“La classe politique est sensible à la problématique des protéines végétales”
La Dépêche-Le Petit Meunier : Vous arrivez à la présidence de l’Unip alors que la production française de protéagineux en 2012 a connu une baisse significative, atteignant 21 % en féveroles (et fèves), 13 % en lupin doux et 10 % en pois protéagineux par rapport à la récolte précédente. Comment expliquez-vous ces mauvais résultats ? Quelle est la part du conjoncturel et du structurel ?
Antoine Henrion : Ce repli de la production est la conséquence d’une situation de rendements 2011 détériorés par une sécheresse exceptionnelle du printemps affectant le développement des plantes. En plus du temps sec qui a affecté pois et féveroles et, malgré un contexte sanitaire sain, des attaques de bruches ont impacté la qualité des féveroles dans de nombreuses régions. Les aléas climatiques, la sécheresse en 2011 et le gel en 2012, par essence conjoncturels, marquent indéniablement le structurel. Cependant, ces contextes climatiques n’expliquent pas tout. Globalement, les performances culturales, comme la résistance aux maladies et aux insectes, ne sont pas satisfaisantes à l’heure actuelle. C’est dans ce contexte que les acteurs de l’Unip, producteurs, transformateurs..., accompagnés par les pouvoirs publics, se mobilisent avec ses partenaires, la recherche, les semenciers... pour retrouver de la compétitivité.
LD-LPM : Le gouvernement a promis, mi-septembre, un plan Protéines végétales “ambitieux” dans le cadre de ses actions en faveur des agriculteurs. Une stratégie bien sûre souhaitée par la profession. Quels en seraient les principaux points ?
A. H. : On peut dire que l’ensemble de la classe politique est sensible à la problématique des protéines végétales. Le 25 janvier dernier, nous avons organisé à l’Assemblée nationale une journée de mobilisation pour sensibiliser les parlementaires, qui ont été très attentifs. Le nouveau ministre de l’Agriculture est également très à l’écoute de notre dossier. Le plan Protéines végétales repose sur plusieurs volets. Il s’agit d’abord de ne pas arrêter la dynamique enclenchée à l’issu du bilan de santé, avec les 40 M€ via l’article 68 du règlement européen. Je rappelle que ce dispositif a permis de retrouver les 400.000 hectares en 2010.
Ensuite, il faut capitaliser l’intérêt cultural et environnemental de ces cultures, comme la place dans la rotation, la diversification de l’assolement ou l’azote naturel produit par la plante. Il est aussi nécessaire d’attirer les producteurs, par des incitations dans les politiques agricoles, au travers de la nouvelle Pac notamment, et en combinant l’intérêt économique pour l’autonomie des élevages.
Enfin, il est nécessaire de consolider l’avenir en structurant les programmes de recherche par un accompagnement ambitieux des pouvoirs publics, via FranceAgriMer, le Casdar ou l’Inra. Et en acquérant des références terrains avec les acteurs locaux que sont les collecteurs ou les chambres d’agricultures.
LD-LPM : Concernant la relance de la production de protéines végétales au niveau européen, êtes-vous de l’avis de la Fefac quand elle affirme que « les surfaces d’intérêt écologique proposées pour la nouvelle Pac constituent une piste intéressante » ?
A. H. : Je tiens tout d’abord à rappeler que la Politique agricole commune doit être le vecteur d’une agriculture productive. Nous ne pouvons accepter de “geler” 7 % de la surface française à des fins de sanctuarisation écologique. Les plantes à protéines sont des productions vertueuses à plusieurs titres et doivent avoir leur place dans une Pac privilégiant la durabilité des systèmes agricoles. En cela, le verdissement doit se positionner sur cette approche systémique.
LD-LPM : Afin de rendre les protéagineux plus attractifs pour les agriculteurs, la recherche de variétés plus productives et adaptées aux enjeux d’une agriculture durable vous paraît-elle un levier incontournable ?
A. H. : Les protéagineux sont au milieu du gué en termes de productivité. Le regain d’intérêt passe par leur compétitivité vis-à-vis d’autres cultures. Il est indispensable, qu’à côté des cotisations interprofessionnelles abondées par les acteurs de la filière, les pouvoirs publics et l’Europe apportent leur soutien. Nous sommes dans une dynamique de la recherche intéressante en matière de performances à venir pour les nouvelles variétés. Nous avons encore besoin d’un peu de temps. Ces quelques années devant nous constituent un cap difficile qui mérite d’être accompagné. L’enjeu est stratégique pour la robustesse de nos systèmes agricoles face aux défis environnementaux, comme la réduction des gaz à effet de serre, et économiques dans nos approvisionnements. Face à ces enjeux, je suis convaincu et déterminé sur l’avenir des protéagineux.