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Vers un colza moins gourmand en intrants

Herbicides, fongicides, insecticides, azote... Le colza est un gros consommateur d’intrants. Il doit corriger le tir, notamment pour que le biodiesel tiré de son huile reste considéré véritablement comme une énergie renouvelable.

Le colza est condamné à faire mieux sur le plan environnemental. Son bilan d’émission de gaz à effet de serre est plombé par sa forte consommation d’engrais azoté, ce qui doit être corrigé au regard de la filière agrocarburant. Et parmi les grandes cultures, le colza est celui qui est le plus dépendant des pesticides après la pomme de terre. « Les calculs réalisés en 2006 ont chiffré l’indice de fréquence de traitement (IFT) du colza à 6,1 contre 3,8 à l’ensemble des grandes cultures, rapporte Muriel Valantin-Morison, Inra de Grignon. Alors qu’il occupe 12 % des surfaces de grandes cultures, le colza représente 19 % des utilisations de produits phytosanitaires. » Herbicides, fongicides, insecticides, antilimaces, régulateurs : tout y passe sur le colza.Des agriculteurs réussissent néanmoins à réduire de façon significative sa dépendance aux intrants. À Coudres dans l’Eure, Jean-Bernard Lozier fait son credo d’être le moins dépendant possible des intrants extérieurs pour ses 79 hectares où le colza occupe de 15 à 20 % de la sole. « En 2000, mes motivations étaient économiques. Elles sont devenues environnementales en plus. » Orges d’hiver et de printemps, blé tendre, pois de printemps, lin textile et colza : toutes les cultures sont au régime minceur sur les phytosanitaires. L’IFT global n’était que de 2,14 en 2012. Le colza est presque toujours la culture la plus phyto-dépendante avec un IFT variant de 2,25 (2012) à 4,38 en 2013. Mais cela reste en deçà de la référence régionale qui se situe aux alentours de 6.


SEMIS PRÉCOCE POUR UN COLZA FORT


La chasse aux intrants superflus commence au semis. « Je le réalise aux alentours de la mi-août, une date précoce dans la région, pour permettre un démarrage rapide du colza, explique Jean- Bernard Lozier.Mais pour cela, il lui faut suffisamment d’azote. Dans la rotation, je place donc le colza après le pois. » Muriel Valantin-Morison justifie la démarche : « L’idée est de produire un colza vigoureux à l’automne, suffisamment pour supporter les attaques de limaces et d’insectes. » Du reste, l’agriculteur n’utilise plus d’insecticide à l’automne, ni d’antilimace sauf en 2012 où le semis fut trop tardif (30 août). Qu’en est-il des herbicides ? « Ce colza semé tôt doit produire une végétation couvrant tout le sol pour étouffer les mauvaises herbes », souligne la spécialiste de l’Inra. La stratégie ne fonctionne pas à tous les coups mais les désherbages chimiques sont globalement allégés quand ils ne sont pas purement et simplement annulés chez Jean-Bernard Lozier comme ce fut le cas sur la campagne 2011-2012. Le colza ne revient que tous les six ans dans sa rotation type, ce qui est une manière de réduire l’impact des bioagresseurs spécifiques à cette culture. Muriel Valantin-Morison tient à resituer le contexte : « l’avancement de la date de semis est valable pour les situations où il y a beaucoup d’azote, dans des régions d’élevage par exemple ou avec une légumineuse comme précédent, prévient-elle. La stratégie fonctionne d’autant mieux quand les sols sont profonds. » C’est le cas dans les environs de Coudres avec des limons moyens de 60 centimètres de profondeur. Le potentiel de développement du colza s’y exprime à plein. Mais il ne faut pas oublier de soigner son choix de variétés, en particulier sur le caractère de faible sensibilité à l’élongation automnale. « C’est une obligation avec le semis précoce. J’utilise la variété Alpaga qui présente en plus un bon profil de tolérance aux maladies », précise Jean-Bernard Lozier. En outre, la variété de colza ne doit pas être trop sensible au gel.


RISQUES MINIMUM AU PRINTEMPS


La biomasse produite en sortie d’hiver pèsera sur la fourniture d’azote avec des économies à la clé. Mais en ce qui concerne les traitements de printemps, le producteur ne prend pas de risque. « Avec un traitement insecticide unique, je vise le charançon de la tige, un ravageur qui peut avoir un fort impact sur la culture et dont il est difficile de prédire l’importance sur une parcelle. En revanche, je ne fais plus de traitements spécifiques contre les méligèthes. » Contre ces derniers, il existe diverses options permettant de s’affranchir de traitements spécifiques (1). Et en ce qui concerne la protection contre les maladies ? « Je réalise systématiquement une application fongicide contre le sclérotinia même si je sais que la maladie n’est pas présente tous les ans. L’outil d’aide à la décision que j’avais utilisé une année a été défaillant. La prévision de la maladie n’est guère fiable pour le moment. » Avec cette stratégie de bas niveau d’intrants, Jean-Bernard Lozier n’a pas l’impression de diminuer ses marges, au contraire. Les charges opérationnelles sont nettement réduites, ses rendements peuvent dépasser les 40 quintaux à l’hectare et les marges restent comparables à celles de productions conventionnelles.


DES MARGES INCHANGÉES MAIS UN RENDEMENT RÉDUIT


Dans le cadre du projet Picoblé (2), une comparaison a été réalisée sur 17 essais réalisés chez des agriculteurs testeurs de diverses régions entre des itinéraires de culture (ITK) classiques (témoins) et innovants (avec réduction d’intrants). « La comparaison des ITK innovants par rapport aux ITK témoins montre une baisse moyenne de l’IFT de 40 %, une réduction des charges de produits phytosanitaires de 50 % et pas d’affectation de la marge de l’agriculteur sur la base d’un prix du colza à 300 euros la tonne (situation de 2010), rapporte Muriel Valantin-Morison. Mais avec un prix de 500 euros la tonne que l’on a connu courant 2012, la différence est en faveur des itinéraires classiques. Car il y a un hic : avec l’ITK innovant, le rendement moyen est réduit de 10 % dans la série d’essais. Un aspect qui n’amène pas la filière aval à encourager les productions à bas niveaux d’intrants.


(1) Voir Réussir Grandes Cultures n° 270, juin 2013, page 40.


(2) Protection intégrée des rotations avec colza et blé tendre.

CHIFFRES CLES


7,3: c’est le nombre moyen de traitements à l’hectare sur colza (ou IFT) en 2011, soit un peu plus qu’en 2006 (6,1).


Le chiffre se décompose en 2,4 traitements herbicides, 2,4 fongicides, 2,5 insecticides, 0,3 antilimaces et 0,1 régulateur.


Des IFT de 6,8 à 8,2 selon les régions au Nord de la Loire. L’IFT sur colza dépasse 8 en Champagne- Ardennes, en Lorraine et en Franche-Comté.


De 2,4 à 6 : sur les autres cultures, l’IFT est inférieur à celui du colza avec 5,8 pour le blé tendre, 6 pour le pois, 2,4 pour le tournesol, 3,2 pour le maïs grain.

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