Témoignage
“Le développement durable se conçoit en filière”
Jean-Jacques Bret Directeur du Comité interprofessionnel du Comté
Selon vous, la gestion d’une AOC ou celle d’une politique de développement durable sont proches ?
J.-J. B. : Dès l’origine, notre objectif lors de la conception de notre cahier des charges AOC, a été de répondre aux attentes des consommateurs qui souhaitent un bon produit empreint d’authenticité et respectant le terroir.
La perspective de la fin des quotas laitiers nous a ensuite conduits, pour éviter l’intensification et répondre aux exigences croissantes du consommateur vis-à-vis d’une AOC, à nous imposer des contraintes supplémentaires, notamment en termes de plafonnements quantitatifs d’intrants, d’engrais, d’aliments du bétail, de productivité laitière, ou en termes qualitatifs, avec par exemple une liste d’aliments autorisés.
A l’époque, notre démarche n’a pas été liée au développement durable, mais de nombreux critères pourraient s’y inscrire. Autre exemple : il y a quelques années, le marché de la coque de cacao s’est développé sur la base de ses vertus zootechniques. Il ne nous paraissait pas naturel de nourrir des vaches jurassiennes avec des graines exotiques pour fabriquer du Comté. Nous l’avons donc interdit dans notre filière. Notre cahier des charges est très strict. Nous nous sommes engagés dans un cercle vertueux : plus l’AOC comté est crédible, plus les producteurs acceptent de s’imposer une discipline. Et la valorisation est au rendez-vous : avec 46.600 t vendues en départ cave en 2009, les volumes ont bondi de 58,5 % depuis 1990. Employant près de 7.600 personnes, le Comté constitue la première AOC française.
Comment mettre en place ce genre de démarche ?
J.-J. B. : Il y a quinze ans, nous avons mis en place une charte avec six fabricants locaux d’aliments du bétail. C’est avec ces partenaires, qui sont plus de 20 aujourd’hui et avec lesquels nous sommes économiquement interdépendants, que nous avons cherché à concilier rentabilité et développement durable. Il n’y a pas de solution miracle, elle se conçoit collectivement. Et nous allons poursuivre sur cette voie de la collaboration constructive.
Que pensez-vous du projet d’étiquetage environnemental ?
J.-J. B. : Cela nous perturbe quelque peu. Nous interdisons par exemple les OGM depuis toujours, sans l’afficher dans la mesure où cela nous semblait aller de soit, comme le refus des ensilages d’ailleurs. Il en va de même pour le développement durable et AOC Comté, qui nous paraissent intrinsèquement liés. Mais il n’est peut-être pas possible de se contenter d’une telle affirmation. Nous allons devoir mener une réflexion. Dans un premier temps, nous allons traduire notre cahier des charges, très technique, et l’ensemble des pratiques de nos éleveurs et fabricants, en une charte positive, plus compréhensible pour le consommateur.