Développement durable
L’Inra œuvre pour une plus grande efficience de l’eau en agriculture
Les besoins d’innovation se situent à l’échelle de la plante (variété adaptée à la sécheresse) et du système de culture (usage écologique de l’eau).
« Observer et modéliser constituent les deux pilliers de la recherche sur l’eau : l’observation permet de disposer de données pour conceptualiser des modèles de gestion de l’eau », explique Chantal Gascuel, directrice de recherche à l’Inra. C’est à l’occasion du Salon international de l’agriculture que l’institut de recherche a organisé, sur son stand entièrement dédié à l’eau, un colloque intitulé “Agriculture et qualité de l’eau : enjeux et défis pour la recherche agronomique”. L’eau, ressource vitale limitée, est devenue un enjeu majeur de l’agriculture, qui en est le plus gros consommateur à l’échelle mondiale. L’irrigation, qui représente une part significative des besoins hydriques inhérents à la production agricole, capte en France 68 % des consommations globales en eau, avec une forte variabilité dans le temps et l’espace. Ce pourcentage peut atteindre 90 % durant l’été dans le Sud-Ouest. Dans le cadre d’une gestion intégrée de l’eau, des recherches pluridisciplinaires sont développées à l’Inra pour contribuer à une agriculture économe en eau, mieux adaptée à la sécheresse, et une agriculture peu gourmande en intrants, préservant la qualité des eaux et des écosystèmes.
Des recherches pluridisciplinaires pour une gestion intégrée de l’eau
Les besoins de recherche se situent en agronomie à l’échelle de la plante, grâce à la génétique qui permet de sélectionner des variétés mieux adaptées à la sécheresse, et à l’échelle des systèmes de culture, par un usage durable de l’eau en agriculture. Les questions doivent aussi porter sur le sol et les nappes, pour déterminer le temps de réponse des milieux à des changements d’itinéraires culturaux ou le rôle tampon des éléments du paysage tels que les zones humides et le bocage.
La modélisation intégrée, basée sur des plateformes de modélisation et des bases de données, constitue une approche privilégiée de compilation des connaissances, pour tester des scénarii de gestion de l’agriculture et prédire leurs effets sur l’eau. « Le diagnostic de fonctionnement d’un bassin versant et de la qualité des eaux passe par une conceptualisation de la réalité du terrain et des mécanismes qui s’y déroulent », illustre Chantal Gascuel.
Créer des variétés plus précoces et économes en eau
Pour la culture du maïs, les chercheurs prévoient d’ici cent ans une période d’irrigation plus courte – la plante parvenant plus tôt à maturité en raison du réchauffement climatique – mais une quantité d’eau plus importante à apporter, suite à la réduction de la disponibilité en eau du sol. D’où la nécessité de trouver de nouvelles variétés économes en eau et plus précoces. Des cultures alternatives, comme le sorgho, constituent des pistes possibles. Son feuillage moins exubérant que celui du maïs, limite la transpiration et ses racines plus pénétrantes absorbent l’eau en profondeur.
Restreindre l’utilisation des intrants
Pour réduire le recours aux produits phytosanitaires et les risques de pollution des eaux de surface et des nappes souterraines, les chercheurs préconisent trois principes : améliorer les conditions de leur usage en utilisant la bonne dose au bon moment, introduire des pratiques “alternatives” non chimiques aux pesticides, repenser et combiner les pratiques défavorables aux bio-agresseurs. Par exemple, la lutte physique, par le travail du sol (déchaumage précoce, faux semis, désherbage mécanique...), constitue des leviers pour gérer les mauvaises herbes. D’autres choix agronomiques peuvent réduire le risque de développement de maladies au sein de la culture : lutte biologique, choix de variétés résistantes, date et densité du semis, associations variétales et organisation paysagère, agissant comme barrage contre les maladies et les ravageurs.
Limiter la contamination des eaux
La mise en place, à la sortie de la parcelle, de bandes enherbées ou la végétalisation contrôlée des fossés, limitent le ruissellement. Elle permet également d’augmenter la teneur en matière organique du sol, ce qui favorise la rétention des pesticides lors de leur transfert. Les haies, véritables filtres pour les éléments dissous, représentent aussi des barrières au ruissellement et aux particules de sol érodées. Les zones humides participent quant à elles à la dénitrification du sol. Ce phénomène joue un rôle important pour diminuer les excédents de nitrate en provenance de l’agriculture.
Cependant, interpelle Julien Tournebize d’Irstea (anciennement Cemagref), ces zones tampons, dont l’efficacité est réelle mais limitée, doivent être considérées comme des moyens d’action complémentaires et non comme « des permis à polluer ».