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Pourquoi le gluten du pain et des pâtes artisanaux est-il plus digeste ?
L’Inrae et Biocivam11 ont comparé la digestibilité du gluten de pains et des pâtes alimentaires, fabriqués avec un process artisanal ou paysan avec ceux issus de procédés industriels. Et ce afin de prouver que les personnes hypersensibles au gluten non coeliaques ne doivent pas forcément se restreindre au régime sans gluten.
L’Inrae et Biocivam11 ont comparé la digestibilité du gluten de pains et des pâtes alimentaires, fabriqués avec un process artisanal ou paysan avec ceux issus de procédés industriels. Et ce afin de prouver que les personnes hypersensibles au gluten non coeliaques ne doivent pas forcément se restreindre au régime sans gluten.
3% des Français ont supprimé le gluten de leur alimentation, selon une étude de l’Insee datant de 2017, et le marché des produits sans gluten connaît une croissance constante, de l’ordre de 20% depuis cinq ans, selon une enquête de la DGCCRF de juillet 2020. Or une partie de ces pratiques d’éviction serait liée au développement d’une sensibilité au gluten non coeliaque (SGNC) chez des personnes qui pourraient tout de même consommer certains produits artisanaux, sans présenter de symptômes.
C’est ce qu’ont tenté de démontrer l’Inrae et Biocivam11, l’association des producteurs bio de l’Aude, dans un projet de recherche baptisé « Gluten, mythe ou réalité ». Sur la base de questionnements remontés du terrain dès 2012, ce projet a été coconstruit avec des agriculteurs, des acteurs des filières céréalières industrielles et artisanales, des techniciens et chercheurs, mais aussi des médecins et consommateurs hypersensibles au gluten non coeliaques.
Le projet a permis de comparer diverses façons de fabriquer des pains et des pâtes. Deux types de pain ont notamment été comparés : le pain de type paysan ou artisanal (avec variété de blé tendre non recommandée par l’industrie, moulue sur meules de pierre, avec levain, pétrissage manuel et fermentation directe) et le pain dit industriel (variété de blé recommandée par l’industriel, mouture sur cylindres, levure commerciale, pétrissage à spirale et fermentation à froid).
Gliadines et gluténines passées à la loupe
Pour chacun de ces pains, les gliadines et gluténines ont été passées à la loupe. Il s’agit de protéines qui lors de la préparation, une fois hydratées et soumises à une étape de mélange, constituent le gluten du pain ou des pâtes. En laboratoire, elles peuvent être extraites du pain et des pâtes grâce à deux types de solvants : le SDS, détergent qui permet d’extraire les protéines les plus aisément solubles, et le DTE, capable de rompre des liaisons disulfures présentes dans et entre les protéines plus difficilement extractibles du pain, explique l’Inrae.
L’hypothèse des chercheurs : les protéines extraites à l’aide du seul SDS seraient plus digestes que celles nécessitant l’utilisation du DTE, voire plus que celles non extractibles avec les deux solvants.
Une fois cette hypothèse établie, les chercheurs ont réalisé des extractions séquentielles sur les produits finis.
Le levain face aux levures dans le pain
« A teneur en protéines comparables, les protéines facilement extractibles par le SDS seul sont deux fois plus nombreuses dans le pain paysan ou artisanal que dans le pain dit industriel », indiquent les chercheurs de l’Inrae.
Dans le détail, les pains au levain ont environ deux fois plus de protéines aisément extractibles que les pains à la levure. Parmi les autres facteurs permettant d’obtenir des pains dont les protéines sont plus facilement extractibles, l’Inrae cite aussi la fermentation à froid et à pousse lente et une cuisson au four à bois. En revanche « un fort pétrissage manuel semble générer davantage de protéines difficiles à extraire », note l’équipe de recherche.
Rôle des variétés et de la température de séchage pour les pâtes
Pour les pâtes, en moyenne comparées aux pâtes paysannes ou artisanales cuites, les pâtes dites industrielles cuites, fabriquées à partir de semoules obtenues lors d’une mouture sur cylindres avec un séchage à 90°C, présentent 20% de protéines solubles dans du SDS seul en moins, et 7% de plus de protéines non digérées in vitro.
Et contrairement au pain, « les variétés utilisées semble jouer un rôle aussi important que le procédé de transformation sur la solubilisation des protéines » note l’Inrae. Des écarts de 40% de protéines solubilisées dans le SDS auraient été observées selon les variétés. Le séchage à très haute température utilisé dans le process des pâtes industriels serait aussi en cause de leur moindre digestibilité, par rapport à des pâtes paysannes ou artisanales se déroulant à pression atmosphérique avec un séchage à température ambiante.
Cette étude et celles des pratiques des paysans et artisans conduites dans le cadre du projet Activa-Blé ont permis la construction d’une base de données agro-techno-socio-économiques, disponible en open date, souligne Inrae. Elle sera prochainement élargie à l’échelle européenne dans le cadre du projet H2020 Divinfood.