Les élèves ingénieurs prennent la plume…
La désinfection par les plantes réserve encore des marges de progrès
La problématique actuelle des agriculteurs est de produire sans polluer mais sans pour autant produire moins. Pourtant, en Europe, l’utilisation de produits biologiques pour dépolluer les sols est très restreinte par rapport à d’autres pays comme les États-Unis. Ceci est dû à la réglementation très stricte de ces produits. Mais l’interdiction d’utilisation de certains fumigants comme le bromure de méthyle accélère la mise en œuvre de ces nouvelles techniques. C’est le cas de la biofumigation (ou biodésinfection) et de la technique des cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan).
Bon potentiel de la biofumigation
La biofumigation prend son nom de la libération par des plantes (en particulier les Brassicacées) de molécules actives semblables aux molécules des fumigants chimiques. Tout d’abord, ces plantes sont broyées et libèrent des composés qui sont des thiocyanates et des ITC (isothiocyanates volatiles). Puis, elles sont enfouies pour prévenir l’action de pathogènes. Des tests in vitro réalisés sur le blé et l’orge (contre G. graminis var. Tritici et Fusarium graminearum) ont été concluants.
Les essais en champs effectués sur le blé ont permis de réduire l’incidence du piétin-verse sur blé. Cependant, en comparant avec une rotation blé-culture de coupure, les résultats sont les mêmes. Ainsi, pour le moment, il n’existe pas d’exemple concluant en conditions réelles d’utilisation de la biofumigation pour le blé. Mais des résultats prometteurs ont été obtenus pour un certain nombre d’autres espèces végétales, laissant penser qu’une utilisation pour les céréales est possible. De plus, afin de simplifier l’utilisation de ces produits et éviter le coût d’une interculture, la recherche semble s’orienter vers la mise en place de granulés de biodésinfection. Ces derniers permettraient d’utiliser le potentiel de ces plantes désinfectantes sans avoir à les cultiver in situ et sans utiliser de molécules chimiques.
Recycler l’azote grâce à des cultures intermédiaires
La technique Cipan est quant à elle connue et largement utilisée depuis les années 1990. Avec l’évolution de la législation environnementale, la notion d’engrais vert est supplantée par celle des Cipan qui sont des intercultures mises en place pour intercepter l’azote minéralisé pendant l’été dans le sol et le réorganiser en azote organique. Les espèces généralement employées sont la moutarde, la phacélie et le seigle. Des graminées peuvent être aussi utilisées, mais leur capacité à pomper l’azote reste plus modérée.
Les couverts s’intercalent entre deux
cultures de vente, souvent un maïs. Il faut que l’interculture soit assez longue pour permettre un développement suffisant (au moins 3 à 4 t de MS/ha). En effet, la difficulté majeure est de gérer l’évolution du rapport carbones/nitrates produits de la plante. Il faut permettre un développement suffisamment important sans pour autant produire « trop » de cellulose (soit du carbone) car dans ce cas, le relargage d’azote sera plus lent et se fera plus tardivement dans la saison.
Ainsi, l’implantation se fait généralement de mi-août jusqu’à la mi-septembre selon les espèces. La culture doit ensuite être détruite au tout début de la floraison lorsque le rapport C/N est encore faible. À ce stade, on estime qu’elle est non pénalisante et peut relarguer entre 10 et 40 % de l’azote réorganisé, au printemps suivant.
Les Cipan ont donc la capacité de recycler l’azote du sol. On admet généralement que chaque tranche de 50 cm de végétation équivaut à 1 t de MS/ha ou encore à 20 à 30 unités d’azote absorbées. Ces cultures possèdent également de nombreux avantages économiques : implantation facile et rapide avec, en particulier, une faible exigence en eau (20 à 25 mm d’eau pour 1 t de MS) et un prix des semences peu élevé.