Douceurs à la ferme : "nous fabriquons nos bonbons au blé et à la betterave"
Un couple d’agriculteurs des Ardennes confectionne des bonbons avec les coproduits de ses cultures. Une idée unique et délicieuse de créer de la valeur ajoutée à la ferme.
Un couple d’agriculteurs des Ardennes confectionne des bonbons avec les coproduits de ses cultures. Une idée unique et délicieuse de créer de la valeur ajoutée à la ferme.
Avec quoi sont fabriqués les bonbons ? De deux tiers de saccharose et d’un tiers de glucose. Deux ingrédients issus l’un de la betterave, l’autre du blé tendre. Il n’en fallait pas plus pour tenter Sophie et Sébastien Loriette, producteurs de betteraves et de céréales à Banogne-Recouvrance, dans les Ardennes. Le couple est aujourd’hui le seul producteur artisan de France. « Nous recherchions une diversification pas commune. Je suis originaire des Vosges et c’est en visitant une confiserie que s’est fait le déclic : nous nous sommes rendu compte que nous produisons 100 % des matières premières à la ferme », se remémore Sophie Loriette.
Suivent alors trois ans de réflexion et de préparation du projet. « Nous nous sommes renseignés sur le process de fabrication, les outils à réunir, le savoir-faire à acquérir, les investissements à réaliser, les aides disponibles, la forme juridique de l’activité », énumère Sophie Loriette. Des efforts récompensés par le lancement de l’activité en octobre 2017.
Des ingrédients issus en intégralité du canton
Malgré la présence de blé et de betterave sur l’exploitation, il n’était pas envisageable pour les Loriette de fabriquer les bonbons à partir de leur propre récolte. La transformation des végétaux en saccharose et en glucose relève du processus industriel. La concession est toutefois minime puisque tous deux sont produits à 20 km de là : le couple a noué un partenariat avec la coopérative Cristal Union, qui leur garantit que le sucre utilisé est local. Le glucose de blé est issu du site de ADM-Chamtor, à Bazancourt, dans la Marne. « Nous sommes les premiers à avoir pensé récupérer le sucre à la coopérative et à en faire des bonbons », sourient Sébastien et Sophie Loriette. Leurs bonbons peuvent ainsi revendiquer sans rougir les appellations « 100 % végétal, 100 % local et 100 % ferme ».
Les étapes de fabrication de la confiserie passent par une cuisson du mélange eau, saccharose et glucose à 114 °C. « À cette température, les molécules de ces deux sucres s’imbriquent. Cela permet d’avoir des bonbons durs, à l’ancienne », commente Sophie. Le mélange ainsi obtenu est ensuite transféré dans un cuiseur sous-vide pour une seconde cuisson à 140 °C permettant l’évaporation de l’eau. Une étape indispensable pour obtenir des bonbons qui ne s’agglomèrent pas entre eux dans les sachets – c’est vrai, nous avons testé ! – et qui garantit une longue conservation dans le temps. La DLC des bonbons est fixée à deux ans.
Obtenir un mélange parfaitement homogène
Les arômes et les couleurs sont incorporés juste après la cuisson de la pâte, sur une table froide. La pâte est malaxée jusqu’à obtention d’un mélange parfaitement homogène. La pâte à bonbons est ensuite découpée en tranches et pressée dans un moule à double cylindre, qui donne leur forme caractéristique aux bonbons. Les confiseurs ont choisi un moule en forme d’amande, sur lequel figure un grand A. « Le A c’est pour 'A les champs', le nom de notre petite entreprise », indique Sophie. « Mais A, c’est aussi Alléchants, Agriculture, Ardennes », précise Sébastien.
Sitôt pressés, les bonbons refroidissent sur une ligne de séchage longue de 6 m et couverte de grands ventilateurs. Reste une dernière étape : la turbine. Cette sorte de belle bétonnière en cuivre enlève les aspérités des bonbons et permet l’ajout de l’enrobage de sucre final. Sophie travaille par lot de 15 kg, avec lequel elle obtient 3 500 bonbons et 70 sachets.
Reste l’étape la plus contraignante : l’ensachage. Chaque semaine, c’est entre 300 et 600 sachets qu’il faut confectionner. « J’ai recruté une salariée à temps partiel pour cela mais cette seule activité nous occupe tout de même deux demi-journées par semaine », reconnaît Sophie Loriette. La gamme développée compte une vingtaine de parfums différents, depuis les plus classiques (fraise, citron, violette, sève de pin, coquelicots), jusqu’aux plus insolites. Pour les fêtes, un sachet spécial Noël a vu le jour, composé de 3 parfums : pain d’épice, figue, pomme cannelle. « Je travaille avec un laboratoire qui fabrique tous les arômes naturels que l’on veut et cela permet d’enrichir la gamme constamment », s’amuse l’entrepreneuse.
Vente en grandes surfaces et dans les boutiques du terroir
Selon le circuit de distribution, les bonbons A les champs sont emballés en sachets cristal ou en sachets kraft de 180 à 250 grammes. Selon la gamme, les sachets sont vendus entre 3,20 et 3,80 € TTC l’unité au consommateur final. « Nous sommes distribués dans une quarantaine d’épiceries fines, boutiques du terroir et hypermarchés de la région. Nous n’avons pas de boutique à la ferme mais nous effectuons des visites de l’atelier à l’occasion de portes ouvertes. Les consommateurs sont curieux de savoir comment est fait ce qu’ils achètent. » Depuis peu, les amateurs peuvent commander leurs bonbons préférés sur internet : a-les-champs.fr. Les clients sont séduits par la qualité des bonbons.
L’activité de production occupe Sophie la moitié de son temps. L’autre est consacrée aux tâches administratives, à la prospection de nouveaux clients, mais aussi à l’animation de deux gîtes (préexistants) et à la vie de famille. Les confiseurs produisent plus de 20 000 sachets de bonbons par an, nécessitant 6 tonnes de saccharose et 1 tonne de glucose, pour un chiffre d’affaires de 50 000 € en 2019. L’objectif est de doubler l’activité et – pourquoi pas – d’embaucher un salarié. « Nous ne sommes qu'à la moitié du chemin. »
Le matériel représente l’essentiel de l’investissement
Le couple a entamé les travaux en 2016. Il a aménagé un bâtiment de la ferme avec l’aide d’artisans locaux. Un local très fonctionnel de 120 m2, constitué de panneaux alimentaires et d’un sol carrelé. À l’intérieur, une immense hotte, des chaudrons, une ligne de séchage et un poste d’ensachage. L’ensemble des investissements s’élève à 120 000 €, financés avec le soutien de la région à hauteur de 30 % dans le cadre d’un programme agroalimentaire Feader. « Le matériel représente l’essentiel de l’investissement, rappelle Sébastien. Il n’existe qu’un fabricant de machines de confiseurs en France, les Établissements Patrice Ratti, et chaque pièce est unique. M. Ratti nous a conseillés sur le choix des machines et les aménagements et a assuré la formation. »
Le sirop de glucose : un débouché du blé à forte valeur ajoutée
Le sirop de glucose est un liquide transparent et épais, largement présent dans notre alimentation. C’est l’un des nombreux dérivés alimentaires du blé tendre, obtenu par hydrolyse de l’amidon dans l’un des dix sites de production français. En France, près de 8 % de la production de blé tendre est destinée à l’amidonnerie (2,8 millions de tonnes en 2017-2018). Quatre opérateurs constituent la filière amidonnière française, dont ADM, propriétaire du site de Bazancourt et ils exportent les trois quarts de leur production. La filière réalise 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.