Colza
Agriculteurs et pétroliers roulent pour le diester
Colza
Au milieu des années 80, la recherche met en évidence que les esters méthyliques d´huile de colza ont des propriétés physico-chimiques très voisines de celles du gazole. Le désormais fameux « diester » entame sa carrière...
Combien parmi nous savent qu´en faisant le plein de gazole, ils utilisent en fait un mélange contenant 2 à 2,5 % d´ester ? Les pétroliers français, contrairement à ce qu´on pourrait croire, sont les premiers à en être demandeurs(1). « En effet, le diester possède plusieurs propriétés intéressantes : pouvoir lubrifiant, réduction des rejets dans l´atmosphère, et bien évidemment origine végétale donc impact réducteur sur l´effet de serre puisque la plante récupère une partie du gaz carbonique de l´atmosphère. Mais surtout, il est économiquement intéressant pour eux », explique Bernard Nicol, directeur général de Diester Industrie. Le raffinage permet de distiller le pétrole essentiellement en essence et en gazole. Or, la demande en gazole du marché français est en hausse, et la production déficitaire oblige à recourir aux importations. Notons par contre que la France, et plus globalement l´Europe, exporte de l´essence... Incorporer du diester, c´est autant de gazole en moins à importer. Même en achetant le diester français au prix du gazole étranger, les raffineurs gagnent au moins les frais de transport.
La défiscalisation : un problème européen
Pourquoi alors se limiter à 2,5 % d´incorporation, quand un pays comme l´Allemagne distribue à la pompe du diester pur, avec pour seule modification sur les véhicules le changement de quelques durites pour un coût n´excédant pas les 80 à 100 euros ? Tout est lié à la défiscalisation des biocarburants. « Aujourd´hui, commente Bernard Nicol, le marché français est de 330 000 t., dont 310 000 issues du colza français. Les 20 000 autres sont issues d´huiles importées. La défiscalisation porte, quant à elle, sur 317 500 tonnes. Il s´agit d´une décision politique, dépendant de la loi de finances. Mais cette quantité n´a pas changé depuis quatre ans ». Certes, le gouvernement français a fait depuis un an et demi la promesse de défiscaliser 70 000 t. supplémentaires. Mais cela pose des difficultés juridiques au niveau de Bruxelles. Car les volumes actuels sont défiscalisés en France dans le cadre d´une procédure « pilote ». Augmenter ces volumes implique d´obtenir une dérogation de Bruxelles, votée à l´unanimité du Conseil des ministres. « Cela pourrait être le cas d´ici fin mars, note Bernard Nicol, le gouvernement pourra alors envisager d´inscrire ces 70 000 t. dans la prochaine loi ».
Projet de directive européenne : une étape ultérieure
Le projet de directive européenne pour une incorporation obligatoire des biocarburants dans tous les pays de l´Union européenne sera une étape ultérieure. Elle demandera au moins deux ans pour aboutir et sera appliquée à partir de 2005. On passerait au total d´environ 1,2 million de tonnes à un peu plus de trois millions de tonnes incorporées pour l´ensemble de l´Union.
Du côté des utilisateurs, les industriels de l´automobile ne voient aucune objection à l´usage du diester. Peugeot s´est même montré très favorable. En amont, les producteurs ont également largement adhéré. « En France, les hectares globaux en production de colza ont baissé depuis deux ans, souligne Bernard Nicol. Sauf pour la production de diester. La production de colza sur terres en jachères atteignait 258 000 hectares en 2001. Dont 220 000 avec un engagement pluriannuel de trois ans ». Il est vrai qu´à 1 650 francs la tonne (251,54 euros) pour la campagne 2001-2002, le prix payé est incitatif, puisque supérieur à celui du colza alimentaire.
D´ailleurs, l´engagement des producteurs est significatif. Les organismes collecteurs tant coopératifs que privés, détiennent, via des holdings, 33 % des parts de Diester Industrie. Bref, des producteurs aux automobilistes, chacun trouve son compte avec le diester. Et la nature n´a pas à s´en plaindre.
(1) Tous les raffineurs en France sont utilisateurs de diester. En premier Total Fina Elf, mais aussi Shell, Esso, BP, Mobil.
Cet article est extrait du dossier "e;Oléopro"e; de Réussir Céréales Grandes Cultures du mois de mai : 34 pages sur les enjeux , innovations, débouchés et perspectives des oléagineux et protéagineux en France et dans le monde.