Christian Pees
« La taille des structures importe peu, seule compte la gouvernance »
Entretien avec le nouveau président de Coop de France Métiers du grain.
« Mon action ne s’inscrit pas dans la révolution », annonce Christian Pees, fraîchement élu président de Coop de France Métiers du grain. Néanmoins, qu’il s’agisse des relations éleveurs/céréaliers, du libéralisme et de la Pac, des biotechnologies ou de la taille des coopératives, il n’y a pas de sujets tabous pour ce personnage de la coopération.
Combattre les idées reçues concernant les céréaliers
Pour son premier mandat de président de Coop de France Métiers du grain, Christian Pees entend défendre le revenu des coopérateurs. Parmi les pistes, il évoque l’importance des bonnes pratiques en matière de gestion des prix, qui a fait l’objet d’un guide paru l’an dernier. Une charte des bonnes pratiques est également annoncée pour le printemps. Autre priorité, peser sur les évolutions de la Pac et combattre certaines idées reçues. En particulier celle qui stigmatise les producteurs de céréales qui vivraient bien, aux dépens de leurs voisins et clients indirects, les éleveurs, tout en reconnaissant que ces derniers traversent une crise très sérieuse. « C’est vrai que les cinq dernières années, à l’exception de 2009, ont été bonnes pour les producteurs de grandes cultures, mais les risques de retournement restent très élevés », estime-t-il. En revanche, « la rigidité des aides de Bruxelles pose problème. Les aides fixes ne sont pas la panacée », reconnaît le président, ajoutant toutefois que « sans les aides de la Pac, avec un prix de revient du maïs à 170 €/t, ça ne passe pas toujours, les charges des céréaliers ayant beaucoup augmenté ces dernières années ». La contribution au Fonds de modernisation céréaliers/éleveurs dont le financement, initialement volontaire, pourrait se concrétiser au travers d’une nouvelle CVO (cf. La contribution au FMCE bientôt obligatoire ?), s’y ajoutera… Là aussi, Christian Pees refuse toute stigmatisation entre céréaliers et éleveurs, relevant que « de nombreux agriculteurs mixtes réalisent des arbitrages au sein même de leurs exploitations »…
Toujours au sujet de la Pac, Christian Pees, l’un des fondateurs du Momagri, regrette que « l’UE soit la seule puissance très libéralisée. Les autres nations trouvent les outils pour contourner l’OMC. »
Des leviers pour la compétitivité
Concernant les biotechnologies, que Christian Pees défend depuis plusieurs années, ce dernier souhaite « faire progresser l’équité des chances entre les producteurs ». « Le renoncement aux biotechnologies posera des problèmes de compétitivité. Les autres grands pays producteurs de blé, États-Unis, Canada et Australie notamment, ont lancé d’importants programmes de recherche sur le blé OGM qui aboutiront d’ici quatre à cinq ans. Dans les années 2000, aux États-Unis, les rendements maïs tournaient autour de 80 q/ha quand nous étions ici à 90 q/ha. Dix ans plus tard, les Nord-américains nous ont dépassé en affichant 100 q/ha. Nous nous devons de respecter le choix des consommateurs français, mais ils sont parfois irrationnels », juge Christian Pees. Et d’ajouter : « La différence, c’est qu’ailleurs l’économie prime toujours… »
Enfin, alors que la question de la taille des structures coopératives fait de nouveau débat avec le scandale de la viande de cheval (cf. Le cas Spanghero relance le dossier de la gouvernance des coopératives), Christian Pees est très clair : « Les petites coopératives ont leur légitimité, mais une coopérative n’a pas obligatoirement vocation à rester petite », déclare-t-il sans ambages. « Plus on travaille sur les matières premières agricoles, plus on a besoin de taille. Il y a en Europe des coopératives de taille mondiale, comme Danish Crown. Les plus grosses en France font figure de naines en comparaison. Nous devons être capables d’aller à l’étranger. Le vrai sujet est la gouvernance. Il ne faut jamais perdre de vue le mandat qui est celui d’assurer le revenu de nos agriculteurs. La taille des structures n’est pas le problème. »