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Grandes cultures : le biocontrôle à l’épreuve du terrain contre les maladies et ravageurs

Comment sont utilisés les produits de biocontrôle en grandes cultures et quelles sont leurs perspectives de développement ? Cas de figure sur le terrain avec le groupe Scael en Eure-et-Loir.

La pyrale du maïs peut être combattue à l'aide de trichogrammes, un des rares exemples de solutions de biocontrôle s'étant développé à une large échelle en grandes cultures. © J. Pizzol/Inra
La pyrale du maïs peut être combattue à l'aide de trichogrammes, un des rares exemples de solutions de biocontrôle s'étant développé à une large échelle en grandes cultures.
© J. Pizzol/Inra

Les innovations tombent au compte-gouttes dans les produits de biocontrôle en grandes cultures. Tel est le cas pour le phosphanate de potassium qui n’en finit pas d’arriver. Son homologation est espérée enfin en grandes cultures pour l’automne alors qu’il l’est comme antimildiou sur vigne depuis des années. « Nous testons ce produit contre les maladies des céréales, en visant en particulier la septoriose, informe Joël Lorgeoux, directeur développement innovations agronomiques à la coopérative Scael. Nous observons une certaine efficacité par rapport aux témoins mais avec une grande variabilité de résultats. Le produit est testé également sur betteraves contre la cercosporiose pour répondre aux problématiques d’utilisation du cuivre(1) et de perte d’efficacité de certains triazoles. En revanche, nous ne l’avons pas testé sur pomme de terre. » Arvalis a démontré l’efficacité antimildiou du phosphonate de potassium. Chez Arvalis, Claude Maumené remarque la possibilité d’utilisation d’une solution 100 % biocontrôle en premier traitement contre la septoriose. « Un mélange de soufre et de phosphanate montre une efficacité de 60 % sur cette maladie », précise-t-il. Mais la demande d’AMM est en toujours en cours d’étude sur cette matière active.

Le soufre est l’une des solutions de biocontrôle s’étant le plus développée en grandes cultures ces dernières années, sur blé comme antiseptoriose. Utilisé sur 150 000 hectares en 2018, il était attendu à 450 000 hectares en 2019. Les chiffres précis ne sont pas encore connus. « Son développement est significatif, confirme Joël Lorgeoux. Nous le préconisons en premier traitement (T1) avec une demi-dose de fongicide classique à base de triazole. Mais attention aux formulations à problème dans le choix avec des produits à base de soufre qui ne sont pas tous équivalents. L’effet formulation est très fort », avertit Joël Lorgeoux.

Un exemple d’appropriation réussie avec le phosphate ferrique

Sur céréales, la Scael propose également le produit Vacciplant (= Iodus 2) à base de laminarine (extrait d’algue) contre les maladies. « Sur blé, nous le conseillons avec un antipiétin de type Unix au stade 1 nœud. Sur orge, il peut être associé à une demi-dose de fongicide (triazole ou Unix). Les résultats techniques tiennent la route », observe le spécialiste de la Scael.

Les céréales et le colza ont vu l’arrivée d’un antilimace à base de phosphate ferrique, intégré dans la liste des produits de biocontrôle, en concurrence de l’omniprésent métaldéhyde. « L’utilisation de Sluxx a été boudée au début à cause d’une action plus lente que le métaldéhyde et d’un défaut de résistance à la pluie. Mais le produit a été amélioré depuis et son efficacité est quasi équivalente à un produit de synthèse, remarque Joël Lorgeoux. La part de marché du phosphate ferrique (Sluxx HP, Iron Max…) parmi les antilimaces est de 30 % dans notre secteur et pourrait atteindre les 50 % sous peu. » Le recours à cet antilimace de biocontrôle est très disparate sur le territoire français. « Lancé en 2010, le produit est un exemple d’appropriation réussie d’une solution de biocontrôle, juge Ronan Goff, directeur général de la société Certis et vice-président de l’IBMA(2), association sur le biocontrôle. Certaines coopératives commercialisent Sluxx HP à plus de 50 % de leurs antilimaces mais d’autres établissements sont à zéro. La part de marché du phosphate ferrique est à 20 % des antilimaces en France », estime-t-il.

Les trichogrammes subissent la concurrence d’un insecticide

Autre spécialité de biocontrôle qui a fait son trou : les trichogrammes pour lutter contre la pyrale du maïs. Cette solution a connu un bon développement freiné cependant par la contrainte de l’application manuelle. D’autres modes d’applications sont testés. Par ailleurs, le recours à cette solution de biocontrôle a été concurrencé par l’arrivée de l’insecticide Coragen, plus efficace que les produits antipyrales utilisés jusqu’à présent. « Les trichogrammes se situent à environ 10 % de part de marché des solutions de contrôle des pyrales, estime Joël Lorgeoux. Cela reste modeste. »

Quelques spécialités de biocontrôle sont homologuées sur colza. Le concept d’un produit à base d’une bactérie (différentes souches de Bacillus) associé à une demi-dose de fongicide classique se développe comme solution antisclérotinia. C’est le cas avec le produit Rhapsody de Bayer ou Ballad de Corteva, à associer à une demi-dose de Propulse par exemple. « L’efficacité est équivalente à l’application d’un Propulse à pleine dose, affirme Joël Lorgeoux. Ce type de solution qui compte pour 0,5 d’IFT a pris pas loin de 30 % du marché des produits antisclérotinia dans le secteur que nous couvrons. » Contans est également une solution de biocontrôle contre le sclérotinia, à appliquer avant les semis. Mais s’il s’est bien développé sur certaines cultures légumières, il n’a pas percé sur colza.

Les solutions de biocontrôle sont mises en avant pour une meilleure prévention de l’utilisateur et la protection de l’environnement. Les distributeurs doivent finaliser un certain nombre de CEPP(3) à acquérir portant justement sur ces solutions de biocontrôle, entre autres. « Même si la pénalité financière a disparu en cas de non-respect des objectifs fixés en termes de CEPP, il demeure un certain flou sur le renouvellement de l’agrément distributeur qui pourrait être conditionné à l’obtention d’un nombre suffisant de CEPP, remarque Joël Lorgeoux. Nous attendons de connaître les textes d’applications de ces nouvelles règles. En tous les cas, nous serons très loin de pouvoir honorer l’objectif des CEPP avec les seuls produits de biocontrôle. »

(1) Le cuivre est autorisé sur betterave avec une dérogation 120 jours du produit Yucca, autorisé en agriculture biologique mais exclu de la liste des produits de biocontrôle.
(2) www.ibmafrance.com
(3) Certificat d’économie de produit phytosanitaire.

AVIS D’EXPERT : Thibaut Malausa, chercheur à l’Inra de Sophia-Antipolis coordonnant le consortium biocontrôle

« Le biocontrôle ne se développera que si l'on change les itinéraires culturaux »

« Actuellement, nous sommes dans des systèmes de cultures peu prophylactiques et 'open bar' pour les parasites, avec par exemple des parcelles contigües de mêmes variétés. C’est peu propice au biocontrôle et il est très rare que l’on puisse remplacer poste pour poste un pesticide par un produit de biocontrôle. Cela fonctionne bien quand on change certaines choses dans l’itinéraire cultural comme l’adoption de variétés tolérantes aux bioagresseurs, l’allongement des rotations culturales, l’évitement de parcelles contiguës de mêmes cultures… autant d’éléments qui concourent à réduire la pression des bioagresseurs tout en favorisant les organismes utiles. Le biocontrôle se limite à diminuer le parasitisme en dessous du seuil de dégâts acceptables économiquement. L’utilisation de produits de biocontrôle trouve son intérêt dans le respect de l’environnement. Un produit naturel n’est pas forcément moins toxique qu’un produit de synthèse mais il est moins stable dans l’environnement et, de ce fait, il générera moins de pollution. »

AVIS D’EXPLOITANT : Édouard Billard, 340 hectares à Intréville en Eure-et-Loir

« Des trichogrammes depuis vingt ans »

« Comme produits de biocontrôle, nous utilisons les trichogrammes sur maïs. Dès que l’on repère le premier vol de pyrale, nous réceptionnons les plaquettes cartonnées qui contiennent les trichogrammes. Leur application à pied prend deux à trois heures à trois ou quatre personnes sur nos 20 hectares de maïs et cela protège bien la culture à coût équivalent (33 €/ha) à celui d’un insecticide. Cela fait depuis vingt ans que nous utilisons cette solution de protection. Nous avons aussi adopté l’antilimace Sluxx HP que nous appliquons une ou deux fois sur nos cultures de colza, à 5 kg/ha (22 €). L’épandage s’effectue au Delimbe en septembre au stade 2-3 feuilles du colza. Les populations de limaces sont bien contrôlées. Sur l’exploitation agricole, nous mettons en place tout ce qui est possible pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires de synthèse, ce qui nécessite de consacrer plus de temps à la surveillance des parcelles, moins de traitements préventifs, l’utilisation de variétés tolérantes aux bioagresseurs… »

SCEA de la ferme des Brosses avec Dominique, Solène et Édouard Billard (+ un salarié). 340 ha dont 130 de blé tendre, 20 de blé dur, 20 d’orges, 20 de maïs grain, 30 de colza, 55 de betterave, 30 de pomme de terre, 10 de pois de conserve et 10 de flageolet.

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