Travaux agricoles : les questions à se poser avant de déléguer
Charges de mécanisation, main-d’œuvre, organisation personnelle… Plusieurs aspects sont à poser sur la table pour savoir si la délégation à une entreprise de travaux est une solution adaptée à son exploitation.
Charges de mécanisation, main-d’œuvre, organisation personnelle… Plusieurs aspects sont à poser sur la table pour savoir si la délégation à une entreprise de travaux est une solution adaptée à son exploitation.
La délégation de travaux s’impose peu à peu dans le paysage agricole et devient un outil incontournable pour optimiser l’organisation et les coûts à l’hectare d’une exploitation. Pour savoir quoi déléguer et dans quelle proportion, une réflexion s’impose. Taille et organisation de l’exploitation, main-d’œuvre disponible, niveau de charges, vie familiale, engagement syndical ou politique, pluriactivité… : plusieurs paramètres entrent en ligne de compte pour faire le bon choix.
« Les aspects humains sont à mettre au centre de la réflexion », considère Cyril Durand, conseiller d’entreprise au Cerfrance Alliance Centre. Cela commence par s’interroger sur le temps que l’on va pouvoir ou vouloir consacrer aux travaux des champs. « On est toujours meilleur dans ce que l’on fait si on le fait avec plaisir », note le conseiller. Déléguer un chantier pour lequel on a peu d’appétence peut permettre de gagner en efficience et, in fine, de réaliser des économies.
Bien estimer ses coûts et le temps passé
C’est en effet le nerf de la guerre : une fois cette dimension humaine appréhendée, place aux chiffres pour décider en toute objectivité et aller chercher des gains à l’hectare par rapport à une situation où l’on fait le chantier soi-même. L’objectif est d’établir la différence entre les coûts que l’on a à l’hectare (charges de mécanisation, intrants, main-d’œuvre, carburant…) et les gains potentiels liés à la délégation, puis de comparer avec le coût de la prestation réalisée par un entrepreneur.
« Attention à comparer ce qui est comparable en prenant en compte tous les coûts quand on se lance dans un comparatif entre délégation et réalisation du chantier par l’agriculteur », prévient Guillaume Legonidec, chargé des travaux agricoles et environnementaux à la Fédération nationale des entrepreneurs de territoire (FNEDT). Le coût de la main-d’œuvre est parfois sous-estimé si l’agriculteur ne prend pas en compte ses propres heures de travail ou s’il se base sur le barème d’entraide (dans lequel n’apparaît pas le coût de la main-d’œuvre).
Autre enjeu : le temps de travail pour réaliser un chantier est parfois lui aussi sous-estimé. « On peut avoir une mauvaise estimation si l’on ne s’en tient qu’au chantier, sans prendre en compte le temps de trajet pour aller jusqu’aux champs ou le nettoyage et l’entretien du matériel », précise Guillaume Legonidec.
Prendre en compte l’augmentation du prix du matériel
La stratégie d’achat du matériel doit aussi être mise dans la balance. Est-on prêt à ne plus avoir le matériel de récolte sur la ferme ? Pour s’affranchir de la dimension affective, cela passe par une mise à plat des charges de mécanisation. La décision de déléguer intervient souvent à l’occasion d'un renouvellement. La forte augmentation du coût du matériel (+ 30 % en deux ans) joue plutôt en faveur de la délégation de travaux puisqu’il est nécessaire d’effectuer plus d’hectares pour rentabiliser son investissement. « L’augmentation du coût du matériel est une menace économique pour les ETA mais une opportunité pour les agriculteurs, souligne Théo Zoutard, conseiller d’entreprise au Cerfrance Seine Normandie. Car les tarifs de prestations n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions que l’accroissement du coût du matériel. » En clair, les ETA ont diminué leurs marges.
Faire une étude de faisabilité pour évaluer les gains potentiels
Avant de mettre ses charges en face du prix d’une prestation, il peut être utile d’estimer les gains potentiels à l’hectare induit par la délégation de travaux.
La performance des machines détenues par les ETA est souvent supérieure à celle du parc des agriculteurs car elles sont renouvelées plus régulièrement. C’est d’ailleurs un atout que les ETA de prestations de services cherchent à mettre en avant face à une présence grandissante d’ETA d’agriculteurs qui proposent souvent des prix de prestations moins chers pour un service qui n’est pas forcément comparable (prix de la main-d’œuvre souvent non pris en compte notamment).
Le matériel plus performant peut permettre de faire des économies : moissonneuses-batteuses avec un meilleur débit de chantier, semoirs ou pulvérisateurs permettant d’ajuster les doses… « Dans le cadre d’une étude de faisabilité, cela peut se chiffrer concrètement, par exemple sur les économies d’achats d’intrants réalisées », estime Théo Zoutard. L’efficience des équipements dont disposent les ETA peut aussi jouer sur des aspects agronomiques comme la qualité du semis, la localisation des interventions ou le tassement des sols. « Ce sont des éléments moins mesurables mais à avoir en tête car ils peuvent se traduire par des gains de productivité », considère le conseiller.
Que valent les heures libérées ?
Par définition, la délégation libère du temps. Pour estimer si elle vaut le coup ou non, il faut prendre en compte la façon dont les heures libérées par la délégation vont être valorisées. « Les agriculteurs peuvent consacrer ce temps à une activité à forte valeur ajoutée comme un atelier d’élevage, de la transformation et de la vente directe ou encore de la pluriactivité », avance Théo Zoutard. Autant d’activités qui peuvent compenser ou même permettre de dégager une marge par rapport au prix d’une prestation d’entrepreneur. « La délégation est un outil pour adapter le projet de l’exploitation à son projet de vie », résume le conseiller.