Développement durable
Les produits bio-sourcés ont la cote
Avec la fin programmée du pétrole, la multiplication de produits fabriqués à partir d’une base végétale et non fossile est inéluctable.
« La chimie verte peut être le fer de lance d’une chimie plus compétitive et durable au niveau européen », affirme avec conviction Christophe Rupp-Dahlem, président de l’Association Chimie du végétal (ACDV) et directeur des programmes d’innovation Chimie du végétal de Roquette Frères. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, il n’est pas envisageable d’innover sans prendre en considération les impacts environnementaux, sociétaux et économiques. » Les industriels de la chimie l’ont bien compris en axant leur développement dans le sens d’une chimie plus durable que la carbochimie et de la pétrochimie. « Actuellement, la biomasse représente 5 % des approvisionnements en matières premières, soit 2 % des surfaces agricoles de l’Union européenne, précise Christophe Rupp-Dahlem. A l’horizon 2020, cette proportion de ressources végétales pourrait atteindre 15 %. »
Des produits à fort potentiel
Les matières premières renouvelables sont uniquement utilisées pour certaines catégories de produits –intermédiaires chimiques, plastiques pour application longue durée ou biodégradables, lubrifiants, tensio-actifs ou matériaux composites– à forts potentiels de développement. Si l’on prend l’exemple des bioplastiques, selon une étude conjointe de l’Ademe et de la société de conseil Alcimed, 10.000 t de biopolymères sont aujourd’hui produits en France, ce qui représente 0,16 % du marché des plastiques. A l’horizon 2030, les volumes pourraient avoisiner les 2 Mt, soit un multiplicateur de croissance de marché de 200. Et les grands donneurs d’ordre, comme les sociétés Coca-Cola ou Danone (Volvic), sont les premiers à donner l’exemple, en intégrant dans leurs bouteilles plastiques de plus en plus de matière d’origine végétale. En novembre 2010, c’est le spécialiste du film plastique d’emballage Ceisa qui lance sa gamme Green’Source, contenant « 35 % de matériel à base de plante ». Elle utilise les nouvelles résines végétales thermoplastiques de Roquette Frères, commercialisées sous la marque Gaïalene.
Si aujourd’hui les quantités produites sont limitées, de nouveaux marchés à fort volume sont indispensables pour justifier les investissements, baisser les coûts de production industrielle, générer de meilleurs retours sur investissements et réduire les risques pour les investisseurs et les entrepreneurs. « Cela va se faire petit à petit, explique le directeur de Roquette. Dans un premier temps, on va aller vers des spécialités, qui conservent le matériau de base –à savoir le carbone et l’oxygène– pour assurer du rendement, comme de l’acide succinique, des éthers ou des polyesters. » Car produire « 1 kg d’éthylène à partir de 4 kg de sucre, comme cela se fait au Brésil » n’est pas économiquement viable, dans l’état actuel des choses, poursuit le président d’ACDV.
Des investissements considérables
« Le développement à grande échelle des produits bio-sourcés et des plastiques végétaux ne se fera pas sans le soutien des pouvoirs publics dans les domaines de l’innovation et des marchés, sur le principe du “Techno push” et du “Market pull” », insiste Christophe Rupp-Dahlem. Une étude a montré qu’en l’absence de politique communautaire spécifique, le développement de la chimie verte en Europe sera plus que limitée. A titre d’exemple, le volume de bioplastiques produit, qui s’élève aujourd’hui à 260.000 t à l’échelle européenne, pourrait être multiplié par dix d’ici 2020 (2.555.000 t), si la Commission soutient le développement de la filière, mais ne serait que tripler (769.000 t) dans le cas contraire.
Heureusement, les choses commencent à bouger mais il reste beaucoup à faire, comme soutenir financièrement les premières unités industrielles ou encore mettre en place des mécanismes d’incitation fiscale.