Production bovine / Méditerranée
Les échanges dans la tourmente
Le marché turc, apparu comme un Eldorado aux producteurs français de jeunes bovins il y a peu, se révèle plus incertain que prévu.
La filière bovine a connu une nouvelle dynamique en 2009 et 2010 par l’accélération du courant commercial avec les pays de la Méditerranée. Ce débouché tombait à pic, au moment où l’Italie, notre partenaire traditionnel pour les broutards lourds ou les jeunes bovins, commençait à évoluer et se montrer moins présente aux achats. Les marchés se sont donc rapidement adaptés à la nouvelle donne. Mais aujourd’hui, la récente baisse de la livre turque et la hausse des droits de douanes nuit à la compétitivité des produits européens. En Algérie, les circonstances sont similaires. Mais pourtant la demande émanant de ces deux pays continue de soutenir les marchés communautaires.
L’Espagne et l’Italie boudent nos broutards lourds
L’année est loin d’avoir commencé sur les chapeaux de roues du côté de nos exportations de broutards. Avec 90.600 animaux d’après l’Institut de l’élevage, il s’agit du deuxième plus mauvais mois de janvier depuis 2001. En effet nos exportations de mâles de plus de 300 kg vers l’Italie ont fortement reculé par rapport à janvier 2010 : -5 %, et la donne est la même pour les femelles de plus de 300 kg vers l’Espagne. Il faut dire que plusieurs éléments nuisent aux échanges à travers les Alpes. D’une part, l’augmentation du coût des matières premières pousse les engraisseurs transalpins à limiter les mises en place. De l’autre, l’allongement des délais de paiement alourdit les transactions. Ainsi, la demande traditionnelle n’anime pas beaucoup le marché français, surtout pour les animaux lourds. Néanmoins, les prix restent fermes et les ventes fluides grâce à la présence de l’Algérie. En effet, fin 2010, quand le gouvernement algérien avait annoncé la fin des contingents d’importations détaxés, les opérateurs avaient craint une rupture des échanges. Mais il s’avère que le commerce a survécu, même si les volumes sont un peu moins importants que l’an dernier. Aujourd’hui, ces flux permettent de soutenir les cours des animaux lourds français.
En jeunes bovins, l’évolution du marché est plus incertaine
Depuis plus de six mois, le marché des jeunes bovins a connu un nouvel élan, et, portés par une demande soutenue, les prix ont atteint des sommets. D’après l’Institut de l’élevage, la production de taureaux et taurillons au premier semestre 2011 devrait être similaire à celle de la même période de 2010. Mais par la suite, le deuxième semestre de l’année devrait voir la production française dépasser de 4 % celle de la même période de 2010. Cette hausse des disponibilités pourrait bien être couplée à une baisse de la demande, qui rendrait difficile le maintien de prix rémunérateurs dans la filière. En effet, du côté de la demande, l’incertitude est de mise. C’est l’exportation vers la Turquie qui a été le moteur du dynamisme récent de la filière. Or le marché turc s’est refermé récemment, entre hausse des droits de douanes de 30 à 45 % et dévaluation de la monnaie par rapport à l’euro de 10 % entre décembre et mars. D’après l’Institut de l’élevage, les importations en provenance de l’U.E. sont ainsi passées de 25.500 t en décembre à 13.400 t en janvier et 12.500 t en février. Le gouvernement turc préférerait visiblement promouvoir sa production nationale, en limitant la compétitivité des produits européens. Cependant, les prix sur le marché intérieur turc, bien qu’en baisse, restaient élevés, ce qui devrait permettre à l’UE de tirer encore un peu son épingle du jeu. Ce débouché est d’autant plus important pour l’Hexagone que notre partenaire commercial traditionnel, l’Italie, a trouvé un autre fournisseur quand nos envois se sont dirigés vers la Turquie : la Pologne. Et avec des animaux moins chers pour une qualité somme toute convenable, les envois polonais pourraient bien garder leur part de marché.