Filière : le maïs doux, une niche fragile dans la mondialisation
L’agriculture française compte encore des pépites. La filière maïs doux en est une, qui n’a cessé de se développer depuis vingt ans. Face à une concurrence sur ses marchés à l’exportation, elle mise sur la consommation des ménages.
L’agriculture française compte encore des pépites. La filière maïs doux en est une, qui n’a cessé de se développer depuis vingt ans. Face à une concurrence sur ses marchés à l’exportation, elle mise sur la consommation des ménages.
Je suis une céréale considérée comme un légume, présente sur toutes les tables estivales et cultivée essentiellement en Nouvelle-Aquitaine sur 24 000 hectares par 750 producteurs. Qui suis-je ? Le maïs doux. Qu’a-t-il de si différent d’un maïs grain classique ? Les variétés, la conduite culturale, les débouchés. Bref, excepté une origine sud-américaine commune, presque tout sépare le maïs doux du maïs grain. « Les variétés sont choisies en fonction de leurs qualités gustatives et des attentes des industriels, qui recherchent à la fois des variétés qualitatives faciles à travailler », explique Clémence Aliaga, ingénieure chez Arvalis et spécialiste du sujet.
Le cycle cultural est aussi très spécifique : 100 jours environ séparent le semis de la récolte et les grains sont récoltés immatures, à 70 % d’humidité. Du semis à la récolte, l’ensemble des opérations culturales sont dictées par les exigences de l’aval de la filière : les semis s’échelonnent sur trois mois pour permettre aux usines de fonctionner le plus longtemps possible. Celles-ci fonctionnent à plein régime de juillet à septembre.
Les premiers semis sont effectués dès le mois d’avril et s’échelonnent jusqu’en juillet, pour des premières récoltes dès la mi-juillet, qui s’achèvent à la mi-octobre. Le département des Landes concentre cinq des sept usines de transformation de la région Nouvelle-Aquitaine. Les deux autres sont situées dans le Lot-et-Garonne tout proche. Toutes sont implantées à proximité des zones de production : pour assurer la qualité du produit, la fraîcheur des grains est indispensable.
Ce maillage couplé à une logistique bien huilée limite à moins de 6 heures le temps qui s’écoule entre la récolte et la mise en boîte. Dans les usines, l’immense majorité du maïs doux est commercialisée sous les marques Bonduelle, Daucy et Géant Vert. Un peu plus de 80 % de la production est dédiée à la conserve. Le reste est surgelé.
30 % de la production française de maïs doux consommés en France
La consommation française absorbe 30 % seulement des boîtes de maïs. Le reste est exporté, à 87 % dans les pays de l’Union européenne. La consommation des Européens, soutenue, est portée par une forte croissance des ventes en enseignes de hard discount. Le Royaume-Uni et l’Allemagne sont les premiers clients du maïs doux français. Ils représentent respectivement 27 et 22 % des exportations de maïs doux en conserve.
Sur ce marché, la concurrence est rude et mondialisée. « Une fois en boîte, le maïs doux est un produit facile à stocker et à transporter », rappelle Jean-Paul Lataste, président de l’AGPM maïs doux. La Hongrie est l’autre grand producteur européen et se partage ces marchés avec la France. « Sur la moyenne 2017-2019, la France a produit 44 % des volumes de maïs en conserve de l’Union européenne et la Hongrie 40 % », relève Nicolas Montepagano, responsable de la filière maïs doux à l’AGPM. Pour le maïs doux surgelé, la Hongrie a produit 44 % des volumes et la France 23 %.
Face à la concurrence croissante, les producteurs français craignent une déstabilisation du marché
Hors de l’Union européenne, le développement de la production en Thaïlande, en Chine ou au Brésil inquiète les producteurs français. Ils redoutent une forte déstabilisation de leurs marchés. « Ces pays ont des capacités d’exportation fortes », appuie Nicolas Montepagano. Avec une surface deux fois supérieure à la sole française, le Brésil constitue un trublion de taille, d’autant qu’il dispose de coûts de production défiant toute concurrence. Et qu’importe si les conditions sociales et environnementales n’ont rien à voir avec les nôtres.
Les ambitions brésiliennes semblent pourtant durablement contenues : le projet d’accord UE-Mercosur, encore loin d’être ratifié, classe le maïs doux parmi les produits sensibles et fixe un quota d’importation très restreint. Un autre compétiteur inquiète davantage : la Thaïlande. Doté de solides atouts — un climat généreux et des coûts de production au plancher — ce nouveau venu est aujourd’hui le premier exportateur mondial du petit grain jaune.
L’ombre du no deal britannique
Depuis 2007, la filière française a certes obtenu la protection de l’Union européenne par la mise en place de mesures antidumping sous forme de taxes douanières, pour cinq ans, reconduites en 2013 et en 2019. Mais cette protection, actée jusqu’en 2024, n’est que temporaire. « Il n’existe pas à ma connaissance d’autres produits agricoles bénéficiant de mesures antidumping prolongées ainsi à trois reprises, soit pour plus de 15 ans au total », prévient Nicolas Montepagano.
La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord d’ici au 31 janvier 2021 pourrait précipiter les choses dès la campagne prochaine : les Britanniques importent la totalité de leur consommation de France, de Hongrie et de Thaïlande. Pour la France, le Royaume-Uni constitue le premier des débouchés, pour l’équivalent de 30 % de sa production.
« En cas de no deal, les produits tricolores et des autres pays producteurs de l’UE se verraient appliquer des droits de douane correspondant à une hausse des prix de 11 %, alors que le maïs doux en conserve thaïlandais serait dépourvu des droits antidumping actuels », explique Nicolas Montepagano. La menace est prise au sérieux par les acteurs de la filière.
Accroître la consommation domestique
Pour limiter ce risque, les professionnels misent sur le développement de la consommation intérieure. Car si la consommation française de maïs doux est synonyme de convivialité, elle reste limitée : nous en consommons 600 grammes par habitant et par an (hab/an), pour un total de 66 millions de boîtes, contre 1,6 kg/hab/an au Royaume-Uni et 1,1 kg/hab/an en Allemagne. Le maïs doux n’est pas encore au menu des tables françaises mais, entre 2016 et 2019, la consommation française de maïs doux a progressé de 10 %.
Le légume est consommé l’été. Environ 70 % de s vente s ont lieu d’avril à septembre, avec un pic en juillet et août. « En France, le maïs doux est surtout consommé dans des salades composées, en tant qu’ingrédient, résume Anne Ketaneh, directrice de la communication de Maïz’europ, regroupement des organisations de la filière maïs. Or il existe d’autres façons de consommer du maïs, en particulier chaud, comme légume principal. »
La promotion passe aussi par la mise en avant des qualités nutritionnelles : peu calorique, riche en fibres, en minéraux et en vitamines du groupe B. La filière mène des actions de communication tous azimuts : sur les réseaux sociaux, dans les médias ou auprès des professionnels de la restauration. Les recettes de maïs doux cuisiné poêlé, en salade ou en gratin se multiplient dans la presse grand public et sur les écrans.
Objectif ? Élargir la période pendant laquelle ce produit est utilisé et faire évoluer les modes de consommation. « Nous soutenons des youtubeurs culinaires, qui font la promotion du maïs auprès de leurs communautés », illustre par exemple Anne Ketaneh. Autre initiative : le maïs doux figurera parmi les ingrédients à la disposition des candidats d’Objectif Top chef saison 6, qui sera prochainement diffusée sur M6.