Graminées
Quand les prix du gazon flambent...
Face à l’envolée des cours des céréales, les prix des graminées à gazon « vont devoir suivre, et pour longtemps », indique Progazon
TENSIONS. C’est une situation de crise à laquelle est confrontée de plein fouet la filière graminées. Les prix des graminées, quelles soient fourragères ou à gazon, s’embrasent dans le sillage des céréales, « de manière structurelle et irréversible », atteste Jean-Pierre Saleyron, président de Progazon (Association pour la promotion des gazons de qualité). Conséquence inéluctable : le prix du produit fini, à savoir le gazon pour les utilisateurs, amateurs ou professionnels, devrait lui aussi être revu à la hausse.
Les causes de cette progression sont connues
Les semences de graminées à gazon se trouvent confrontées à une distorsion des prix à la production, causée par une forte demande sur les céréales, dont les prix sont portés à des sommets, d’où une diminution inquiétante des stocks. Aujourd’hui, « il est nettement plus rentable pour un agriculteur de cultiver des céréales que des graminées », regrette le président de Progazon. Il sous-entend aussi que les réformes successives de la Pac ont induit des effets pervers, dans la mesure où les soutiens à la production, s’ils restent couplés à 25 % pour les céréales, sont réduits à néant pour les graminées. Dans ce contexte, quel agriculteur acceptera de produire à l’avenir des semences de Ray Grass anglais ou de fétuque élevée ? Probablement un nombre de plus en plus restreint, en dépit d’un effort de « réajustement important des offres de prix pour les contrats de multiplication ».
Ce phénomène de distorsion au profit des céréales entraîne son lot d’effets néfastes. Les surfaces de graminées sont en chute libre et ce phénomène est mondial (-40 % de production au Danemark par exemple, et même ordre de grandeur en Belgique et aux Pays-Bas). Si l’on ajoute des conditions climatiques souvent difficiles – en particulier cette année– et une rentabilité des graminées inférieure, « le résultat ne se fait pas attendre », regrette Jean-Pierre Saleyron.
Or, et ce sont-là les mêmes problématiques que pour la luzerne ou les protéagineux, le gazon a son rôle à jouer dans la protection de l’environnement, « par sa production d’oxygène et sa captation de CO 2, sans parler de son influence sur la qualité du cadre de vie » . Mais avec un recul prononcé des surfaces et des rendements, il va devenir de plus en plus aléatoire de couvrir les besoins du marché. Le président de l’association lance également un appel au maintien de la qualité et du savoir-faire acquis. Selon lui, il y a un haut risque de voir apparaître, non seulement des offres de qualité insuffisante, mais aussi des variétés à fort rendement qui ne répondent pas aux besoins spécifiques des pelouses. Ainsi, « les distributeurs ont intérêt à suivre cette hausse, et non pas à transformer leur offre en référençant les espèces les moins chères », insiste-t-il.
Hausse des prix chez les distributeurs
Les négociations avec la grande distribution promettent d’être âpres. Le discours ne sera en effet pas le même entre la filière graminées fourragères (les négociations ont lieu avec le « monde agricole ») et les graminées à gazon, dont le client final est le grand public, via la grande distribution.
Contrairement au faible impact que peut avoir l’envolée des cours du blé sur le prix du pain par exemple, « les graminées représentent 50 à 60 % du prix d’une botte de gazon premier prix » assure Jean-Pierre Saleyron. On peut donc s’attendre à une hausse à deux chiffres sur les offres distributeurs et sur les prix au grand public. Cela peut paraître conséquent. Mais « il ne faut pas oublier que l’incidence du coût des semences de gazon au m 2 de pelouse restera finalement très faible » , précise-t-il. En effet, une dose de semis d’ 1 kg vendue à un particulier correspond à 40 m2 de pelouse qu’on peut semer. Les négociations avec les centrales d’achat des distributeurs devraient avoir lieu à la rentrée de septembre. La répercussion des hausses des cours des matières premières devrait ainsi se faire sentir en magasin au printemps 2008.
Plus largement, le président de Progazon appelle à la mobilisation, dans son ensemble, de la profession. Estimant que « la distribution se doit de s’associer à cet engagement et d’être solidaire vis-à-vis des agriculteurs multiplicateurs, comme des utilisateurs ».