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Blé dur : des variétés empêchent le cadmium de passer dans les grains

Le blé dur a tendance à concentrer du cadmium dans ses grains, un contaminant toxique. Heureusement, des variétés se caractérisent par une faible accumulation. Une bonne solution sur des sols parfois riches en cet élément indésirable.

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Des variétés de blé dur montrent une faible accumulation de cadmium dans leurs grains, d'autres non...
© C. Gloria

Parmi les métaux lourds, le cadmium est présent de manière naturelle dans les sols français un peu partout, parfois en quantité élevée. Problème : il est extrêmement toxique, classé cancérigène et le blé dur a tendance à l’accumuler dans ses grains destinés à l’alimentation humaine, ce qui est moins le cas des autres céréales. Cette capacité diffère selon les variétés.

« Actuellement, 65 % de la sole blé dur en France est constituée des variétés Anvergur et RGT Voilur, peu accumulatrices de cadmium, note Benoît Méléard, Arvalis. Ceci explique sans doute l’absence de dépassement du seuil réglementaire depuis trois ans d’après les échantillons collectés dans les silos (enquêtes FranceAgriMer). » À la Cavac, coopérative vendéenne, l’accumulation de cadmium ne constitue pas une préoccupation actuellement. « Sur les 10 000 hectares de blé dur que nous couvrons environ dans notre secteur, 90 % sont cultivés avec la variété Anvergur », précise Jean-Luc Espinas, responsable agronomique de la Cavac.

« Il faut rester vigilant sur les variétés utilisées malgré tout, souligne Benoît Méléard. Une variété comme Relief accumule fortement du cadmium dans les grains. Elle ne constitue plus que 2 % de la sole mais a été beaucoup utilisée par le passé. » Elle constituait encore 14 % des surfaces en région Centre en 2021 par exemple. « L’information de séquestration de cadmium peut ne pas être encore connue chez des variétés récemment inscrites. Ce n’est pas une obligation à l’inscription officielle. C’est le cas pour RGT Belalur, qui atteint 12 % de la sole en 2023, » ajoute le spécialiste d’Arvalis.

Un pH du sol au-dessus de 6,5 réduit l’assimilabilité du cadmium

Les sélectionneurs travaillent à obtenir des variétés de blé dur peu accumulatrices de cadmium. « Il y a un gène (Cdu1) dont un allèle est responsable d’une plus forte séquestration du cadmium dans les racines et donc d’une moindre allocation du contaminant dans le grain. Ceci explique en partie les différences entre variétés », explique Christophe Nguyen, directeur de recherches à l’Inrae. Ce gène a fait l’objet de programmes de sélection au Canada, principal pays producteur de blé dur. En France, un important projet de recherche (B-Swheat) a démarré en 2022 visant à identifier de nouveaux marqueurs génétiques pour aider à la sélection de variétés de blé dur et aussi de blé tendre accumulant peu les contaminants tels le cadmium, l’arsenic, le plomb et nickel.

 

 
Blé dur : des variétés empêchent le cadmium de passer dans les grains

Il existe d’autres moyens de réduire la présence de cadmium dans les blés. L’analyse de terre permet d’identifier les sols riches en cadmium. Certains facteurs favorisent sa mobilité et le risque de son assimilation par les plantes comme l’acidité du sol, la pauvreté en matière organique et la texture légère (faible capacité d’échange cationique CEC). Dans les sols acides, la solubilité du cadmium favorisée rend l’élément directement absorbé par les racines. Via les interventions culturales, on visera le maintien d’un pH du sol au-dessus de 6,5 par chaulage. « Mais il peut arriver que des sols proches de la neutralité (pH 7) soient déjà riches en cadmium. L’agriculteur n’aura pas la possibilité de réduire la biodisponibilité de cet élément. Il lui faudra choisir obligatoirement une variété de blé dur peu accumulatrice », souligne Christophe Nguyen.

Évaluer sa situation avec l’outil Bléssûr

La matière organique peut immobiliser le cadmium en partie. Un sol avec un taux élevé de matière organique fixera d’autant mieux cet élément même si les sols carbonatés font partie des situations avec les teneurs les plus élevées en cadmium. Le passage du cadmium en solution est favorisé par l’apport de certains fertilisants qui acidifient le sol, comme des engrais ammoniacaux ou le soufre élémentaire par exemple. Raisonner la fertilisation par le fractionnement des apports et éviter la surfertilisation réduit ce type de risque. Par ailleurs, Arvalis conseille de surveiller le niveau de contamination en cadmium de certains intrants apportés dans les champs comme des produits résiduaires organiques, des engrais phosphatés, voire certains produits phytosanitaires.

L’Inrae et Arvalis ont développé l’outil Bléssûr qui permet de prédire « la conformité d’une future récolte de blé dur à la réglementation européenne portant sur les teneurs maximales en contaminant métalliques dans le grain », dont le cadmium. Un agriculteur peut tester sa situation en saisissant des informations tirées de ses analyses de terre et sur la variété qu’il a dans sa parcelle. L’outil fournit alors le niveau de risque de non-conformité pour les grains qui seront récoltés.

Jusqu’à 15 % de récoltes non conformes localement

La question de la présence de cadmium dans le blé dur a fortement inquiété quand, il y a une dizaine d’années, les autorités européennes avaient envisagé de passer la teneur maximale de cadmium de 0,2 mg par kilo de grains de blé dur à 0,1 mg, ce qui aurait abouti au déclassement d’une partie substantielle des récoltes. Finalement, ce seuil est passé à 0,18 mg en août 2021. « En France, jusqu’à 5 % des parcelles de blé dur ont produit des récoltes non conformes au seuil actuel, allant jusqu’à plus de 15 % dans certaines régions où la biodisponibilité du cadmium dans les sols est plus importante (Poitou-Charente, Eure-et-Loir, Hérault) », remarque Christophe Nguyen, de l’Inrae.

 

 

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