bellilois, comme l’essentiel des intrants est importé et transporté par bateau (correcteurs azotés, engrais, matériaux de construction, équipements…), à peu près tout coûte plus cher que sur le continent. Le passage par bateau d’une tonne d’aliment ou d’engrais coûte actuellement 30 €/t. « Et ce coût ne cesse d’augmenter, constate Geneviève Le Clech, éleveuse à Le Palais. De 2008 à 2014, il a quasiment doublé. » S’y ajoute le fait que les aliments ou engrais doivent être transportés en big-bag, ce qui entraîne un surcoût de 15 €/t par rapport au produit livré en vrac. Le coût de la collecte est également augmenté du fait du passage par bateau. En 2013, ce coût s’élevait à 4,9 c€/l de lait, dont 8 % lié au transport par bateau.