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Mer Noire / Production céréalière
La logistique, talon d’Achille des géants de l’Est

Russie, Ukraine et Kazakhstan, un trio dont le potentiel d’exportation reste freiné par les variations interannuelles de production mais surtout par les problèmes logistiques, terrestres comme maritimes.

Avec plus de 25 % du marché mondial et 14 % de la production globale de blé (USDA), le trio Russie, Ukraine et Kazakhstan, a de quoi s’imposer à l’international. Ce potentiel exportateur est décrédibilisé par des obstacles naturels d’une part et logistiques d’autre part. Les conditions climatiques (précipitations inégales, températures extrêmes) entraînent de grandes variations de productions interannuelles, ce qui rend irréguliers les flux à l’exportation pendant la campagne. De plus, la qualité du blé est souvent déclassée à cause de problèmes de punaises. Que ce soit au niveau terrestre ou maritime, la faiblesse des infrastructures pénalise la filière des grains. Tout d’abord, il y a une difficulté récurrente à se procurer des wagons, qui n’est pas anecdotique sur des territoires aussi vastes que la Russie (17 Mkm2). De plus 75 % des wagons russes seront obsolètes d’ici 2020. Le Kazakhstan possède, quant à lui,  5.200 wagons alors qu’il lui en faudrait 15.000 pour exporter 1 Mt de grains par mois. «Chacun essaye de faire main basse sur les wagons de l’autre», rapporte Michel Ferret, chef de service des marchés et des filières chez FranceAgriMer, lors d’une de leurs conférences au Sia. Même si les capacités de chargement ukrainiennes et russes ont plus que triplé de 2001 à 2011, respectivement de 11 Mt à 36 Mt, et de 8 Mt à 30 Mt, et que les taux de rotation sont très importants dans les silos portuaires, les ports sont néanmoins fréquemment saturés. C’est le cas notamment du port de Novorossiysk, 1er opérateur portuaire du pays et 3e d’Europe.

La Russie mise tout sur ses ports
Il s’agit donc de révolutionner le paysage de l’infrastructure portuaire, à travers des investissements pour la production et la commercialisation. La problématique des stocks est centrale, comme l’a confirmé la crise de 2007/2008. Les efforts russes se portent majoritairement sur les ports. En effet, la flotte russe a beau être vieillissante, sa large gamme de navires permet de répondre à différents types de besoins, et notamment aux acheteurs privés égyptiens, demandeurs de petits volumes.
Parmi les projets, il y a le port de Taman, actuellement en construction, qui doit venir désengorger les autres installations. Il devrait être opérationnel en 2016, avec une capacité de transbordement de 65 à 90 Mt (tous produits confondus) prévue pour 2025. En revanche, c’est une mauvaise nouvelle pour l’Ukraine, qui pourrait ainsi perdre 18 Mt de fret d’ici à 2018.
La Russie essaye de réaffirmer sa présence à l’export avec la création en 2009 d’UGC (United Grain Council) dont l’objectif est de contrôler à terme 50 % des exports russes de grains.
La Russie devrait officiellement rejoindre l’OMC au premier semestre 2012, et devrait par la suite soutenir l’adhésion du Kazakhstan. Les opérateurs espèrent que ces évolutions empêcheront de reproduire des situations comme en août 2010 où la Russie avait mis en place un embargo sur les exportations de grains. Selon UkrAgroConsult, « cela devrait, au moins, conférer un accès plus fiable au marché russe ».

Le Kazakhstan, un cas à part
Au Kazakhstan, la situation est encore pire, car il n’y a qu’un seul port céréalier, le port d’Aktau, qui donne sur la mer Caspienne. Le manque de capacités de stockage au niveau national entraîne chaque année des pertes sur les récoltes. Le pays est entièrement tributaire de ses voisins pour l’accès à la mer Noire et sa marine marchande est quasiment inexistante : il ne  maîtrise pas sa campagne d’exportation. Le Kazakhstan exporte en moyenne 6 Mt de grain par an alors que son potentiel serait de 15 Mt selon UkrAgroConsult. Les chargements sont aussi limités par la pénurie de wagons. À titre d’exemple, la demande iranienne pour les origines kazakhes est de 200.000 t par mois depuis septembre 2011, mais elle ne peut être satisfaite en raison du manque d’infrastructures.
L’objectif du Kazakhstan est donc de dépasser son enclavement. Il s’est orienté vers l’export de produits transformés. C’est notamment le 1er exportateur mondial de farine. Mais surtout, le Kazakhstan fait de la « délocalisation » portuaire. Il utilise des silos tampon à l’étranger en joint-venture. Les grains chargés dans le port d’Aktau, sont livrés à des silos étrangersen (Iran, Azerbaïdjan...). Il investit aussi dans des voies de communication vers la Chine et l’Iran. Un nouveau chemin de fer reliant l’ouest du Kazakhstan à l’Iran, en passant par le Turkménistan, devrait être terminé cette année.

Et pour demain ?
L’idée de créer un pool céréalier à trois pour concentrer l’offre à l’export continue de faire son chemin. Néanmoins, il faut se demander à quel point cela est compatible avec le souhait de l’Ukraine de rejoindre l’Union européenne. Les différents partenaires ne sont pas sur un même pied d’égalité, l’Ukraine reste notamment très dépendante de la Russie pour son approvisionnement en gaz.
En ce qui concerne le plus long terme, la Russie souhaite se lancer à la conquête de l’Asie, marché de plus de 25 Mt de blé, et jusque-là considérée comme une « chasse gardée anglo-saxonne ». Les investissements concernent notamment le port de Vostochny (près de Vladivostok) qui devrait être terminé en 2014. Ce serait un nouveau débouché pour les céréales de Sibérie. Les exportations russes de grains pourraient augmenter de 2 à 3 Mt/an.

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