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Des solutions pour la filière luzerne

En marge de l’assemblée de section de Coop de France déshydratation qui aura lieu le 13 novembre, les luzerniers cherchent de nouveaux axes nécessaires à la pérennisation d’une filière incontournable et pourtant menacée

PLANTE fixatrice d’azote, nécessitant un minimum d’intrants, enrichissant les sols, rentable dans les assolements sur le moyen terme… la luzerne déshydratée présente de nombreuses vertus agro-environnementales, et pourtant, « on prévoit des emblavements en baisse à hauteur de 5% en moyenne », regrette Jean-Pol Verzeaux, président de Coop de France Déshydratation. Les surfaces françaises se sont érodées de 15 à 20% en l’espace de trois ans. Ce phénomène touche l’ensemble des pays producteurs européens. Or, tous les aspects positifs liés au développement durable sont réunis – ils rejoignent tout à fait les conclusions du Grenelle de l’Environnement, surtout si l’on se focalise sur le plan de réduction des pesticides de moitié en dix ans –, mais la tendance générale va à l’encontre de ces objectifs. Il faut dire que les planteurs de luzerne « sont un peu traumatisés depuis l’application de la réforme de la Pac effective depuis 2006 », rappelle Jean-Pol Verzeaux. Auparavant, les usines de déshydratation bénéficiaient d’une aide de 68 euro/ha, tandis que qu’elles n’en touchent plus que 33 euro/t actuellement (réforme de l’OCM). L’agriculteur perçoit quant à lui 37 à 38 euros, calculés sur base historique. La tentation est grande de produire plus de céréales, encore couplées à 25%, et dont les prix sont potentiellement plus rémunérateurs…

Des moyens pour enrayer la baisse de production

« Pour être plus compétitif, nous essayons de rationaliser au mieux l’implantation de nos usines », poursuit Jean-Pol Verzeaux, de sorte d’atteindre une « saturation industrielle », nécessaire à la rentabilité des entreprises. C’est une des solutions envisagées par les acteurs de la filière, sachant qu’une nouvelle baisse de production s’avèrera « difficilement gérable pour les entreprises ». Sans oublier que la pérennisation de cette activité de déshydratation est « très importante en termes d’aménagement du territoire ». En Champagne-Ardenne, première région productrice de luzerne, les usines de déshydratation constituent le « troisième employeur, derrière Peugeot et Champagne Céréales ». Avec une croissance démographique négative dans cette zone française, l’ancrage des unités de déshydratation est essentiel pour limiter ce phénomène (750 emplois directs et autant d’emplois indirects sont concernés).

Une unité de recherche et développement a par ailleurs été financée en partie par les déshydrateurs dans le cadre des recherches du pôle ARD de Bazancourt. La filière travaille ainsi sur les concentrés protéiques pour les animaux et la mise au point d’un concentré protéique pour l’alimentation humaine. Même si ce dernier débouché est encore à construire, Serge Faller, directeur général de Désialis, espère que la demande d’autorisation de mise en marché, longue dans le processus, aboutira l’année prochaine. « Il faut développer cette voie », insiste-t-il. « Aujourd’hui, on a le marché devant nous. Tout le monde en cherche ! Mais on manque de luzerne. La demande se développe au Maroc et au Japon, et on ne peut plus assurer les débouchés », déplore-t-il. Le débouché alimentation humaine permettrait de payer aux agriculteurs deux à trois fois le prix du débouché alimentation animale actuel. De quoi faire réfléchir.

En partenariat avec ARD, la filière travaille également sur les économies d’énergie. Elles commencent au champ avec plus de séchage par le soleil. Les techniques de pré-fanage permettraient également d’économiser du séchage industriel (5 points d’humidité en moins, c’est un gain de 20 à 25% d’énergie). « Fin 2008, on va pouvoir divulguer la pratique du pré-fanage », assure Jean-Pol Verzeaux. Et cette technique ne provoque pas de perte en taux de protéines. Au stade industriel, en substitution du charbon encore largement usité (malgré une baisse de l’utilisation de 30% en 40 ans, cela reste le point faible pour la filière), des voies restent à explorer, comme l’utilisation de plaquettes de bois en tant que combustible (exemple de la SIDESUP, cf. La Dépêche n°3697) ou encore de biogaz (exemple de la CODEMA, dernière entreprise créée en 1995 pour les propres besoins d’éleveurs laitiers). Le principal frein actuel reste que la logistique doit être organisée pour avoir la ressource en continu.

Plus largement, « il faut développer notre production de luzerne », car non seulement il y a une demande en face, mais parce qu’on « ne peut pas tout miser sur le Brésil pour nos apports en protéines » s’inquiète Serge Faller. Les stocks de soja baissent au niveau mondial. Les récents aléas climatiques survenus au Brésil et les méfaits d’une intensification poussée des cultures montrent à quel point les productions sont vulnérables. Une solution majeure ? « Repenser la Pac », insiste Serge Faller, pour éviter les distorsions de concurrence. Espérons que les décisions politiques pour la prochaine réforme de la Pac iront dans un sens plus « équitable ». C’est en tout cas le souhait de Michel Barnier, ministre de l’Agriculture.

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