Salon de l’agriculture : le cru 2006 en a pris un coup dans l’aile…
Grippe aviaire, morosité ambiante et vacances scolaires décalées ont mis à mal la fréquentation du Salon international de l’agriculture.
COMPTABILISANT un peu plus de 500.000 visiteurs soit une perte de près de 100.000 personnes sur la dernière édition, le Salon international de l’agriculture (Sia) a donc connu une année noire, avec 20 % de fréquentation en moins par rapport à l’an dernier.
Selon Christian Patria, le président du Salon, la raison de cette diminution réside dans «la psychose de la peste aviaire» en dépit du fait qu’il n’y avait pas de volaille vivante présentée dans les allées de la Porte de Versailles à Paris.
L’essentiel de la baisse de fréquentation a été constaté lors du premier week-end explique aussi Christian Patria, et surtout parmi le public d’enfants. Il évoque également les perturbations dues aux travaux du tramway à proximité mais ne juge pas que la non-coïncidence avec les vacances scolaires de la région soit une cause significative. Ce qui n’est pas l’avis de tout le monde… Il semble en tout cas assuré, comme le confirment plusieurs sources d’information, que le Sia 2006 aura été une opération non rentable pour l’organisateur Comexpo. Bon nombre de commentaires mettent aussi en avant le prix de l’entrée, de même que le prix des stands qui a pu dissuader certains exposants de venir ou d’élargir leurs surfaces. Par rapport aux années d’affluence record, l’absence d’une région mise à l’honneur a aussi pu jouer. Pour l’avenir, une réflexion va être menée sur la formule et son «marketing». Christian Patria évoque notamment un «pack» d’entrées pour les familles permettant de bénéficier d’un prix réduit.
Les politiques fidèlent au poste
En revanche, à un peu plus d’un an de la présidentielle, les hommes politiques n’ont bien sûr pas perdu l’occasion de venir soutenir la filière agricole. Jacques Chirac avait ouvert le bal dès le samedi 25 février. Un président qui s’était donné comme mission de rassurer les Français sur la grippe aviaire. «La France est parfaitement capable de faire face à une grippe aviaire de cette nature», a-t-il expliqué. Tout au long de l’inauguration de la manifestation, il a multiplié les appels pour que la population continue à consommer «des volailles et des œufs qui sont sans danger». Il a rendu hommage aux services vétérinaires ainsi qu’à la filière avicole «qui a joué le jeu de manière exemplaire dans l’intérêt de la nation».
En le recevant sur son stand, Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, a insisté pour que l’Europe augmente les subventions à l’exportation et déplafonne les aides qu’un pays peut accorder à ses éleveurs. Dès son arrivée, le président de la République avait reçu pour quelques instants les représentants de la filière volaille. Celle-ci devait ensuite préciser, avec le ministère de l’Agriculture, la nature des mesures qui seraient prises dans le cadre du plan d’aide. Les 52 millions d’euros dévoilés le 23 février s’ajoutent aux 11 millions d’euros annoncés précédemment.
Première visite de Dominique de Villepin au salon
Pour sa première visite au Salon de l’agriculture le 28 février, le Premier ministre, Dominique de Villepin, s’est prêté au jeu… à la Chirac. Entre nombreuses poignées de main et tapes sur l’épaule des paysans, sans oublier les contacts rapprochés avec les animaux de la ferme. Le Premier ministre a été résolument optimiste, mettant de côté la morosité ambiante d’un secteur en crise. «Notre agriculture est la meilleure du monde», a-t-il déclaré. Il a salué les agriculteurs rencontrés lors de son parcours, qui donnent à la France selon lui une «formidable leçon». «J’ai rencontré des gens avec le sourire, qui croient en la France et en leurs produits», a ajouté Dominique de Villepin. L’objectif du Premier ministre ce 28 février était aussi et surtout de faire une annonce sur les appels d’offres à venir sur les biocarburants. Après bien des tergiversations sur le lieu de l’annonce, le Premier ministre a choisi le stand du ministère pour s’exprimer… avant de passer sur le stand de la Confédération paysanne.
Ségolène Royal remarquée
Toute la presse était présente à l’arrivée de Ségolène Royal. Présidente socialiste de la région Poitou-Charente et possible candidate du PS aux prochaines élections, elle a fait mouche lors de son passage au Salon de l’agriculture. Sa victime du jour : Jean-Michel Lemétayer. Sur un ton cassant, elle lui a lancé : «Mettez-vous en colère !», en faisant allusion au retard des aides annoncés pour les éleveurs dans le cadre de la grippe aviaire lors d’un long arrêt sur le stand de la FNSEA. Ségolène Royal a fortement critiqué la «gestion en dépit du bon sens» des aides avicoles consécutives à la crise. «C’est bien de manger du poulet, encore faut-il que les aides arrivent !», a-t-elle clamé, entourée d’un nombre impressionnant de journalistes. Elle a demandé au gouvernement «de débloquer très rapidement les aides qui ont été annoncées et qui ne sont toujours pas arrivées sur le terrain (…) C’est un vrai scandale ! Quand on annonce les choses, il faut les faire sans tarder, car aujourd’hui il y a une grande souffrance.» Cette attaque en règle contre le gouvernement a provoqué une réponse de Dominique Bussereau, le ministre de l’Agriculture. Ségolène Royal «ferait mieux de se taire» au lieu de parler « sans connaître les dossiers», a-t-il affirmé le 1 er mars à la sortie du conseil des ministres. La courte discussion entre Ségolène et Luc Guyau, président de l’APCA, a été plus cordiale, évoquant les problématiques du Marais poitevin. Quant à son entretien avec Bernard Layre, président des Jeunes agriculteurs, Ségolène Royal, tout sourire, lui a expliqué qu’il était nécessaire de décentraliser 10 à 20 % des aides du deuxième pilier (développement rural) au niveau des régions. Quant aux responsables de la Confédération paysanne, leur échange s’est déroulé… dans une allée du salon.
Pas de «show» pour Sarkozy
Le président de L’UMP et ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, n’a pas fait son «show» Porte de Versailles. Particulièrement préoccupé et visiblement stressé, il a écourté sa visite. Il a fait un passage éclair sur le stand des Jeunes agriculteurs et a évité soigneusement la Confédération paysanne. Il n’a pas oublié d’égratigner Ségolène Royal au passage. Il a affirmé qu’il était un «bâtisseur, pas un démolisseur», en faisant allusion aux propos tenus dans ce même salon, par la socialiste Ségolène Royal. «C’est très facile d’arriver, de faire des reproches aux gens qui sont en difficulté et qui essaient de trouver des solutions pour s’en sortir.» Passant un peu plus de temps sur le stand de la FNSEA, il a insisté sur les conséquences économiques de la grippe aviaire notamment lors de son entretien avec Jean-Michel Lemétayer. Faisant référence à la crise de la vache folle, Nicolas Sarkozy estime que la filière bovine en est sortie plus forte avec la traçabilité, la qualité et les labels.
Sarkozy égratigne Bruxelles
«Il ne s’agit pas de faire du social avec la grippe aviaire en demandant aux éleveurs de tendre la main mais de sauver une filière économique» a poursuivit le ministre de l’Intérieur. «Si on laisse tomber la filière, ce sont des éleveurs qui disparaissent. Quand la situation sera redevenue normale il n’y aura plus personne pour produire et on laissera des parts de marché aux étrangers en abandonnant des secteurs d’exportations», a analysé Nicolas Sarkozy. Interpellé sur l’attitude de l’Europe jugée scandaleuse dans cette crise par le président de la FNSEA, le président de l’UMP estime «qu’il n’y a plus de direction en Europe : la Commission européenne prend des positions et plus personne ne comprend».