Allo véto : des selles rares et goudronneuses sur une vache laitière
Cette vache présente un saignement digestif. Plusieurs hypothèses sont possibles, dont un syndrome jéjunal hémorragique.
« Bonjour. J’ai une vache qui fait la tête et qui a des bouses qui ressemblent à du goudron ! Qu’est-ce que je dois faire ? » Pétunia est une prim’Holstein en lactation, qui vient subitement de perdre presque tout son lait. Elle n’a pas de fièvre, mais ses yeux sont légèrement enfoncés et ses muqueuses oculaires, buccales et vulvaires légèrement pâlichonnes. Mamelle, utérus, poumons, cœur, tout est parfait, le problème est digestif. La vache grince parfois des dents, son rumen est à l’arrêt ou presque, la caillette est à sa place et la fouille rectale est caractéristique : selles rares, noirâtres, rouge sombre, collantes. Il y a donc un saignement digestif.
Cela peut faire penser à :
• une salmonellose. Il en existe quatre formes : digestive, génitale, septicémique et respiratoire. Il y a souvent plusieurs cas cliniques dans un même élevage, ce qui n’est pas notre cas. Une hyperthermie est souvent présente, ainsi que des débris de muqueuses intestinales dans les bouses.
• une coccidiose. Les bouses sont diarrhéiques, de rouges à noires, avec des efforts expulsifs. Mais cette parasitose se développe plus souvent sur des jeunes de moins de 18 mois.
• une dysenterie hivernale. Très contagieuse, apparaissant en automne-hiver, cette pathologie cause une baisse de production laitière et une diarrhée abondante avec une couleur plus ou moins sombre. Des symptômes respiratoires peuvent aussi être présents. Mais cette grippe intestinale aurait dû concerner d’autres vaches dans l’élevage.
• un ulcère à la caillette. Les symptômes sont proches avec arrêt de rumination, anorexie, anémie, très forte douleur abdominale. Le sang dans les bouses est lié à une hémorragie au niveau de l’ulcère. En cas de perforation, l’état de choc qui se met en place se conclut par la mort de l’animal.
• une occlusion intestinale. La douleur abdominale est évidente, les bouses rares, glaireuses, parfois avec du sang. Seule la laparotomie (ouverture de l’abdomen) permet d’être certain du diagnostic.
• un syndrome jéjunal hémorragique. Il entraîne un saignement intestinal qui peut aller jusqu’à l’occlusion. Les cas dans un même élevage sont rares et concernent surtout les vaches laitières hautes productrices.
L’éleveur refuse la laparotomie qui nous aurait permis d’avoir un diagnostic de certitude. La vache est perfusée avec du calcium, qui améliore la coagulation et reçoit également de la paraffine et du potassium qui joue sur la motricité intestinale. Aucune amélioration n’est vraiment observée, les bouses se raréfient, la vache pâlit et finira par mourir sans qu’on puisse connaître la cause exacte.
L’origine mal déterminée du syndrome jéjunal hémorragique
Le syndrome jéjunal hémorragique est une pathologie décrite depuis une trentaine d’années. Le pronostic est sombre, avec 85 à 100 % de mortalité. Apparaissant de manière très aiguë, elle touche l’intestin grêle et entraîne la formation de caillots sanguins à l’intérieur de l’intestin qui peuvent l’obstruer totalement et bloquer le transit.
L’origine exacte est mal déterminée et multifactorielle. La bactérie Clostridium perfringens joue un rôle, associé à d’autres pathogènes et à des facteurs de risque.
Une ration riche en glucides/acidogène et un ralentissement du transit favorisent la multiplication de C. perfringens, qui se met alors à produire des toxines. Des colibacilles et Aspergillus fumigatus (un champignon produisant des mycotoxines) ont peut être également un rôle.
Le traitement médical repose sur une fluidothérapie intraveineuse avec un apport de calcium, des anti-inflammatoires pour diminuer la douleur, un drenchage avec de la paraffine. Une transfusion peut pallier au manque de globules rouges et de facteurs de coagulation. L’administration d’antibiotiques pourrait lutter contre la prolifération bactérienne.
Le traitement chirurgical a de meilleurs résultats puisqu’il permet de juger précisément de l’ampleur de l’atteinte et d’agir à l’endroit touché. Le caillot peut alors soit être fragmenté pour faciliter son évacuation par les voies naturelles, soit extrait par une ouverture de l’intestin.
La prévention n’est pas simple. Il faut limiter le « stress digestif » en évitant les excès de glucides très fermentescibles, en respectant les transitions alimentaires, en s’assurant de l’absence de mycotoxines grâce à une bonne conservation des fourrages. La vaccination contre Clostridium ne suffit pas à elle seule à éviter les cas.