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Blé dur - Il faut sauver le soldat Port-la-Nouvelle !

L’installation portuaire de Port-la-Nouvelle pourrait exporter moins de 100 000 tonnes de céréales en 2022-2023, incluant une très grande majorité de blé dur. Pourtant, de nombreux pays auraient besoin des graines françaises.

Le port de Port-la-Nouvelle concentre son activité grains sur l’exportation de blé dur.
© Silos du Sud

La situation de l’activité «expédition» de céréales et de blé dur du site portuaire de Port-la-Nouvelle (Aude) inquiète les intervenants présents à la journée blé dur, organisée par Arvalis-Institut du végétal le 1er février 2023 à Labège (Haute-Garonne). Le constat dressé par Vincent Bondon, directeur de la société Silos du Sud, gérant trois silos portuaires de grains (capacité de stockage de 75 000 t), est implacable : les exportations sont en chute libre depuis plus de 11 ans, passant de 730 000 tonnes lors de la campagne commerciale 2010-2011 (950 000 t toutes céréales confondues) à seulement… 140 000 tonnes en 2021-2022 (voir graphique). « La part du blé tendre décline depuis 2017-2018, l’orge a disparu depuis 2019-2020. Le blé dur occupe la très grande majorité de notre activité », commente le directeur.

 

 

Presque plus d’exportations vers l’Afrique du Nord

Habituellement, le port de Port-la-Nouvelle approvisionne en céréales certains pays du bassin méditerranéen, à savoir l’Algérie, l’Égypte, le Maroc, la Tunisie, l’Italie, la Grèce et Chypre. « Mais nous n’exportons presque plus rien vers l’Afrique du Nord. La destination principale est l’Italie, suivie de la Grèce, et un petit peu vers Chypre. Il y a encore deux ans, nous chargions des bateaux pour Panzani à Marseille », relate Vincent Bondon. Conséquence : les installations portuaires expédieraient en 2022-2023 des volumes inférieurs à 100 000 tonnes.

Les raisons de cet étiolement des expéditions de grains du site sont multiples. Le recul de la production française de blé dur ces dernières années, principale source d’activité céréales du port, est un premier élément d’explication : moins de production signifie moins de volumes à exporter. En 2010-2011, l’Hexagone produisait aux alentours de 2,5 millions de tonnes (Mt), sur 500 000 hectares. En 2022-2023, la superficie dégringole à 244 000 hectares, pour 1,34 Mt, d’après Agreste (service des statistiques du ministère de l’Agriculture). En 2023-2024, la surface tomberait à 237 000 hectares, d’après Arvalis Institut du Végétal.

Autre explication : la dégradation du contexte logistique reliant le site portuaire aux régions éloignées. L’Occitanie est aujourd’hui le pourvoyeur presque exclusif en céréales de Port-la-Nouvelle. Mais cela n’a pas toujours été le cas. En 2010-2011, sur les 950 000 tonnes expédiées, environ 150 000 tonnes provenaient de la région Centre-Val de Loire, selon les données de Silos du Sud. « Des trains descendaient depuis le Centre-Val de Loire. Mais pour des raisons logistiques et de parité de transports, ils se sont arrêtés », regrette Vincent Bondon.

Aujourd’hui, les opérateurs français préfèrent travailler avec des clients de proximité, soit les semouliers locaux, les Espagnols et les Italiens, privilégiant donc le transport par camion. « Le sud de la France travaille en relations étroites avec une semoulerie locale et les débouchés trans-frontaliers que sont l’Italie et l’Espagne. Le flux export de Port-la-Nouvelle était la variable d’ajustement. Mais les surfaces baissent en Europe, notamment en Espagne, en Italie... qui ont donc davantage besoin des marchandises du sud de la France, et pesant sur l’activité portuaire», relate Nicolas Prévost, directeur commercial de Durum. Il précise que le nord de l’Italie est essentiellement approvisionné par camions, contrairement au Sud, qui importe presque totalement par navire. Un transfert de l’activité maritime vers le terrestre s’est ainsi opéré.

L’Algérie massifie ses achats, la Tunisie n’a pas d’argent...

Vient ensuite la demande des pays hors Union européenne. « L’Algérie était le partenaire privilégié de Port-la-Nouvelle il y a quelques années », rappelle Patrick Jouannic, chargé du commerce de blé dur de Soufflet - Invivo. Mais depuis août 2021, les opérateurs privés algériens ne peuvent plus importer, et la tâche incombe désormais intégralement à l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC). Le négociant rappelle que l’organisme public s’oriente vers une massification des achats, et privilégie donc les gros navires, allant jusqu’au Panamax de 60 000 tonnes. Or, Port-la-Nouvelle ne peut fournir que des bateaux plus petits, soit 13 000 tonnes.

Le Maroc, quant à lui, peut recevoir les navires en provenance des installations audoises. Mais « il préfère pour l’instant les origines canadiennes », selon Patrick Jouannic. La Tunisie a, de son côté, de grosses difficultés financières, laissant les exportateurs sceptiques quant à sa solvabilité. « Je pourrai citer quasiment tous les pays du pourtour méditerranéen, qui sont les destinations de Port-la-Nouvelle. Mais aujourd’hui, ils sont fermés », se désole-t-il.

Des espoirs subsistent néanmoins. Les pays européens et mondiaux sont demandeurs, sachant que l’offre est sous tension (voir encadré). Et dans un contexte de besoin croissant de transition écologique, les intervenants espèrent que de nouveaux débouchés surviendront. Par exemple, un intérêt italien pour du blé dur à plus faible taux de protéines, car issu d’une production moins gourmande en azote. « Nous travaillons avec des semouliers français, espagnols… sur la création de filières de qualité, valorisant la traçabilité de nos pratiques… que l’on pourra promouvoir à l’export, sachant que le transport maritime est moins émetteur en gaz à effet de serre. Techniquement, cela est possible, l’outil de Port-la-Nouvelle étant de qualité », indique Nicolas Prévost.

Les pays d’Afrique du Nord pourraient également être tentés par un blé dur provenant de filières qualité ou de segments de marché différents, (Zéro de résidu de pesticide, réduction de l’empreinte carbone…), d’après les experts présents à la journée blé dur. « Attention, nous avons des pays très attentifs aux prix de l’autre côté de la Méditerranée, n’ayant pas le niveau de vie européen. Il sera difficile de mettre en place des filières comme en Europe pour ces régions. Peut-être que des blés moins qualitatifs, avec des taux de protéines plus faibles, mais avec des prix plus bas, trouveront preneurs », tempère Patrick Jouannic.

Ensuite, le marché privé algérien rouvrira peut-être ses portes. « Cela redynamiserait le bateau en Algérie. Par ailleurs, les autres pays sont susceptibles de revenir », espère Patrick Jouannic.

Les débouchés d’avenir sont là, mais ne sont pas forcément des solutions à court terme. Et la filière blé dur et le site de Port-la-Nouvelle ont des besoins urgents.

 

 

Un marché mondial et européen toujours tendu en 2022-2023

Malgré le retour du Canada, le marché mondial et européen du blé dur restera tendu jusqu’à juin 2023, selon les perspectives d’Arvalis-Institut du végétal et Stratégie Grains. Les stocks de fin de campagne commerciale 2022-2023 de l’Union européenne sont attendus à seulement un peu plus de 1 Mt, certes en hausse par rapport à 2021-2022 (700 000 t environ), mais contre 1,3 Mt en 2020-2021. Les stocks dans le monde atteindraient seulement 8 Mt, un plus bas depuis 15 ans, avec un ratio stocks/consommation de 24 %, contre 31 % en moyenne d’habitude.

 

 

 

 

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