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CHIFFRES CLÉS
Les auxiliaires sensibles à la diversité du paysage agricole

La présence de haies et de bandes enherbées est favorable à la régulation des ravageurs comme les pucerons par leurs ennemis naturels. À Sainte-Pexine en Vendée, Franck Blanchet en mesure les bénéfices.

Difficile de mesurer l’impact des auxiliaires sur les ravageurs des cultures. Mais Franck Blanchet n’a eu à réaliser qu’un seul traitement insecticide sur ses céréales contre les pucerons des épis en trente ans d’activités sur son exploitation agricole. Le reste du temps, ces ravageurs sont restés en deçà de leur seuil de nuisibilité, bien jugulés qu’ils sont par leur environnement et en particulier leurs prédateurs et parasites naturels.

Située à Sainte-Pexine en Vendée, l’exploitation de Franck Blanchet montre un maillage parcellaire constitué de champs de tailles raisonnables (7 à 8 ha de moyenne en surface), d’un linéaire de haies et de bordures enherbées important caractérisant un paysage plus proche du milieu bocager que de celui de l’openfield pour ses grandes cultures. « Les bandes enherbées ont été installées en 1996. Quant aux haies, elles étaient déjà existantes à mon installation. Je les ai préservées et j’en ai planté un kilomètre. Les bandes enherbées participent à la protection des terres, des berges et des fossés contre l’érosion », remarque l’agriculteur. C’est aussi un environnement idéal pour la faune sauvage parmi laquelle les auxiliaires des cultures. Franck Blanchet surveille régulièrement ses cultures. « J’observe beaucoup. Par exemple, j’ai pu remarquer qu’au moment de la floraison des maïs, quand les pucerons se font de plus en présents, les coccinelles arrivent deux à trois jours après. Sur les blés, ce sont également les coccinelles que l’on remarque le plus facilement. »

Jusqu’à 20 % de pucerons parasités sur le blé

Une étude a été menée à l’échelle de la région Pays de la Loire dénommée ServicesAuxil’2 avec certaines mesures prises dans les parcelles de Franck Blanchet. Le but était de mesurer l’efficacité du service rendu par les auxiliaires de cultures en fonction des contextes paysagers. L’étude a porté sur 35 parcelles de milieu ouvert (openfield) et 40 de milieu fermé de type bocager pendant deux ans. Les mesures ont été effectuées sur les carabes, prédateurs de limaces, et sur les divers ennemis naturels des pucerons des épis des céréales.

Conseiller biodiversité à la chambre d’agriculture de Vendée, Thierry Rattier met en avant les résultats obtenus sur les pucerons. « La somme des pressions des auxiliaires (coccinelles, larves de syrphes et micro-guêpes parasitoïdes) est en tendance supérieure en milieu fermé sur les deux années d’étude 2015 et 2016. On peut avoir jusqu’à 20 % de pucerons parasités (momifiés par l’action des micro-guêpes), précise Thierry Rattier. Mais les pucerons des céréales se sont révélés bien plus nombreux en milieu fermé qu’en milieu ouvert, remarque-t-il. Ils sont aussi plus exposés à la prédation et au parasitisme, ce qui les maintient sous leur seuil de nuisibilité. Les milieux hétérogènes apportent plus d’habitats et plus de catégories d’auxiliaires. Si l’on assiste à une invasion de pucerons, on aura un niveau moindre de régulation en milieu ouvert qu’en milieu fermé. »

Des dégâts de limaces moins importants en milieu fermé

Dans les résultats de l’étude, on remarque que parmi les auxiliaires, les micro-hyménoptères parasitoïdes sont prépondérants. Cela se voit surtout en 2015 avec la forte proportion de pucerons momifiés qui sont le résultat du parasitisme de ces insectes. Thierry Rattier insiste sur l’importance d’observer la composition des colonies de pucerons en termes d’individus parasités (momies) et de quantité d’auxiliaires au moment de la période de sensibilité des céréales, avant de décider d’une intervention chimique.

Chez Frank Blanchet, ce sont surtout les carabes qui ont fait l’objet d’un suivi dans le cadre de ServicesAuxil’2, en mesurant le rôle de réservoir des bandes enherbées. L’impact positif de ces bandes est indéniable sur la communauté de carabes avec une diversité d’espèces plus importante. « La régulation des carabes sur les limaces semble se mettre en place et les dégâts sont moins importants en milieu fermé », rapporte Thierry Rattier. Mais le facteur météorologique pèse largement plus sur le développement des limaces qui pullulent en conditions pluvieuses. Dans ce cas, les carabes ne suffisent pas à les réguler.

Si les bandes enherbées sont un bon refuge pour les carabes favorisant leurs actes de prédation dans la parcelle, les haies apportent un complément pour l’apport des auxiliaires. « Elles sont favorables notamment aux micro-hyménoptères et elles améliorent l’accueil des syrphes en apportant une floraison plus étalée dans le temps », souligne le conseiller agricole. Les syrphes adultes se nourrissent en effet du pollen des fleurs. À ce titre, la présence de fleurs en complément des graminées sur les bandes enherbées est un plus pour ces insectes utiles dont les larves dévorent goulûment les pucerons.

Une SIE largement excédentaire chez Franck Blanchet

370 ha dont 320 de cultures (40 ha en prairie permanente)

180 ha de maïs (dont 150 irrigués)

100 ha de blé tendre

20 ha d’orge d’hiver

20 ha de tournesol

10 ha de bandes enherbées et 17 km de linéaire de haies

Une SIE (surface d’intérêt écologique) équivalente à 8-9 % de la surface agricole de l’exploitation

Des haies véhiculant une bonne image de l’agriculture

Franck Blanchet est très sensible à l’image de l’agriculteur véhiculée par les médias. Au travers de ses pratiques, il tient à démontrer que « les agriculteurs ne traitent pas à tire-larigot ». Son aménagement parcellaire avec les haies notamment participe à cet objectif. Pour le bonheur des yeux, des bandes fleuries sont ensemencées en bordure de certains champs, sur le chemin des visiteurs et randonneurs qui sillonnent la région. Et si cela profite aux organismes auxiliaires, c’est encore mieux.

Des outils prédictifs qui restent à mettre au point

On connaît les outils de prévision de maladies voire de certains ravageurs pour aider à traiter à bon escient. Un tel type d’outil pourrait-il exister pour prédire l’efficacité des auxiliaires sur les populations de ravageurs ? « Nous démarrons un projet de recherche national dénommé Arena, 'Anticiper les régulations naturelles'. Piloté par Arvalis, son objectif est d’évaluer le rôle des insectes auxiliaires dans la régulation des ravageurs, présente Véronique Tosser, ingénieur biodiversité chez Arvalis. Le projet se déroulera pendant trois ans dans huit régions au moins. » Il fait intervenir des organismes d’enseignement, de recherche et de développement dont les chambres d’agricultures. Les limaces et les pucerons d’automne et de printemps, ainsi que les charançons du colza seront les principaux ravageurs étudiés avec leurs auxiliaires.

Des cartes de prédation dans la végétation

Ce projet de recherches va faire l’objet de mesures particulières. Ainsi, va être reprise la méthode des cartes de prédation déjà utilisée dans le réseau de recherches Sebiopag(1). « Ces cartes sont des supports (morceaux de papier de verre) sur lesquels on colle des proies (pucerons, graines d’adventices, œufs de lépidoptères…), explique Véronique Tosser. Elles sont exposées dans la culture sur différentes strates pendant quelques jours. Puis on compte le nombre de proies prédatées. Mieux. Ces cartes peuvent être couplées à des caméras pour le suivi des prélèvements et pour identifier les organismes qui les consomment. » Le projet Arena va faire appel en outre à des analyses moléculaires des contenus stomacaux des auxiliaires. « Les données récoltées, ainsi que d’autres données antérieures, seront utilisées pour faire de la modélisation, présente un document sur le projet Arena. Des outils prédictifs de la régulation naturelle vont être ainsi élaborés. »

(1) Services écosystémiques assurés par la biodiversité dans les paysages agricoles (http://sebiobag.inra.fr).

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