Conjoncture / productions animales
Œufs, une production record et des prix au plus bas
Difficile pour les producteurs d’envisager une amélioration sensible de leur rémunération, tant l’offre est annoncée s’étoffer sur la fin d’année
S’il est un record que ne cesse de battre la filière œuf européenne, c’est bien celui de la morosité ambiante du commerce. Depuis le printemps, l’amont voit ses tarifs chuter. Si la rentrée a permis un sursaut d’activité et une fermeté ponctuelle des tarifs, l’automne a ramené les professionnels à la dure réalité du moment : l’offre est bien trop large et tire les cours vers des niveaux plancher. Et rien ne permet d’envisager une inversion de tendance d’ici à la fin de l’année.
Plus de 8,5 milliards d’œufs devraient être produits en décembre
Les dernières données de la Commission européenne font état d’une hausse significative de la production européenne depuis plusieurs mois. Ainsi, les volumes produits auraient franchi les 8 milliards d’œufs en juillet, soit un niveau jamais atteint depuis 2005. Sur notre territoire, selon l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), l’augmentation des volumes se chiffrerait à +6,7 % sur les dix premiers mois de l’année comparé à la même période un an plus tôt, et tout laisse à penser qu’aucune limitation de notre production n’aura lieu sur novembre et décembre. De son côté, l’Europe devrait atteindre chaque mois de nouveaux sommets pour dépasser les 8,5 milliards d’œufs au mois décembre.
Cette forte progression des disponibilités s’explique avant tout par une explosion des mises en place de poulettes. Selon l’Itavi, elles auraient progressé en France de 2,8 % au premier semestre 2010 par rapport à 2009 et continueraient sur leur lancée depuis l’été. Au sein de l’Union à 25, elles seraient en progression de 12,8 % sur cette même période !
Ce mouvement de croissance est lié au passé proche de la filière. L’an dernier, l’Allemagne adaptait ses bâtiments aux nouvelles normes sur le bien-être animal, dont l’application pour l’ensemble des Etats membres n’est obligatoire qu’à compter du 1er janvier 2012. Ainsi les volumes de nos voisins germaniques se sont-ils fortement repliés, alors que les autres grands producteurs tendaient également à limiter leur production. Rien de tel pour tirer les cours vers le haut, et laisser présager leur maintien à des niveaux rémunérateurs, du moins à moyen terme. Les éleveurs n’ont donc pas hésité à développer leur offre, espérant profiter d’une meilleure rémunération de leurs marchandises. Reste que tout le monde a opté pour cette stratégie, y compris l’Allemagne qui a rapidement retrouvé son potentiel de production. Ce qui a sans surprise fait chuter les cours.
Des difficultés accrues par l’envolée des prix de l’aliment
Bien que difficile à vivre, cet effondrement des tarifs ne serait pas aussi dramatique pour l’amont de la filière si les coûts de production étaient restés stables. Mais voilà, le marché mondial des matières premières a renoué avec la fermeté, au moment même où la filière européenne affichait ses premiers pics de production. L’indice Itavi du coût des matières premières entrant dans l’aliment des poules pondeuses est ainsi passé de 121,37 à 158,47 entre avril et septembre (base 100 en janvier 2006), soit une hausse de 30,6 %. Et déjà de nouvelles augmentations sont imposées par les fabricants d’aliments depuis début octobre.
De telles perspectives, cumulées à une surabondance annoncée de l’offre, incitent les éleveurs à réagir au plus vite. Chacun tente de réformer massivement ses poules et commence à songer à limiter sérieusement ses mises en place. Cependant, pour un effet immédiat sur les cours, il faudrait que les réformes touchent aussi les lots de jeunes poules, ce qui est économiquement douloureux et encore difficile à accepter malgré les récentes pertes. De même, la diminution des mises en place de poulettes ne pourra être que progressive et n’aura pas d’effets avant le milieu de l’année 2011, lorsqu’elles entreront en production.