Une pénurie de semences est-elle à craindre ?
Le secteur semencier français subit les conséquences de la guerre en Ukraine, de la sécheresse et de l’augmentation des coûts de production.
Le secteur semencier français subit les conséquences de la guerre en Ukraine, de la sécheresse et de l’augmentation des coûts de production.
Guerre en Ukraine, sécheresse, crise énergétique… le secteur français des semences traverse une période difficile. À la baisse de rendements s’ajoute un recul des surfaces de 2 % à 394 000 hectares en 2022 par rapport à 2021, révèle l’Union française des semenciers (UFS) lors d’une conférence de presse à Paris le 9 novembre.
Concernant les quantités de semences disponibles pour les semis 2023, les responsables de la filière se veulent toutefois rassurants. Que ce soit pour fournir le marché français ou l’export, « il y aura suffisamment de semences grâce aux stocks constitués l’an dernier », assure Claude Tabel, président de l’UFS. À condition d’être flexible dans certains cas sur sa variété habituelle qui pourrait ne pas être disponible.
La tension sur les semences en Europe est aussi accentuée par le recul « d’au moins 50 % » de la production en Ukraine destinée au marché intérieur ainsi qu’aux pays limitrophes.
Redonner de l’intérêt à la production de semences
Les craintes des responsables de la filière concernent plutôt les campagnes suivantes si d’aventure la récolte 2023 s’avérait aussi faible que celle de 2022. « Dans le contexte actuel, il faudrait une augmentation des surfaces pour reconstituer les stocks mais on se dirige une nouvelle fois vers une baisse », confesse le responsable professionnel pour qui « l’enjeu est de redonner de l’intérêt à la production de semences ».
Certains producteurs tournent en effet le dos à cette activité exigeante à mener. « La production de semences nécessite d’être dans ses champs tous les jours », rappelle Claude Tabel. Les arbitrages se font souvent en faveur de la production de céréales plus attractive en raison de la hausse des cours.
Revalorisation des prix de contrats
« On assiste aussi à un changement générationnel qui entraîne une simplification des systèmes de cultures », précise le responsable. La valeur ajoutée qu’apporte la production de semences n’est plus toujours une motivation suffisante pour compenser le temps passé et l’investissement. Une situation accentuée par la hausse des coûts de production.
Dans ce contexte, « on devrait assister l’an prochain à une revalorisation d’environ 20 % des prix de contrats de semences », assure Claude Tabel.
La filière souffre également du changement climatique avec les sécheresses à répétition. Elle attend des initiatives des pouvoirs publics pour faciliter l’accès à l’eau et permettre aux producteurs d’assurer « la sécurité alimentaire » de la France.
Répercussion sur le prix des semences
Les entreprises semencières subissent pour leur part l’augmentation du coût de l’énergie. Certaines ont vu leur facture multipliée par quatre, voire six. La filière demande à pouvoir bénéficier des aides prévues par l’État.
Enfin, l’UFS considère « inéluctable » la répercussion des hausses sur les prix des semences mais que cela « va contribuer à l’inflation des productions agricoles et entraîner une perte de compétitivité sur les marchés européens ». « Nous restons à ce jour le premier exportateur mondial de semences, mais dans les années à venir, notre place pourrait être challengée », alerte Claude Tabel.
Semences grandes cultures : les résultats par production
En maïs, la moyenne des rendements est située entre 65 % et 70 % des objectifs fixés par les semenciers à travers les contrats des producteurs. « Une baisse des surfaces de 8 à 10 % liée à l’incertitude de pouvoir irriguer est envisagée pour 2023 », indique l’UFS.
En céréales à paille et protéagineux, les rendements sont corrects mais le plan de multiplication est en baisse (respectivement -4 % et -8 % par rapport à 2021) à la suite de difficultés à placer les contrats. L’approvisionnement ne devrait toutefois pas poser problème grâce à l’augmentation des semences de ferme.
En tournesol, les rendements sont corrects. Une hausse des surfaces de 10 % est attendue en 2023 pour cette production (920 000 à 940 000 hectares), ce qui va augmenter les besoins en semences. Les représentants de la filière sont en discussion avec les pouvoirs publics pour réduire la distance d’isolement imposée à la production de semences de tournesol de 3 km à 500 m.
En colza, la récolte est correcte en rendements comme en qualité.
En betteraves, les rendements sont inférieurs à la moyenne historique même s’ils sont meilleurs qu’en 2020 et 2021. La forte augmentation des coûts de production freine les agriculteurs multiplicateurs. La production de semences de betteraves subit la concurrence des grandes cultures, constate l’UFS.