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Un Weather Market en décalage avec les observations terrain
Alors que les prix des céréales se sont envolés suite au froid déferlant sur l’Europe, le constat reste prématuré pour les agronomes.
Cela va bientôt faire deux semaines qu’une vague de froid polaire s’est installée en Europe, et en particulier sur l’Europe de l’Est, en Ukraine et en Russie. Après qu’un vent de panique ait soufflé sur les marchés et fait grimper les cours –les prix du blé sur Euronext ont atteint leur plus haut niveau depuis sept mois le mercredi 1er février (221,5 €/t, sur l’échéance rapprochée)–, les marchés se stabilisent quelque peu. Le climat froid passe en second plan, mais les opérateurs restent néanmoins attentifs.
Un impact encore incertain
Les effets du froid sur les cultures sont encore difficiles à quantifier. « Pour l’instant les cultures sont au point-zéro de végétation », explique David Gouache, conseiller technique chez Arvalis. Il faudra attendre quelques jours à une semaine après la fin de l’épisode de gel pour estimer les dégâts potentiels.
Ce qui est inhabituel cet hiver, c’est l’avancement précoce des stades végétatifs (jusqu’au stade épi 1cm dans certaines situations) dû à des températures douces jusque-là. Cette situation a rendu les cultures beaucoup plus vulnérables à un épisode de gel. Selon David Gouache, cela complique la comparaison avec des années précédentes. En 2003, des pertes importantes avaient été enregistrées, mais les températures étaient passées brutalement de +10 à -10°C, voir -15°C. Cet hiver, l’arrivée du froid a été relativement progressive avec de petites vagues de gel courant janvier. En 2010, les températures étaient plus froides, mais le développement des plantes était moins avancé. L’impact du froid sur la production nationale est donc à relativiser. Certaines régions bénéficiaient déjà d’un couvert neigeux suffisant. Les minimales de l’ordre de -10 à -15°C restent acceptables pour des céréales d’hiver. « Les céréales ont de fortes capacités de compensation à travers le tallage : le gel du maître brin va provoquer une croissance accrue des talles de la plante, qui compenseront partiellement la disparition des tiges principales, et les tiges qui se maintiendront bénéficieront d’un système racinaire déjà développé, ce qui accroît la capacité de la culture à se rétablir en début de printemps », commente un communiqué d’Arvalis. Cet épisode de gel serait même plutôt positif pour David Gouache, car il est venu mettre un terme à « une saison beaucoup trop douce pour la normale ». S’il était intervenu un mois plus tard, les pertes auraient pu être catastrophiques, et les risques de verse accrus sur les parcelles trop précoces.
Plus de craintes en orge et en blé dur
En France, la neige tombée depuis le week-end dernier a permis de doter de nombreuses régions d’un manteau protecteur, mais on ne peut exclure des dégâts occasionnés auparavant. Le froid n’est pas aussi intense sur toutes les zones, et certaines espèces y sont plus sensibles que d’autres. Selon David Gouache, les risques sur le blé tendre concerneraient un faible nombre de parcelles semées tôt avec des variétés précoces. De plus, cette céréale possède de fortes capacités de récupération. Les craintes sont davantage justifiées pour les orges et les blés durs semés à l’automne qui se rapprochaient du stade 1cm avant l’arrivée de la vague de froid. Ce stade aurait été dépassé sur quelques surfaces dans le Sud-Ouest et en Poitou-Charentes. Il a également déjà été rapporté des cas isolés de resemis sur certaines parcelles devenues ingérables de par leur précocité.
En colza, le froid continue d’inquiéter les opérateurs, même si en Europe de l’Ouest, les températures ne devraient pas atteindre des seuils de destruction. Pour Arvalis, la bonne attitude consiste à « attendre, reporter toutes les interventions, et s’orienter vers des variétés alternatives ou de printemps si un resemis s’impose ».
Une situation en Ukraine plus inquiétante
La situation est plus alarmante en Ukraine où les températures sont descendues jusqu’à -36°C. Des précipitations neigeuses, ces derniers jours, permettent d’avoir un couvert allant jusqu’à 50 cm par endroits, mais les régions au sud et à l’est restent très exposées à un retour du froid. Selon le département d’agro-météorologie du Centre national du climat, l’Ukraine devra, au minimum, ressemer la moitié de ses cultures hivernales après les gels de la semaine dernière. La récolte de blé d’hiver ne devrait pas dépasser 15 Mt.