Filière/Circuits courts : des féveroles sous contrat pour une alimentation animale de proximité
Dans les Deux-Sèvres, une nouvelle filière permet à des céréaliers d’intégrer de la féverole sous contrat dans leur assolement. La production approvisionne les éleveurs du département en protéines végétales.
Dans les Deux-Sèvres, une nouvelle filière permet à des céréaliers d’intégrer de la féverole sous contrat dans leur assolement. La production approvisionne les éleveurs du département en protéines végétales.
Malgré leurs atouts agronomiques, les protéagineux peinent à trouver leur place dans les assolements français. Et si la solution passait par le local ? Une toute nouvelle filière lancée en 2019 par le négoce Lamy-Bienaimé, dans les Deux-Sèvres, tente de relever le défi. L’idée : intégrer la féverole dans les assolements afin d’alimenter une usine locale d’aliments du bétail. Fin 2019, quarante agriculteurs du sud des Deux-Sèvres ont ainsi implanté 300 hectares de féverole d’hiver.
« L’idée est partie de la demande de céréaliers qui souhaitaient diversifier leurs cultures pour des raisons agronomiques et environnementales, explique Cédric Clochard, directeur de Lamy-Bienaimé. Beaucoup étaient situés sur des zones de captage d’eau potable, avec des enjeux environnementaux importants. Il y a quelques années, nous avions lancé une filière pois avec cet objectif. Les agriculteurs souhaitaient pouvoir intégrer une deuxième culture ne nécessitant pas d’engrais azoté. Il y a aussi une demande croissante de la part des éleveurs pour des protéines locales permettant de ne plus dépendre du soja importé et de répondre aux attentes des transformateurs pour une alimentation animale sans OGM. »
Valorisation dans une usine locale d’aliments du bétail
Le choix s’est porté sur la féverole, jusqu’ici très peu cultivée dans le département. « Comme nous disposons dans les Deux-Sèvres d’une usine d’aliment du bétail, nous pouvons y incorporer de la féverole à hauteur de 10-15 %, ce qui permet de la valoriser, souligne Cédric Clochard. Il fallait une culture simple à implanter et à récolter, qui puisse être menée sans irrigation pour intéresser le plus d’agriculteurs possible. Ce n’est pas le cas du soja par exemple, qui nécessite par ailleurs un traitement plus complexe que la féverole pour être valorisé en alimentation animale. »
La féverole étant peu connue dans la région, un partenariat a été établi avec Terres Inovia pour un suivi technique de la culture. « La féverole présente l’avantage de fixer l’azote, de structurer le sol, d’être rustique et de s’adapter à différents types de sol tout en hébergeant de la biodiversité », souligne Agathe Penant, référente protéagineux Centre & Ouest de l’institut technique.
La féverole d’hiver a été préférée à celle de printemps car elle limite le risque de manque d’eau et donc de mauvais remplissage des grains. Implantée à l’automne, son potentiel de rendement est supérieur à celui des variétés de printemps dans ce secteur. La variété retenue, Irena, est riche en protéines (28-29 %), assez tardive et résistante au froid. L’itinéraire technique implique un semis vers le 15 novembre, à 30 grains au mètre carré, à 6-8 centimètres de profondeur, pour une récolte la deuxième quinzaine de juillet.
Vigilance indispensable face au botrytis
En revanche, met en garde Agathe Penant, « la féverole est assez sensible aux maladies, en particulier le botrytis en ce qui concerne la féverole d’hiver. Celui-ci peut se développer rapidement et il n’existe que des solutions préventives moyennement efficaces. Il est donc important de semer assez profond pour limiter le développement précoce des maladies, de beaucoup observer et d’être très réactif. Terres Inovia travaille sur des tolérances variétales au botrytis, mais la gestion de cette maladie peut être délicate. C’est un frein au développement de la culture. »
Surfaces et prix contractualisés
« Parmi la quarantaine d’agriculteurs engagés cette année dans la filière, beaucoup avaient déjà intégré du pois dans la rotation, pointe Cédric Clochard. Avec la féverole, ils peuvent cultiver une légumineuse tous les trois ans, en alternant pois de printemps et féverole d’hiver. »
Localement, l’objectif visé est un rendement de 30-35 quintaux par hectare selon le type de sol. En 2020, du fait des conditions climatiques très défavorables pour les cultures d’hiver, les rendements ont avoisiné 20-22 quintaux/hectare, avec de fortes disparités selon le type de sol. Toutes les surfaces sont contractualisées. Le prix, qui sera revu chaque année, est fixé à 225 euros la tonne en 2020.
Les charges intègrent notamment les semences, le désherbage et la gestion des maladies. « La contractualisation amène un vrai plus, estime Agathe Penant. Elle permet aux agriculteurs et à l’organisme collecteur de sécuriser les surfaces et les prix. » Pour 2021, l’objectif pour Lamy-Bienaimé est de contractualiser 500-600 hectares de féverole avec encore plus d’agriculteurs.
Surfaces de féveroles stables en France
En 2020, 65 000 hectares de féverole (printemps et hiver) ont été implantés en France. « Malgré la volonté de développer la production de protéines végétales, pour des raisons agronomiques et pour réduire la dépendance au soja importé, les surfaces de féverole en France évoluent peu, constate Agathe Penant. Il y a en revanche un fort développement du soja avec 170 000 hectares estimés en 2020, soit 10 000 hectares de plus qu’en 2019. Tous les bassins souhaitent aujourd’hui produire du soja, qui présente l’intérêt d’avoir un taux de protéine de 40 % contre 20-30 % pour le pois et la féverole. »
© V. Bargain
AVIS D'AGRICULTEUR - Jean-François Bouteiller, 340 ha à Brioux-sur-Boutonne« La féverole a une marge inférieure au blé, mais est intéressante dans la rotation »
« Avec l’évolution du climat et des maladies, il est important de trouver de nouvelles cultures. Et plus elles sont en circuit court, plus c’est intéressant. Une partie de l’exploitation est de plus située sur la zone de captage d’eau potable de la Boutonne, ce qui implique de limiter les apports azotés et de couvrir les sols en hiver. Enfin, la culture du tournesol devient de plus en plus difficile à cause des oiseaux. Nous ne pouvons plus en faire sur certaines parcelles et cherchons à introduire d’autres cultures. Nous faisons déjà du pois depuis trois ans et un peu de luzerne. Et nous avons décidé de tester la féverole qui capte l’azote, structure le sol et ne nécessite pas d’engrais azoté. Cela évite aussi de semer un couvert et limite donc le travail.
Le semis a été réalisé début décembre en combiné. Le labour a permis d’aérer la terre et nous avons semé juste derrière. La levée s’est très bien passée. Il faut seulement éviter les terres trop battantes où il est difficile de semer profond. Les principales interventions ont été un désherbage au semis, puis trois fongicides. Il a beaucoup plu cet hiver, ce qui a entraîné du botrytis dès la floraison. Malgré trois fongicides, les cultures ont été assez affectées. Nous avons eu aussi de la grêle.
Par rapport au pois, la féverole est plus haute et reste bien dressée. En faisant les bons réglages, il n’y a pas de problème pour la récolter. En année normale, j’espère une marge similaire à celle du pois. La marge est inférieure à celle du blé, mais il faut voir l’intérêt sur la rotation. Après un pois, je dois apporter 30 unités d’azote en moins et il n’y a aucun problème de démarrage du blé. La féverole améliore aussi la structure du sol et limite l’enherbement. Nous devrons juger son intérêt sur plusieurs années car les cultures sont très dépendantes de la météo. En 2020, les rendements ont été très disparates selon le type de sol, variant de 18 quintaux à l’hectare à 40 quintaux sur les bonnes terres. Je vais toutefois sans doute refaire un essai en 2021. »