Couverts d’interculture : quand faut-il les détruire ?
Plusieurs critères sont à prendre en compte pour détruire son couvert d’interculture à la bonne période, en entrée ou en sortie d’hiver : espèces présentes, type de sol ou culture suivante. Objectif : bénéficier des avantages du couvert sans perturber la rotation.
La date de destruction d’un couvert ne se choisit pas au hasard. Il faut lui laisser le temps de jouer pleinement son rôle : piégeage de nitrates et de carbone, lutte contre l’érosion… Il s’agit aussi d’éviter un effet dépressif sur la culture suivante, en préservant la disponibilité en eau et en azote du sol et sans gêner son implantation. « La destruction du couvert doit se raisonner en tenant compte de son rapport C/N (carbone sur azote), qui est très dépendant des espèces présentes et de leur niveau de développement », indique Bastien Boquet d’Agro-Transfert.
« Cette année, les agriculteurs qui ont semé très tôt ont bénéficié d’une météo favorable au développement des couverts. Le rapport C/N pourra être élevé en début d’hiver, notamment s’il s’agit de couverts de crucifères, une destruction précoce sera alors recommandée, indique-t-il. Les couverts semés plus tardivement, vers la mi-septembre, ne feront pas plus de 15 à 20 centimètres en fin d’année, avec un rapport C/N assez bas. Selon les espèces présentes et le type de sol, il sera possible de détruire en sortie d’hiver. »
Les couverts ligneux doivent être détruits tôt
Le comportement des espèces présentes est un facteur de décision important. « Les crucifères type moutarde, radis ou navette, certaines composées comme le tournesol ou le niger, des graminées estivales tels que du sorgho ou du moha, sont des plantes qui vont lignifier pendant l’hiver », illustre Jérôme Labreuche d’Arvalis. Leur rapport C/N augmente vite à l’approche de la floraison. Il faut donc les détruire tôt car le sol n’aura pas la capacité de digérer rapidement et facilement leurs résidus. « Trop de biomasse lignifiée, c’est une partie plus importante de l’azote mobilisée pour dégrader la matière carbonée, ce qui peut être préjudiciable pour la suite », complète Matthieu Abella de Terres Inovia. Généralement, on détruira ce type de couvert au moins deux mois avant le semis de la culture de printemps.
Les règles sont un peu différentes pour des couverts riches en légumineuses ou en mélanges avec des graminées. Une destruction en sortie d’hiver sera possible, parfois jusqu’à un mois, voire trois semaines avant le semis de la culture suivante. La présence de légumineuses augmente la restitution d’azote pour la culture suivante et les autres espèces du mélange limitent le risque de lessivage, indique Jérôme Labreuche. Les essais réalisés par Agro-Transfert ont montré que détruire ce type de couvert en sortie d’hiver n’avait pas d’impact négatif sur le rendement ni sur la disponibilité en eau pour la culture suivante et que cela limitait aussi l’évapotranspiration au début du printemps. « On pourra retarder la destruction de mélanges constitués de légumineuses en gardant toutefois en tête qu’en climat sec leur consommation d’eau peut diminuer la réserve utile du sol et pénaliser la culture suivante », nuance Jérôme Labreuche.
Une destruction d’entrée d’hiver obligatoire en sol argileux
Les conditions de travail du sol sont un autre point important à prendre en compte. Il faut observer la consistance du sol, son humidité, sa portance pour ne pas dégrader la structure et perdre les bénéfices des couverts. En sol argileux, les destructions de début d’hiver (mi-novembre) offrent des créneaux pour intervenir en bonnes conditions, sans altérer la structure du sol. Sur des sols intermédiaires, des limons argileux, des argilo-calcaires, et plus encore sur des limons sains ou des sables, il y a davantage de marge de manœuvre et on peut attendre la sortie d’hiver, février voire début mars, si la culture suivante le permet.
La gestion du couvert se raisonne aussi en fonction des pratiques de travail du sol. « Si on laboure, la destruction devra être précoce, en novembre ou décembre. Si on ne laboure pas, on peut maintenir le couvert plus longtemps », explique Bastien Boquet. Ainsi, en cas de labour, on va plutôt semer une moutarde ou un mélange radis et vesce, qui semé tôt, sera en fleurs assez précocement et pourra être détruit avant décembre.
Tenir compte de la culture qui suit
Il faut trouver le bon compromis entre l’obtention des bénéfices que l’on recherche et la réussite de l’implantation de la culture suivante. « Avant des orges de printemps, des pois, des betteraves à sucre, des pommes de terre, du lin, il est conseillé de détruire tôt pour permettre les travaux de préparation des sols avant l’hiver », estime Jérôme Labreuche. Les dates préconisées vont de la mi-novembre à la mi-décembre. Avant des cultures type maïs, tournesol ou soja, il sera possible de détruire plus tard, jusqu’à début mars en sols de limons sains et de sables, et début février en cas de non-labour sur des limons argileux ou des argilo-calcaires. En sols argileux, quelle que soit la culture qui suit, on détruira avant la fin de l’année.
À SAVOIR
Le rapport carbone sur azote (C/N) est un indicateur de la capacité d’un produit organique (plante ou amendement) à se décomposer. Lorsqu’une plante ou un amendement organique est déposé au sol, il est dégradé par les micro-organismes, qui ont besoin d’azote. Si le C/N est élevé (supérieur à 25), cela signifie qu’il y a trop de carbone par rapport à l’azote. Les micro-organismes vont alors consommer de l’azote du sol pour dégrader la matière organique. À l’inverse, si le C/N est inférieur à 25, les micro-organismes vont libérer de l’azote qui sera à disposition des cultures.
Que dit la réglementation sur les dates de destruction ?
L’obligation de couverture des sols en hiver s’inscrit dans le cadre de la conditionnalité des aides de la PAC à travers la BCAE 6. Cette obligation, qui couvre les intercultures longues, concerne toute parcelle agricole en terres arables, mais diffère la localisation de celle-ci, en zone vulnérable ou non. Dans le premier cas, c’est la directive nitrates qui s’applique et le couvert doit être présent deux mois minimum. Les dates limites d’implantation sont fixées dans chaque département par arrêté préfectoral. Par contre, hors zone vulnérable, le couvert doit être présent six semaines minimum entre le 1er septembre et le 30 novembre. Implanter un couvert peut aussi s’inscrire dans le cadre d’une autre mesure de la conditionnalité, la BCAE 7 (rotation des cultures). Celle-ci impose en cas de monoculture, une culture secondaire qui doit être présente entre le 15 novembre et le 15 février.