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Un classement des sols pour mettre tout le monde d’accord

Pour les projets d’aménagements fonciers, le département du Haut-Rhin a adopté une méthode scientifique de classement des terres basée sur leur étude pédologique. Une façon de rendre ce classement « incontestable ».

Des recours auprès des tribunaux administratifs à n’en plus finir : c’est ainsi que peut déraper un processus d’aménagement foncier si le classement des terres et leur redistribution qui s’ensuit n’ont pas été faits de manière rigoureuse et transparente. « L’aménagement foncier est un outil d’aménagement du territoire ayant notamment pour objectif l’amélioration des conditions d’exploitation des propriétés agricoles et forestières, par le biais d’une restructuration parcellaire, précise Mireille Hurst, chef d'unité d'aménagement foncier au Conseil départemental du Haut-Rhin. Depuis le 1er janvier 2006, il relève de la compétence obligatoire des départements. Une telle procédure signifie donc une nouvelle répartition des terres dans un périmètre défini. On tient compte de la valeur de productivité des terres qui est exprimée en nombre de points. En appliquant des règles d'équivalence, chaque propriétaire qui apporte une surface de terre doit la retrouver à 1 % près le nombre de ses points d'apport et à 10 % près sa surface d'apport. » Ces procédures de classement des terres relèvent de la jurisprudence en France et ne sont pas définies dans des textes législatifs.

Pour limiter les contestations relatives à la valeur des sols, le département du Haut-Rhin a mis en place une action originale en France en faisant appel à une étude pédologique pour le classement. Le dispositif est innovant. « Habituellement, le classement se fait sur la base d’une valeur de productivité réelle constatée. Propriétaires, exploitants agricoles et géomètres se rendent sur le terrain pour confronter le rendement de leurs parcelles. Une cartographie des valeurs des terres sur le périmètre d’aménagement est alors réalisée à partir de ces données », explique Mireille Hurst. Mais avec ce type de raisonnement, l’évaluation de la productivité d’une parcelle dépend de la façon de travailler de l’agriculteur, ce qui apporte un biais à la réelle valeur liée au sol. « Par ailleurs, en analysant d'anciens plans de classement des terres, nous nous sommes aperçus que l’éloignement d’une terre par rapport au village pesait sur sa valeur de productivité, un paramètre qui date des premiers remembrements, époque où les déplacements se faisaient souvent à cheval, relate Mireille Hurst. Ces approches subjectives de la valeur des terres donnaient lieu à de nombreuses contestations. Pour éviter ces écueils, il nous a semblé nécessaire d’apporter une base scientifique à la valeur des terres, d’où le recours à des études pédologiques. » Plus objective, la méthode évite également les risques d’ententes entre propriétaires sur des valeurs minorées ou majorées de parcelles.

Aucun recours au tribunal administratif

La démarche du Haut-Rhin s’est inspirée de ce qui existe en Allemagne et en Belgique, où le classement des sols avec études pédologiques est rendu obligatoire par la loi dans le cadre d’aménagements fonciers.

Dans le Haut-Rhin, le classement a été réalisé sur une zone de 2200 hectares de terres agricoles et forestières concernant plus de 1500 propriétaires dont des agriculteurs. Il s’agissait d’un projet de réalisation de ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV Rhin-Rhône) pour 2030. Après appel d’offres du Conseil départemental, le bureau d’études Sol Conseil a été commandité pour l’étude pédologique qui a abouti à sept classes de terres (voir encadré).

« Nos commissions communales d’aménagement foncier ont validé ce classement et se sont approprié les données. Ces cartes de classement ont été mises à disposition du public et les exploitants agricoles étaient d’accord sur le fait que les résultats étaient probants, affirme Mireille Hurst. Par ailleurs, sur les opérations clôturées en 2015 qui ont fait appel à cette méthode dans notre département, il n’y a eu aucun recours au tribunal administratif. La base scientifique 'incontestable' a permis de faciliter le dialogue et d’établir une cartographie plus rapidement, avec moins de contestations et d’oppositions. »

Des freins politiques et financiers à une extension de la démarche

La démarche suivie dans le Haut-Rhin ne s’est pourtant pas étendue à d’autres départements français. Les freins peuvent être politiques et également financiers. L’étude pédologique a un coût : « entre 50 et 100 euros de l’hectare sur la zone des 2200 hectares », informe Jean-Paul Party, directeur du bureau d'études Sols Conseil. C’est une somme qui peut apparaître importante à sortir dès les premiers mois de l’opération mais les résultats de l’étude seront encore valables dans cinquante ans pour d’éventuels autres projets. »

Aujourd’hui, le Conseil départemental du Haut-Rhin est propriétaire des données de classement de sols. Elles peuvent être utilisées à d’autres fins que les aménagements fonciers. « Des agriculteurs en théorie peuvent avoir accès à ces informations sur les zonages qui ont fait l’objet de ces classements. Ils peuvent les utiliser pour les aider à déterminer une valeur à leurs terres, estime Jean-Paul Party. Mais en fait, peu d’exploitants agricoles sont sensibilisés à la connaissance des sols et de leur qualité qui font la valeur d’une parcelle. »

Près d’un carottage par hectare

« Sur six mois, nous avons réalisé environ 2000 carottages (un par hectare en gros) et un profil tous les 50 hectares en moyenne pour relever des caractéristiques du sol telles que la composition en limon, sable et argile, la profondeur, le taux de cailloux, l’excès d’eau… », détaille Jean-Paul Party, du bureau d'études Sols Conseil. Ce travail a permis d’aboutir au classement des sols. Des analyses de laboratoire ont apporté les informations supplémentaires sur le taux de matière organique, le taux de calcaire total. Sept classes de sol sont sorties de l’étude avec leur zonage cartographique sur les 2200 hectares de la zone à aménager. La classe 1 correspond aux sols de haute valeur tandis que les classes 4 à 7 englobent les terrains les plus caillouteux, les moins profonds ou les plus humides. Les valeurs étaient minorées en présence de facteurs engendrant une moindre productivité (lisières de bois, fortes pentes…).

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