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Des betteraves adaptées aux campagnes longues

Optimiser une durée de végétation plus longue, et obtenir des betteraves "longue conservation" : les sélectionneurs prennent en compte l’allongement de campagne.

Le chaulage sur silo est une des techniques expérimentées pour améliorer la qualité du stockage longue durée.
© M.-P. Vanloot

« Les enjeux de l’allongement de campagne sont importants pour nous, semenciers. » Directeur général de KWS France, Patrick Mariotte est bien conscient de cette forte évolution des pratiques. « Il y a seulement quelques années, 100 % des betteraves étaient arrachées le 15 novembre. Aujourd’hui, la moitié est récoltée après le 1er novembre. L’allongement des campagnes se fait en début et en fin de récolte. À KWS, nous travaillons pour obtenir des betteraves adaptées dans les deux cas. »

Pour les semis précoces, les recherches portent sur la réduction du risque de montées à graines et sur l’amélioration de la vitesse de levées des betteraves. « Aujourd’hui, nous avons moins de problèmes de levées suite au croûtage, notamment grâce à l’activation des semences. Mais le point le plus important est d’augmenter la productivité en récolte tardive ", souligne Patrick Mariotte. Pour les mêmes variétés sur des parcelles d’essai communes, KWS fait ses récoltes à deux dates différentes, autour du 10 octobre et du 20 novembre. L’observation de la cinétique de croissance permet de savoir quelles variétés progressent le plus.

Le deuxième axe est le travail sur la tolérance aux maladies du feuillage avec des récoltes tardives. L’objectif est d’avoir un feuillage sain en fin de campagne pour continuer à fabriquer du sucre. L’ITB conseille pour les récoltes tardives (après le 1er novembre) de privilégier les variétés n’ayant aucune sensibilité aux maladies foliaires.

Mieux connaître le comportement en silo longue durée

KWS s’intéresse également à la conservation des betteraves après récolte. « Nous étudions le comportement de nos variétés aux stress biotiques (maladies, pourritures) et abiotiques (stress hydrique…), informe Patrick Mariotte. Des betteraves saines au champ se conserveront mieux. » L’entreprise mène depuis quinze ans des essais de conservation en silo, qui peuvent cumuler 450 à 500 degrés jour. Ces essais sont très coûteux, car il faut mettre des betteraves en sacs dans des silos pour mesurer ensuite les pourritures. Et la répétabilité s’avère compliquée.

« Même si ce n’est pas le critère le plus important, la génétique peut jouer un rôle dans la conservation des betteraves en silo », note François Suiveng, responsable développement de SES VanderHave. L’entreprise s’intéresse à cette problématique depuis une dizaine d’années. SES VanderHave a mis en place une technique permettant de classer les variétés selon leur aptitude à la conservation. Elle a déposé un brevet sur une méthode prédictive de la tolérance d’une variété aux chocs lors de la récolte et/ou aux facteurs responsables de la perte en sucre lors du stockage. « Nous effectuons cette évaluation par une mesure de la résistance mécanique de la racine, avec un pénétromètre, détaille le responsable développement. Cette méthode prédictive fait gagner beaucoup de temps. Elle évite la mise de betteraves en sacs, leur stockage plusieurs mois et différentes analyses. Et ce procédé donne les mêmes informations, avec fiabilité. »

Une grande variabilité dans l’aptitude à la conservation

Le sélectionneur remarque une variabilité importante pour l’aptitude à la conservation, qui va d’un facteur 1 à 5 pour toutes les variétés de betteraves du marché. Le nombre de betteraves mal conservées peut être cinq fois plus important dans les variétés les moins bien placées sur ce critère par rapport aux premières. Pour la société SES VanderHave, la variabilité de ses variétés se limite de 1 à 3. « C’est une chance que nous ayons dans notre génétique cette capacité à bien se conserver », se félicite l’expert SES VanderHave.

L’aptitude à la conservation est polygénique, à la différence, par exemple, de la résistance aux nématodes qui ne concerne qu’un seul gène. Il semblerait que dans la racine, la présence de tissus riches en sucres, protégés par des fibres plus denses, limite la dégradation en silo. « Notre société n’a pas réalisé de sélection spécifique sur ce point, précise François Suiveng. Ce caractère n’est pas, et ne sera pas dans les prochaines années, un critère prioritaire de recherche de la part des sélectionneurs. La productivité et la richesse restent les premiers axes de recherche, suivis de la résistance aux maladies du feuillage et aux ravageurs. »

Un propos partagé par le directeur de KWS France, pour qui l’important est de hiérarchiser les enjeux. « La génétique, insiste-t-il, ne fera pas tout pour la conservation en silo. Les autres facteurs (qualité de décolletage et de récolte, protection du gel, somme des températures…) ont un effet bien plus important que l’effet variété. »

Être un bon stockeur de betteraves

La durée de campagne est passée de 80 jours en 2004 à 132 jours cette année. Soit 52 jours de plus en quinze ans. On parle même d’une prévision de 140 jours de durée de campagne chez Tereos, avec une fin de campagne se prolongeant jusqu’à début février compte tenu d’un surplus de production de 30 %. « Les agriculteurs vont devoir apprendre le métier de stockeur de betteraves pour les derniers arrachages », affirme-t-on chez Tereos. « Le premier impératif est de ne pas trop anticiper la date de récolte », martèle Rémy Duval, de l’ITB. L’outil Silobet, disponible pour les planteurs, fixe la date d’arrachage en fonction de la date d’enlèvement. Au-dessus de 250 degrés jour, les pourritures dues à des champignons et/ou bactéries se développent. Elles entraînent une dégradation de la qualité. Avec des pertes en sucre, une augmentation du taux de betteraves non marchandes et des ralentissements de cadence en sucrerie. Les planteurs doivent aussi éviter de récolter lors de températures trop élevées.

Bien conserver par tous les moyens

Le chaulage est une méthode expérimentée pour mieux conserver les betteraves après récolte. « Pour limiter le développement des pourritures, nous testons le chaulage des silos depuis 2011, détaille Rémy Duval, ITB. Nous avions constaté que les betteraves se conservaient mieux en sols crayeux champenois. Les essais montrent qu’il vaut mieux chauler en préventif qu’en curatif. Pour l’instant, l’ITB a testé une aspersion de chaux directement après la constitution du silo. Nous observons une diminution de 35 % de gravité de pourriture sur la couche extérieure du silo. » La technique n’est pas encore complètement opérationnelle et les résultats sont variables.

Tereos préfère expérimenter le chaulage des betteraves pendant la récolte. « Nous avons adapté un système d’aspersion de solution chaulée dans une arracheuse, en partenariat avec une entreprise agricole picarde, dévoile Alexis Tordeur, responsable agronomique de Tereos. Des buses aspergent les betteraves après le circuit de nettoyage et avant leur chargement dans les bennes. » Les études sur la faisabilité sont prometteuses.

Éviter les chocs et le gel

« Un autre levier pour éviter les pourritures au silo est de limiter les chocs et blessures des betteraves, souligne Rémy Duval. 80 % des pertes en sucre au silo proviennent des blessures, véritables portes d’entrées des bactéries et champignons. Selon nos essais, un réglage « conservation » du circuit de nettoyage du matériel de récolte peut diminuer jusqu’à 25 % les pertes en sucres au silo, lors d’une longue conservation. » Pour inciter à des réglages plus doux de récolte en fin de campagne, Tereos octroie une franchise tare terre plus élevée (6,5 points au lieu de 5). La coopérative a aussi mis en circuit onze betteraves connectées, informant sur les chocs reçus lors de la récolte par la betterave, pour chercher à affiner les réglages. Quant à la protection contre le gel, elle est plus que jamais indispensable, à l’aide de bâches de différents types ou avec le paillage des silos.

M.-P. V.

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