Filière betteravière
“Nous parions sur la génétique pour rebooster la productivité”
Marc Richard-Molard, directeur général de l’Institut technique de la betterave (ITB)
La Dépêche-Le Petit Meunier : La campagne betteravière bat son plein et s’annonce abondante. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Marc Richard-Molard : Nous nous attendons en effet à une collecte tout à fait prometteuse, grâce à un rendement betterave supérieur à 95 t/ha à 16 % de sucre. Les 35 millions de tonnes de betterave qui vont être récoltées, en première approximation, représentent à peu près 110 jours de campagne, contre 100 en temps normal. C’est beaucoup car le rendement est fait cette année davantage par le poids des racines que par la richesse en sucre, à l’inverse de 2009. Ainsi devrait-on battre le précédent record de 2009, avec un tonnage de sucre produit d’environ 5 millions de tonnes.
LD-LPM : L’actualité de la filière sucre, c’est également la réforme de la Pac et l’annonce de la suppression des quotas et mesures connexes au 30 septembre 2015, et non en 2016 comme le prévoyait les derniers textes en circulation. Comment, techniquement parlant, la betterave peut-elle relever ce défi ?
M. R.-M. : Nous avions déjà intégré que, tôt ou tard, les quotas seraient amenés à disparaître et que nous serions amenés à être exposés à la concurrence. Nous nous y préparons. Notre filière fonctionne bien techniquement, c’est-à-dire que nous avons des progrès de rendements réguliers de 2 % par an depuis plusieurs décennies, qui ne se démentent pas. La première chose à faire est donc de continuer cette progression des rendements. Et la deuxième, c’est de l’accélérer. Pour cela, nous avons déposé un projet aux Investissements d’avenir (ce que l’on appelait avant le Grand emprunt), dont l’objectif est de créer des variétés plus performantes et aussi plus résistantes aux maladies. Quand on analyse les gains de rendement réalisés dans le passé récent, on constate que la génétique est le bon levier d’action. Nous avons de fait proposé dans cet appel d’offres une approche innovante pour booster l’amélioration génétique de la betterave. C’est actuellement en cours d’examen et la réponse devrait tomber début 2012. Le financement, tel qu’il est prévu actuellement, implique la filière betteravière à travers l’ITB (à hauteur de 20 %), de nombreux laboratoires de l’Inra (20 %) et les établissements Florimond Desprez (60 %). Le budget d’un montant total de 21 millions d’euros, dont 8 M€ d’aide de l’État, est étalé sur huit ans. Dans ce contexte, la position de la Commission européenne a suscité un émoi dans la filière, qui aurait préféré une proposition bruxelloise différente. Mais la partie n’est pas jouée car le Parlement européen avait pris une décision favorable au maintien jusqu’en 2020. Il va donc y avoir une négociation toute l’année 2012.
LD-LPM : En quoi consiste le projet que vous avez soumis aux Investissements d’avenir ?
M. R.-M. : Il consiste à élargir d’une manière significative la diversité génétique dans le “germplasme” des betteraves, en recourant aux collections de betteraves sauvages à travers le monde et aux outils de génomique (génotypage haute densité, bio informatique...). Nous souhaitons faire un phénotypage innovant, capable de détecter les réponses aux stress abiotiques, biotiques et aux étapes clef du développement de la betterave, afin de mettre derrière les nouveaux gènes des caractéristiques d’intérêt. Et à partir de cela, on peut soit obtenir des variétés remarquables, soit construire des briques permettant de faire une sélection bien orientée. C’est un programme dense et très complet. Il faudra au minimum neuf années pour arriver à proposer les premières variétés. Nous en attendons des ruptures dans la progression des rendements, que ce soit à travers le poids des racines ou la teneur en sucre. Autre thématique très importante, l’amélioration de la résistance aux bio-agresseurs, en cohérence avec le plan Écophyto, c’est-à-dire pouvoir s’affranchir davantage du recours aux pesticides. Et nous nous intéressons aussi à la possibilité d’allonger le cycle de culture, à travers la résistance au froid, pour créer des betteraves que l’on pourrait semer plus tôt ou récolter plus tard. Cela permettrait d’augmenter la production et d’étaler la durée de campagne pour une meilleure rentabilité des entreprises sucrières, ce qui est un enjeu tout à fait important. Cette sélection génomique, qui certes prend plus de temps mais ouvre plus de possibilités que les “simples OGM”, a le mérite de ne pas poser de problème d’acceptabilité.
LD-LPM : Betteravenir 2011, le salon de la betterave, vient de fermer ses portes. Quel bilan pouvez-vous en faire ?
M. R.-M. : Cette manifestation n’avait pas été éditée depuis 2001. Elle a permis aux 10.000 planteurs attendus sur deux jours de découvrir, à travers des démonstrations de matériels et des conférences, les innovations en terme de récolte, de bâchage-débâchage, de stockage et de conservation, de gestion des intercultures ou encore de choix variétal existant et à venir.