Fongicides : les SDHI commencent à décrocher sur blé face à la septoriose
Pour la première fois en 2022, l’érosion de l’efficacité des fongicides à base de SDHI est visible au champ face au développement des souches de septoriose hautement résistantes. Quelles solutions face à leur progression ?
Pour la première fois en 2022, l’érosion de l’efficacité des fongicides à base de SDHI est visible au champ face au développement des souches de septoriose hautement résistantes. Quelles solutions face à leur progression ?
La résistance de la septoriose aux SDHI s’amplifie. Jusqu’en 2021, les souches dites CarR (résistance modérée aux SDHI) et CarHR (haute résistance) étaient uniquement mises en évidence en laboratoire au sein de populations du pathogène, dans des analyses menées par l’unité Bioger d’Inrae. Mais en 2022, la perte d’efficacité de fongicides associant SDHI et triazoles a été constatée sur le terrain, trahissant la montée en puissance de la résistance. « Dans deux essais du Calvados et des Côtes-d’Armor où la proportion de souches CarHR est élevée (23 % des populations de septoriose), l’efficacité du produit associant un triazole à un SDHI (Elatus Era) a été mesurée à 42 %, contre 59 % sur un regroupement de 13 essais avec une moyenne de 3 % de souches CarHR, présente Gilles Couleaud, spécialiste maladies des céréales chez Arvalis. C’est la première fois que nous percevons cette baisse d’efficacité des SDHI au champ. »
Sur la base de 173 analyses réalisées en 2022 en France, la proportion de souches CarHR de septoriose atteint 14 %, contre 9 % en 2021 (non mesurée en 2020). Elle dépasse 25 % en Picardie, 20 % en Basse-Normandie, 15 % dans le Centre… Dans le même temps, la proportion des souches hautement résistantes aux triazoles (TriHR) reste élevée (61 % en 2022). La part des souches résistantes à plusieurs familles de fongicides (MDR, multidrug-resistant) est stable, à 24 %. « Dans certaines situations, nous avons les deux types de souches TriHR et CarHR à forte résistance aux SDHI et aux triazoles, comme en Picardie et en Basse-Normandie, indique Gilles Couleaud. C’est la suite logique de l’évolution de la septoriose. Même si les SDHI sont toujours associées à d’autres molécules dans les formulations fongicides, leur utilisation a exercé une pression de sélection qui a produit son effet. »
Plus que jamais, Arvalis et Inrae recommandent de limiter l’utilisation des SDHI à une seule application par saison, sur blé comme sur orge. « Sur blé, face à la progression des résistances multiples, n’intervenir que si c’est strictement nécessaire et maintenir si possible un fongicide multisite (soufre, folpel) dans le programme », ajoute la note commune sur les résistances aux fongicides de janvier 2022.
Les effets du folpel, fongicide à large spectre, ont été testés sur les souches de septoriose. « Avec une seule application de cette molécule, il n’y a pas d’effet. Deux applications du folpel en premier (T1) et deuxième traitement (T2) limitent la progression de la résistance MDR et CarHR, mais cela reste à confirmer pour ces dernières souches, précise Gilles Couleaud. L’utilisation du folpel associé à d’autres modes d’action est une option dont l’effet sera d’autant plus perceptible que la progression des résistances aura érodé l’efficacité des triazoles et des SDHI. »
Associé au soufre en T1 ou à un fongicide en T2 comportant un triazole et un SDHI, le phosphonate de potassium (molécule de biocontrôle) est sans effet sur l’évolution des souches. Le soufre comme le folpel présentent l’intérêt d’être des molécules à action multisite contre lesquelles on ne connaît pas de souche résistante de pathogènes des céréales. Cette absence de résistance est valable aussi pour le phosphonate de potassium.
Gilles Couleaud apporte une note d’espoir dans la lutte contre la progression des résistances. « Dans les essais du réseau Performance, l’association de fenpicoxamide (produit Questar) et d’un SDHI (le benzovindiflupyr d’Elatus Plus) ralentit la progression des souches MDR et CarHR avec une seule application, sans toutefois la ramener au niveau des témoins sans traitement. Aucune souche résistante de septoriose au fenpicoxamide n’a été détectée sur céréales. »
Le fenpicoxamide appartient à la famille chimique des QiI. Cette nouvelle famille sur céréales, voisine des QoI (strobilurines), est commercialisée depuis 2020. Le risque d’émergence de résistance existe sur céréales pour cette catégorie de molécules unisites. Il est « moyen à élevé ce qui nécessite des mesures de gestion de leur utilisation », souligne le Frac (Fungicide Resistance Action Committee). La résistance aux QiI a été observée chez des pathogènes d’autres cultures. Au final, endiguer la résistance des maladies aux fongicides passe par la modération de consommation de ces phytos.