Obtentions végétales
Endiguer l´érosion génétique
Obtentions végétales
Avec la révolution agricole, une perte de la diversité des ressources génétiques a été constatée. Quelles peuvent en être les conséquences et comment inverser la tendance ?
« Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, l´agriculture est devenue très performante pour répondre à l´accroissement des besoins alimentaires. En même temps, une érosion génétique a été observée, constate André Charrier, professeur de génétique et d´amélioration des plantes à l´ENSA-M(1). Pour ces cinquante dernières années, une importance économique croissante a été donnée à quelques dizaines d´espèces cultivées au niveau mondial au détriment de centaines d´autres espèces cultivées d´importance locale. »
Quels sont les risques d´une perte de diversité génétique pour des espèces et variétés cultivées ? Des maladies des plantes sont combattues avec des variétés sélectionnées pour contenir des gènes de résistance. Que les ressources génétiques soient trop limitées en diversité, les sélectionneurs peuvent être désarmés face à l´apparition d´un pathogène d´un nouveau type et ne pas y trouver le gène de résistance. La destruction quasi-totale de la pomme de terre en Irlande au XIXe siècle à cause de l´arrivée du mildiou s´explique par une sélection de variétés sur la base d´un échantillon génétique limité. Ce fut une catastrophe pour l´Irlande qui connut des famines et l´immigration massive de plus d´un million de personnes.
Les diverses collections mondiales de variétés qui existent actuellement et les échanges de matériel génétique permettent de pérenniser les cultures. Jean-Pierre Hardouin, sélectionneur aux établissements C.C. Benoist, nous en livre un exemple : « Un puceron (russian wheat aphid) affecte gravement le blé tendre dans certains pays. Le Cimmyt, la plus importante collection mondiale de blés, a testé 16 000 accessions (lignées) sur la résistance au puceron. Seulement 25 se sont montrées résistantes. L´utilisation de ce matériel dans des programmes de croisements permettra l´introduction du caractère de résistance dans des variétés agronomiquement performantes. »
Des moyens d´augmenter la diversité génétique
Chercheurs et sélectionneurs ont mis au point différents processus et procédés pour générer de la diversité exploitable. Les échanges de matériel végétal conservé dans des banques de gènes ou collecté sur le terrain au cours de prospections contribuent à augmenter la diversité génétique. Les flux de gènes entre variétés ou espèces apparentées, les mutations génétiques naturelles ou provoquées, la création de nouvelles combinaisons génétiques par sélection classique ou grâce aux biotechnologies améliorent la diversité des ressources génétiques.
Diverses collections publi-ques ou privées existent dans le monde. « Nous tirons parti de ces collections, de différents voyages et de relations entre semenciers pour acquérir ou nous échanger du matériel génétique », explique Jean-Pierre Hardouin. Lignées propres ou acquises : elles servent à des centaines de croisements chaque année chez Benoist pour la sélection des futures variétés de blé tendre.
Ces échanges sont-ils sans limites ? « Sur maïs, nous avons la possibilité d´accroître la variabilité génétique en faisant appel à du matériel tropical, explique Claude Tabel, responsable recherche de RAGT. Mais l´évolution des accords internationaux a plutôt fermé l´accès à ces ressources génétiques. Cela a engendré des systèmes compliqués qui, au lieu de favoriser les échanges de matériel, les bloquent. Après avoir accès aux ressources génétiques considérées comme patrimoine commun de l´humanité, on est entré dans un domaine marchand de ces ressources, constate le chercheur de RAGT. Si on fait une demande pour avoir accès à du matériel génétique à certaines collections internationales, on ne nous répond plus. »
L´impact de la Conférence de Rio
Chargé des questions juridiques au Bureau des ressources génétiques (BRG), Gautier Pereira, fait appel à nos souvenirs : « En 1992, la conférence de Rio, ou Sommet de la terre, s´est traduite par la signature de la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui reconnaît aux États la souveraineté sur leurs ressources génétiques (espèces indigènes et variétés créées sur le territoire). En même temps, il y a obligation pour chaque État de mettre en place une politique d´accès et de conservation des ressources génétiques. Depuis l´entrée en vigueur de la CDB fin décembre 1993, l´accès aux ressources génétiques nécessite un consentement préalable et en connaissance de cause de l´État propriétaire.
L´objectif est de prévoir un partage équitable des retombées positives de l´utilisation d´une ressource génétique entre État, indigènes et découvreurs. Mais la convention a engendré des contraintes qui ont restreint l´accès à ces ressources », avoue le spécialiste du BRG. Un traité a été adopté sous l´égide de la FAO en 2001. Il propose un accès facilité aux ressources génétiques de 64 cultures vivrières et fourragères jugées importantes pour la sécurité alimentaire mondiale. Six milliards d´êtres humains en ont besoin.
(1) École nationale supérieure agronomique de Montpellier.