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Transmission d'exploitation agricole : comment bien préparer une reprise hors cadre familial ?

La transmission de son exploitation hors cadre familial nécessite de s’y préparer longtemps à l’avance. Bien définir ses objectifs est indispensable pour trouver le repreneur idéal et faire de ce dernier projet professionnel agricole une réussite.

<em class="placeholder">Cédant et repreneur en discussion dans une parcelle.</em>
Transmettre son exploitation c'est aussi transmettre son savoir.
© S.Leitenberger

Céder son exploitation ne se résume pas à la seule transmission des biens de production. Après une vie professionnelle entièrement consacrée à sa ferme, s’arrêter est souvent difficile. Pour bien transmettre, « il faut s’y prendre cinq ans à l’avance, trois ans pour se faire à l’idée et deux ans pour les différentes démarches », explique Martial Pouzet, responsable installation – transmission à la chambre d’agriculture de Charente. Et si la transmission se fait hors du cadre familial, « il faut en plus faire le deuil d’une reprise par un enfant ». 

Les évolutions sociétales font que les agriculteurs ont de plus en plus souvent affaire à des candidats hors cadre familial. C’est un changement de pratiques, qui, comme tout changement en agriculture, se réfléchit en groupe, avec une personne qui accompagne le processus, estime Dominique Lataste, psychosociologue et formateur au sein de l’organisme Autrement dit (Loire). Ce dernier aime à rappeler la signification du verbe transmettre : « remettre à quelqu’un un bien, dans l’espoir que celui-ci vivra après soi ». On ne peut donc parler pour lui de transmission que si l’exploitant est dans une logique de trouver un repreneur qui va pouvoir poursuivre l’activité de façon viable.

Clarifier ses projets en tant que cédant

Le plus difficile pour un chef d’exploitation est souvent de déterminer ses objectifs. « Les cédants savent ce qu’ils ne veulent pas, mais pas toujours ce qu’ils veulent », observe Florien Daufin, conseiller d’entreprise au Cerfrance Bourgogne-Franche-Comté. Les agriculteurs sont souvent des passionnés, avec un métier qui constitue leur identité sociale. Ils ont donc des difficultés à se projeter dans l’après, et à s’imaginer faire autre chose. Martiel Pouzet, qui accompagne les exploitants dans cette phase délicate, indique qu’il travaille beaucoup sur l’humain, ce dont n’a pas forcément l’habitude un agriculteur. Pour clarifier son projet et ses besoins, il faut se poser des questions telles que : pour bien vivre, de combien avez-vous besoin par mois ? L’important pour vous est-il de transmettre au meilleur prix ou de permettre la viabilité de votre repreneur ? Acceptez-vous qu’il modifie les pratiques et/ou les ateliers actuels ou est-ce impensable ?

La question de la maison d’habitation est également centrale. Rester si elle est dans le corps de ferme peut poser problème lors de la reprise. La question des fermages est aussi importante. Il est conseillé aux futurs cédants d’impliquer les propriétaires dès le début des démarches, pour éviter qu’ils fassent des promesses à des voisins à l’affût de leurs terres. « Si le cédant s’entend bien avec ses propriétaires, ils lui feront confiance, même sans connaître son repreneur », estime Martial Pouzet qui ajoute qu’il n’y a pas de bonne transmission sans bon cédant.

Attention aux conflits de générations

La chambre d’agriculture de la Charente travaille avec les cédants sur un profil d’exploitation à reprendre, puis les met en relation avec une dizaine de candidats potentiels. Les rencontres les aident aussi à construire leur projet de transmission : lorsqu’ils voient des candidats qui refusent leur exploitation, ils réfléchissent différemment et se remettent parfois en question. Aujourd’hui, il y a plus d’exploitants qui arrêtent que de candidats à l’installation, ils peuvent donc se permettre d’être plus difficiles.

La transmission est aussi une rencontre entre deux générations. Entre un cédant baby-boomer ou de la génération X et un repreneur de la génération Z, les valeurs et les attentes peuvent différer. La dynamique n’est pas la même entre un jeune qui veut avancer rapidement, qui va chercher de l’information très vite et un cédant qui doit tourner une très longue page de sa vie et qui a besoin de temps. « Accepter un repreneur qui va changer les choses sur l’exploitation, qui a une conception du travail et des priorités différentes, fait partie du travail de préparation mentale à la transmission », indique Dominique Lataste.

Une confiance mutuelle est nécessaire entre cédant et repreneur

Les accompagnants à la transmission aident les cédants à parvenir à un lâcher-prise vis-à-vis de l’exploitation. L’enjeu est d’apprendre à faire confiance à son repreneur, à lui donner le temps et à lui laisser le droit à l’erreur. « Si le cédant est dans un processus de transmission, il va chercher à construire cette confiance et faire en sorte qu’elle soit réciproque. », estime Dominique Lataste, qui observe souvent que le cédant espère souvent une forme de continuité, de prolongement de soi à travers le projet de transmission. Il souhaite ainsi, plus ou moins consciemment, que le projet du repreneur se greffe sur l’histoire de l’exploitation. Finalement, le meilleur accompagnant du cédant pour une transmission réussie est sans doute son repreneur.

Lors d’une reprise hors cadre familial, le candidat vient souvent d’une autre région ou d’un autre milieu professionnel. Il a besoin de pouvoir compter sur le cédant, sur ses conseils, sur son réseau pour réussir son installation. « Cela valorise l’ancien exploitant, qui a le sentiment de servir encore à quelque chose, ce qui facilite le passage de relais aussi », observe Martial Pouzet. Celui-ci ajoute qu’il est rare qu’un cédant continue à travailler sur l’exploitation, surtout en grandes cultures, sauf s’il garde une parcelle de subsistance, ce qui légitimise le coup de main ponctuel. Dans ce type de situation, ou si le cédant reste salarié à temps partiel, le repreneur doit accepter les conseils et le vécu du cédant, et ce dernier doit consentir à transmettre en laissant la main.

Céder à un repreneur qui nous ressemble

« Un des exploitants que j’ai accompagné récemment voulait absolument céder à un repreneur qui poursuivrait dans la même logique, à savoir faire des grandes cultures en bio », explique Michel François, conseiller et coach agricole. Cet agriculteur aurait pu céder son exploitation à un prix beaucoup plus élevé, mais il a choisi de faire perdurer « sa raison d’être » en transmettant à un candidat ayant le même projet professionnel. Michel François a travaillé pendant plusieurs mois avec le cédant pour construire son projet et déterminer ses objectifs. Parmi ceux à clarifier, figuraient la date d’arrêt et la vie d’après, pour un exploitant qui avait des responsabilités professionnelles et un réseau d’amis fait majoritairement des fournisseurs et des voisins agriculteurs qui gravitaient autour de l’exploitation. « Il n’avait pas vraiment de projet pour la suite, j’ai donc intégré son épouse dans la réflexion pour avancer sur ce point important. »

Garder ou vendre la maison d’habitation a fait également partie des choses à décider. « Je lui ai conseillé de présenter son projet à ses enfants, pour d’abord être sûr que personne ne souhaitait reprendre, mais aussi pour les informer de sa décision de vendre de la maison, car elle fait partie du patrimoine affectif de la famille. » Enfin, il faut toujours aborder la question du besoin des repreneurs. « Dans le cas présent, le cédant va les aider ponctuellement sur les plans technique et agronomique quand ils auront besoin, mais avec des règles de fonctionnement bien calées entre eux. »

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