Industrie de la fertilisation
Une campagne 2005/2006 « difficile »
Les professionnels des engrais se veulent optimistes en l’avenir malgré les résultats mitigés enregistrés au terme de l’exercice écoulé
« ALORS qu’il y a un an, les perspectives étaient plutôt optimistes, la fin de campagne 2005/2006 se clôt sur des chiffres en baisse » , indique en substance Gilles Poidevin, délégué général de l’Union des industries de la fertilisation (Unifa), lors de la présentation annuelle des résultats de la filière. Seulement 9,6 Mt d’engrais ont été livrées en France, soit une diminution de 9 % par rapport à la campagne précédente. Les trois éléments majeurs, l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K), ont aussi connu des baisses importantes avec respectivement -5 %, -13 % et -18 %.
Des tonnages en baisse mais un chiffre d’affaires en hausse
À cette contre-performance, il faut ajouter le renchérissement des matières premières, le gaz naturel en tête (+20 % sur la campagne) – qui représente près de 50 % du coût de production des engrais azotés, précise Gilles Poidevin –, et les difficultés importantes liées au transport ferroviaire, qui ont été l’une des causes de la fermeture temporaire de certaines usines en début d’année 2006 (cf. notre article sur le Fret SNCF en page 2).
Il n’en reste pas moins que le chiffre d’affaires 2005 de l’industrie de la fertilisation en France (estimé à 1,75 Md€) est en progression de 2 % par rapport à l’année précédente, en raison de la répercution – que partielle, tient à souligner Mario Scardigli, président de l’Unifa – de la croissance des coûts énergétiques sur les prix de vente des engrais. Ces derniers ont tout de même été réévalués de 15 % en moyenne sur cet exercice, après un raffermissement de 20 % sur la période précédente. Ce sont ces hausses successives qui ont entraîné un ralentissement de la demande en engrais azotés en France, et plus largement en Europe, alors que les besoins étaient encore très importants dans le reste du monde. Cette forte demande, orientée principalement vers l’Asie, l’Inde et la Chine, a aussi maintenu les prix des autres matières premières, phosphates et potasse, à un niveau très élevé.
Le renchérissement du coût de ces trois éléments de la fertilisation, alors que les cours des produits agricoles n’ont pas bougé au cours de la campagne, a amené les agriculteurs à sacrifier certaines dépenses. Encore une fois, ce sont les éléments P et K qui ont souffert, les agriculteurs remettant à plus tard la question du renouvellement de la fertilité et de la reconstitution de réserves dans les sols. L’accélération de la baisse en phosphore, et surtout en potassium, pose problème à terme en systèmes céréaliers, qui ne bénéficient que de peu d’effluents organiques en provenance des élevages. La valorisation énergétique des pailles ou d’autres résidus de culture accélère encore le problème en particulier pour le potassium.
Malgré tout, selon les comptes prévisionnels de l’agriculture française présentés en décembre 2005, les achats d’engrais et d’amendements de toutes origines (Europe et pays tiers) par les agriculteurs auraient représenté 3,087 Md€ l’année dernière, en augmentation de 5,4 % par rapport à la période précédente.
Une campagne mi-figue mi-raisin mais des perspectives optimistes
Alors que « les marges des entreprises ont pratiquement disparu », souligne Gilles Poidevin, Mario Scardigli tente de rester optimiste en l’avenir. Des éléments positifs sont de fait intervenus cette campagne, laissant présager un avenir meilleur aux adhérents de l’Unifa, avec notamment la reprise de la consommation d’engrais en France, voire en Europe, et un retour à plus ou moins long termle de marges bénéficiaires.
Tandis que la réglementation sur le stockage n’a pas eu les conséquences dramatiques redoutées sur la logistique des engrais et que la menace d’une taxation de l’azote dans le cadre de la Loi sur l’eau est, pour l’heure, écartée, la bonne tenue des prix des produits agricoles depuis cet été, va probablement redresser les comptes des exploitations agricoles et peut-être permettre à leurs propriétaires de reconstituer les réserves en fertilisants (P et K) de leurs sols.
Par ailleurs, la demande alimentaire, déjà soutenue, va être secondée par une demande énergétique en forte croissance, puisque les bioénergies vont monter en puissance, spécialement en 2007 avec la mise en route de plusieurs installations importantes. Cette demande supplémentaire va encore accroître les intentions de semis de ces cultures, et sans doute réduire la jachère, ce qui va globalement augmenter les utilisations d’engrais, sous réserve que les conditions météorologiques soient favorables.
Enfin, troisième paramètre économique positif pour l’industrie de la fertilisation, les prix de l’énergie se sont stabilisés, à des cours élevés, mais les derniers cours montrent des prix de pétrole et de gaz au niveau de ceux du mois de janvier 2006. Les tensions sur le marché de l’énergie vont encore se faire sentir au cours du prochain hiver sur les marchés spots, mais cette stabilisation va probablement permettre de rééquilibrer les comptes des industriels de la fertilisation et, en conjonction avec une demande plus tonique, d’envisager de meilleurs résultats économiques dans les mois à venir.