« Il faut qu’il pleuve très rapidement et de manière conséquente »
Partout en France, et même à l’échelle européenne, la vague de sécheresse associée aux fortes températures a commencé à amputer les rendements.
UN NOUVEL ÉTÉ 76 ?Avec une température supérieure de 4 degrés à la normale pour ce mois d’avril, le deuxième plus chaud depuis 1900 selon Météo France, cette année 2011 est comparable au spectre 1976. Il est encore trop tôt pour répondre à la question mais les inquiétudes ne sont pas infondées. La ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, s’est déclarée « vraiment inquiète ». « Ce mois d’avril est l’un des plus secs que nous ayons connu depuis 1959 et ça fait quatre mois que ça dure », a-t-elle déclaré, précisant : « Nous démarrons la saison estivale, ou presque, avec des nappes d’eau très basses, et une couche supérieure du sol extrêmement sèche, plus sèche encore qu’en avril 1976. » Côté cultures, de l’avis général, le potentiel est déjà entamé en blé, en orges, en avance d’une quinzaine de jours, mais aussi en colza
Les cultures de blé accusent le coup
Aucun chiffre précis n’est avancé pour l’instant, mais le potentiel de la production de céréales à paille et de colza sera entamé par les conditions météorologiques selon les organismes stockeurs des principales régions de production de grandes cultures françaises. « Même avec des conditions optimales pour les cultures dans les semaines à venir d’ici la récolte », atteste Jean-Paul Bordes, chef du département Recherche et développement d’Arvalis. Les températures fortes et la sécheresse ont considérablement perturbé le bon développement des cultures et persistent encore, sans espérance d’amélioration à court terme. Météo France ne prévoit pas debaisse des températures et le déficit pluviométrique est très important.
Les parcelles du nord de la France seraient plus exposées que dans le Sud du fait de précipitations moins importantes. « On constate des pertes d’épis au mètre carré », observe Christophe Possien, responsable de la Commercialisation chez Valfrance. En raison de la précocité, des parcelles sous la Loire ont un besoin d’eau encore plus urgent. « A moins que des pluies ne tombent d’ici une dizaine de jours, les cultures de céréales au sud de la Loire seront sévèrement touchées », estime Pierre Toussaint, directeur Collecte chez Axereal. Au nord de la Loire, les parcelles pourront attendre davantage mais « guère plus d’une quinzaine de jours ». En Champagne aussi, « même dans les parcelles non séchantes, des symptômes alarmants comme le jaunissement des feuilles sont observés », explique Jean-Luc Jonet de Champagne Céréales.
Selon les régions et les sources, des baisses de rendement sont estimées entre 5 et 40 %, les chiffres pour l’instant très hypothétiques qui montrent l’incertitude mais aussi la forte hétérogénéité de l’état des cultures sur le territoire national.
Double peine pour les orges de printemps
En orges de printemps, « les difficultés ont commencé dès les semis. Tous les niveaux de formation du rendement ont été touchés », explique Jean-Paul Bordes d’Arvalis. C’est la culture qui a le plus souffert des conditions météorologiques, avec des difficultés rencontrées dès l’ensemencement qui se sont poursuivies avec un déficit hydrique précoce, des températures trop hautes et « depuis une dizaine de jours le constat de symptômes de dégénération », selon Jean-Luc Jonet de Champagne Céréales. En plus des pertes possibles, les opérateurs craignent un déclassement des orges de brasserie, qui pourraient être trop chargées en protéine, en fourragères.
Attention au risque maladie
La baisse des rendements n’est pas la seule conséquence des caprices de la météo actuelle. Le risque maladie demeure et s’accentue. « La situation est propice à l’oïdium », selon Jean-Paul Bordes. Des rouilles ont également fait leur apparition compte tenu des fortes températures propices à leur développement, mais le manque de pluie permet pour l’instant de bloquer l’évolution en septoriose. Toutefois, les pluies, qui restent très attendues, pourraient l’activer, notamment en cas de fortes précipitations.
Le colza n’est pas épargné
Même si la situation semblait moins critique pour les surfaces de colza, le Cetiom table sur des rendements en baisse. Le manque de précipitations pourrait avoir de lourdes répercussions sur le remplissage alors que la floraison s’était bien passée globalement. Dans le Nord et l’Est du pays, « on s’achemine vers une accentuation des contrastes » avec un potentiel entamé suivant les terres et l’enracinement : d’un côté un « potentiel bien entamé » et de l’autre des cultures qui peuvent encore être sauvées si les pluies arrivent rapidement. Dans le centre de la France, le Cetiom rapporte « des colzas complètement défleuris ». Dans le Sud, le remplissage des grains a commencé, et se poursuit en fonction des précipitations déterminantes pour cette étape. Enfin, dans la partie ouest du pays, « les parcelles à bon potentiel sont encore très majoritaires (…) mais le retour des pluies se fait attendre surtout au nord Loire avec parfois des situations critiques », note le Cetiom.