Betterave et cercosporiose : adapter la lutte à l’expansion de la maladie dans toutes les régions
Des régions comme les Hauts-de-France et la Normandie étaient jusqu’ici relativement épargnées par la cercosporiose. Mais la maladie a fait une arrivée fracassante en 2022 et surtout 2023. Témoignages sur la lutte à mettre en œuvre.
Des régions comme les Hauts-de-France et la Normandie étaient jusqu’ici relativement épargnées par la cercosporiose. Mais la maladie a fait une arrivée fracassante en 2022 et surtout 2023. Témoignages sur la lutte à mettre en œuvre.
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La cercosporiose surfe sur le réchauffement climatique. La maladie majeure de la betterave au sud du Bassin parisien et en Champagne monte en puissance dorénavant dans les régions de production au nord et à l’ouest. « Il y a quelques années, c’était la rouille qui déclenchait les traitements. Depuis 2021, la cercosporiose prédomine », constate Olivier Ley, ingénieur à l’Institut technique de la betterave (ITB) Nord-Pas-de-Calais.
Même son de cloche en Normandie. « En 2018, nous avons commencé à observer de la cercosporiose dans l’Eure, sans pression forte. En 2021, nous sommes montés d’un cran en ce qui concerne l’intensité et la précocité avec des attaques dès juillet et des difficultés de traitement, observe Alexandre Métais, délégué ITB en région Normandie et Val d’Oise. En 2023, nous avons subi une forte pression non seulement dans l’Eure, mais aussi en Seine-Maritime. On a perdu jusqu’à 10 % de rendement dans la région à cause de cette maladie. » De son côté, Cédric Royer, spécialiste protection des cultures à l’ITB, a constaté un développement de la cercosporiose très tard jusqu’à l’automne en 2023 à cause de la douceur et humidité, « ce qui constitue une nouveauté pour ce pathogène, outre son développement partout en France ».
Une nouvelle génération de variétés tolérantes à la cercosporiose
Deux moyens permettent de lutter contre la cercosporiose : l’utilisation de variétés tolérantes à cette maladie combinée à des fongicides associant des molécules efficaces. « Aujourd’hui, le choix variétal intègre la lutte contre la cercosporiose. Il y a plusieurs variétés avec un bon niveau de tolérance à ce pathogène, qu’il faut privilégier en particulier pour les dates de récolte tardive après le 15 octobre », conseille Alexandre Métais. Certaines variétés sont affichées Cerco + par les semenciers qui les commercialisent (KWS, Betaseed). Elles sont présentées comme « une nouvelle génération de betteraves conférant un niveau de productivité élevée, quelle que soit la pression de cercosporiose rencontrée ».
Toutefois, ces variétés ne dispensent pas d’appliquer des fongicides visant diverses maladies. La cercosporiose est la maladie foliaire qui diminue le plus fortement le potentiel de rendement des betteraves, même si l’oïdium et la rouille sont encore bien présents dans certaines régions. C’est le pathogène le plus difficile à maîtriser, qu’il faut suivre au plus près. « Les fongicides à base de triazole (Spyrale, Timbal, Passerelle…) constituent les meilleures références contre cette maladie, à condition de les mélanger : deux triazoles ou un triazole avec de la fenpropidine, conseille Cédric Royer. L’ajout du cuivre (produit Airone) apporte un gap d’efficacité. Le mélange de triazole et d’Airone s’est avéré indispensable dans de nombreuses situations en 2023. »
Un coût fongicide quasiment multiplié par deux
Le produit Airone est utilisable sous dérogation 120 jours chaque année. L’ITB l’a demandée pour 2024. Sa dose d'application est homologués à 3,5 litres par hectare (272 g/l de cuivre), mais elle est souvent modulée à 2,5 litres par hectare. Son coût est de 15 euros par litre.
La cercosporiose impose en outre une protection fongicide plus longue dans le temps. « Sur le complexe rouille-oïdium, deux passages suffisent à bien protéger les betteraves. Avec la cercosporiose, les programmes se font en trois applications en intégrant le cuivre, mentionne Alexandre Métais. En conséquence, il y a une augmentation significative du coût de la protection qui est passé à 150 euros par hectare (produit + coût de passage) contre 70 euros par hectare précédemment. »
Par ailleurs, de nouvelles molécules sont en cours de test avec des performances intéressantes, selon Cédric Royer. Elles pourraient arriver sur le marché dans les prochains mois.
Plus présente, plus précoce et plus durable
Les maladies foliaires de la betterave sont surveillées dans le cadre du Resobet-Fongi, intégré au réseau de Surveillance biologique du territoire (SBT). « En 2023, la cercosporiose est apparue dans plus de 80 % des parcelles suivies, rapporte l’ITB. Parmi les pathogènes de la betterave, c’est la cercosporiose qui a déclenché les premières interventions fongicides de façon prépondérante, y compris dans les régions où elle n’était pas dominante jusqu’à présent. Elle est restée la principale maladie tout au long de l’été avec une recrudescence à l’automne. » 2023 confirme une apparition de plus en plus précoce de ce pathogène au fil des ans.