Limagrain
Le semencier français pourrait expatrier la recherche OGM hors de l’Hexagone
MENACE. Avec un nouvel essai arraché dans le Puy-de-Dôme fin août, le groupe Limagrain, menace de quitter la France pour exercer son activité de recherche sur les organismes génétiquement modifiés. Dans un communiqué du 2 juillet, le premier semencier français lance un ultime appel aux pouvoirs publics afin que ces derniers prennent clairement position concernant la recherche sur les biotechnologies. Pour Daniel Chéron, directeur général de Limagrain et interrogé par la Dépêche-Le Petit Meunier, « si le contexte en France n’évolue pas après le Grenelle de l’environnement, nous serons amenés à prendre certaines décisions », c’est à dire à exercer la recherche hors des frontières françaises, voire européennes.
Une recherche qui n’aboutit pas
Avec seulement deux essais encore opérationnels sur le territoire hexagonal, Limagrain s’interroge sur l’intérêt d’effectuer ses recherches en France. « On a besoin d’évoluer dans un cadre clair et acceptable pour mener à bien nos travaux de recherche, ce qui est loin d’être le cas dans l’Union européenne et en France où la situation est celle d’un moratoire quasi permanent. D’où notre cri d’alarme, pour toucher quelques leaders d’opinion et surtout les Politiques », explique Daniel Chéron. « En Europe, on a des travaux de recherche qui n’aboutissent pas et un marché qui n’existe pas réellement. De plus, l’évolution de la loi nous oblige à déclarer les communes de nos essais. Donc, on offre sur un plateau aux destructeurs la possibilité de détruire les essais » déplore-t-il. Seulement trois essais ont été tentés cette année par Limagrain. Un a déjà été détruit. « Le problème est que l’on ne parvient pas à mettre sur le marché le fruit de nos recherches par manque de validation des essais » se plaint Daniel Chéron. Deux raisons expliquent ce gâchis. « On lance peu d’essais par peur des destructions et le peu que l’on tente est souvent détruit ».
Espoir d’être entendu au Grenelle de l’environnement
Pour le groupe coopératif auvergnat, la grand messe de l’environnement prévue en octobre prochain, sera « un bon levier pour faire passer un certain nombre de messages ». « On imagine que l’on va nous inviter », estime le directeur de Limagrain, ajoutant : « on compte sur nos structures syndicales pour y être présent ». Mais la présence de Limagrain lors de cette grande réunion initiée par le Président de la République, ne sera pas nécessairement suffisante pour lui donner raison. « Les dernières déclarations de Mme Kosciuscko-Morizet(la secrétaire d’État à l’Écologie a récemment exposé ses doutes quant à l’intérêt pour la société des OGM en Agriculture, ndlr) ne sont pas très rassurantes, et cela risque de peser dans les débats» s’inquiète Daniel Chéron. « J’espère que les ministres de la Recherche et de l’Agriculture seront nos ambassadeurs », déclare-t-il. Rien n’est moins sûr puisque Michel Barnier, actuel ministre de l’Agriculture, a déjà fait part à la Confédération paysanne de ses interrogations quant aux avantages réels des OGM agricoles.
Et si Limagrain s’expatriait
Si le directeur général de Limagrain ne s’avoue pas vaincu, il se prépare toutefois à l’éventualité de voir la recherche sur les biotechnologies s’expatrier. « Limagrain est un groupe qui essaie progressivement de s’internationaliser, donc si la recherche ne se fait pas en France, on n’en mourra pas. En tant que coopérateur, je trouve que ce serait dommage pour mes adhérents et plus généralement pour l’agriculture française et européenne. Mais d’un point de vue strictement business, on est en mesure d’exercer nos travaux ailleurs et à mon avis à moindre coût », assure Daniel Chéron.