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Nutrition animale – biocarburants
Afflux de sources protéiques d’ici 2010

L’essor des biocarburants va générer un flot de matières premières pour l’alimentation animale. Le Sommet du végétal a souhaité faire le point 

LES FABRICANTS d’aliments composés, trait d’union entre les productions végétales et l’élevage, premiers consommateurs de céréales et importants utilisateurs de co-produits oléagineux, n’ont pas été oubliés lors du premier Sommet du végétal. Ce grand rassemblement visant à tracer les perspectives d’avenir pour l’ensemble des grandes cultures (cf. article page 16) s’est penché sur l’impact de la montée en puissance des biocarburants sur le marché de l’alimentation animale. À l’échéance 2010, le surplus de matières premières serait de 13 % par rapport à ce que les Fabs ont consommé en 2005. Les disponibilités en tourteaux de colza (1,5 Mt aujourd’hui), devraient doubler d’ici quatre ans et celles de drêches de céréales passer de 100.000 t à 700.000 t. L’offre de tourteaux de tournesol progresserait de 600.000 t à près d’1 Mt et celle de pulpes se situerait à 700.000 t, contre 300.000 t utilisées actuellement. Reste à savoir si la consommation sera en mesure de les absorber, sachant que leur attrait dépend en grande partie de leur qualité nutritionnelle.

De quoi réduire la dépendance protéique

Par manque de disponibilités, l’UE est contrainte d’importer 20 % des matières utilisées en alimentation animale, essentiellement des denrées riches en protéines. Sa production en la matière ne couvre en effet que 25 % de ses besoins. Elle se retrouve alors dépendante de l’Amérique du Sud qui lui fournit des tourteaux de soja. Or l’industrie des biocarburants sera vecteur de nouvelles sources de protéines. Bien qu’issus de matières premières très différentes, les tourteaux, générés par les usines de biodiesel, et les drêches de céréales, produites par les sites de fabrication de bioéthanol, sont proches en termes d’apports nutritionnels, puisqu’ils sont tous deux des “concentrés de protéines” obtenus en ôtant les constituants énergétiques – huile pour les premiers et amidon pour les secondes – de la graine d’origine. Les taux protéiques des tourteaux de colza et des drêches sont en effet assez similaires (35 % pour le tourteau de colza), à l’exception de ceux de maïs qui s’avèrent moins riches.

Compte tenu du défaut de ressources protéiques, les intervenants considèrent qu’une large partie des co-produits de l’industrie des biocarburants attendus en 2010 devrait trouver preneurs. Le potentiel d’absorption se ferait surtout aux dépens du tourteau de soja, mais également de ceux de tournesol (29 % de protéines), des céréales et des issues de meunerie.

En 2004, la production de tourteaux en France n’a couvert que 26 % des besoins nationaux, contraignant le pays à importer le reste. D’après les estimations de Cereopa (Centre d’études et de recherches sur l’organisation des productions animales), en 2010, 1,8 Mt de tourteaux issus de l’industrie des biocarburants devraient arriver sur le marché. Les Fabs français, qui ont utilisé 1 Mt de tourteaux de colza en 2005, seraient, selon les prévisions, en mesure d’assimiler 1 Mt supplémentaires si son taux d’incorporation dans les aliments bovins atteignait 40 %, et 200.000 t de plus si le prix diminuait de 10 %, du fait de sa plus grande disponibilité. Car il faut garder à l’esprit que les matières premières représentent 75 à 85 % du coût total d’un aliment. Même si ce critère n’est plus essentiel dans les choix des Fabs, qui ont d’autres exigences, le prix des denrées, et surtout son différentiel par rapport aux tourteaux de soja, sera déterminant dans l’évolution des taux d’incorporation. L’utilisation de tourteaux de colza à la ferme progresserait également, passant de 500.000 t à 800.000 t. L’accroissement du recours à ce tourteau suppose néanmoins, selon Vincent Lemoine, responsable formulation chez Sanders, que celui-ci soit exempt de salmonelles. Et le secteur industriel d’assurer qu’il s’efforcera de garantir aux fabricants qualité bactérienne, digestibilité et homogénéité. Des paramètres essentiels à l’utilisation de tous ces nouveaux “ingrédients”. La logistique jouera aussi un rôle de premier ordre dans la mise en place de ces nouveaux débouchés. Saipol prévoit ainsi de mettre en place des stockages intermédiaires entre zones de trituration et bassins d’élevage pour faciliter l’accessibilité des produits.

Le taux protéique des drêches varie selon les procédés de fabrication

La fabrication de bioéthanol générera 1 Mt de pulpes de betterave et de drêches de céréales. L’utilisation de ces produits suppose aussi de bien connaître leur profil nutritionnel. Or les teneurs en protéines des drêches varient selon le process industriel dont elles sont issues. Elles oscillent entre 23 et 40 %. Le site picard de Tereos, appliquant un procédé humide, génère un co-produit à 33,5 % de protéines, comme le rapporte le directeur Co-produits du groupe, Philippe Monceaux. Près de 25.000 t de drêches, présentées sous forme de granulés de 6 mm, sortent déjà de l’usine pilote de la société. Quelque 40 % sont incorporés par les fabricants d’aliments composés et 60 % utilisés en l’état. Cette répartition devrait être amenée à évoluer. L’utilisation industrielle passerait à 60 %, la consommation en l’état à 30 % et une filière export, à même d’absorber 10 % des volumes, se mettrait en place. Sur la base de ces ratios, ce débouché devrait assurer 15 à 20 % du chiffre d’affaires du site Tereos de Lillebonne, qui devrait traiter 850.000 t de blé et ainsi produire 300.000 t de drêches. Pour les pulpes de betterave, le marché français est déjà excédentaire et en partie tourné vers l’export. Philippe Monceaux n’entrevoit pas de débouché supplémentaire pour ce surplus qui devrait remplacer le quota de sucre C amené à se restreindre.

Les habitudes des utilisateurs devraient alors évoluer. Refroidis par des cahiers des charges contraignants, et parfois inutilement restrictifs, ou la méconnaissance de l’appétence de ces matières premières en interaction, certains industriels pourraient hésiter à incorporer massivement ces produits, relève Vincent Lemoine. Autres incertitudes qui conditionneront l’essor de ces débouchés : le développement de ces co-produits en Allemagne et aux États-Unis qui pourrait engendrer d’éventuelles importations. La potentielle baisse des prix des tourteaux de soja importés, consécutive à l’accroissement de la concurrence sur le marché européen, pourrait également mettre à mal la valorisation des co-produits.

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